Plan d'urbanisme à Paris : les investisseurs particuliers dénoncent une atteinte au droit de propriété, la Ville dément

Alors que le plan local d'urbanisme (PLU) bioclimatique de la ville de Paris vient d'être voté, les petits porteurs de parts, représentés par l'association française des sociétés de placement immobilier (ASPIM), s'interrogent sur la valeur de leurs actifs. La Ville a identifié 1.000 adresses pour faire du logement social dans des immeubles de bureaux, mais a-t-elle prévu un bonus ? Est-ce une atteinte au droit de propriété ? Fallait-il traiter cette question à l'échelle de la métropole du Grand Paris ? Eléments de réponse avec le premier adjoint (PS) d'Anne Hidalgo.
César Armand
« La mairie va devenir le lieu de petits « marchandages » entre des propriétaires contraints et une municipalité en position de force grâce au PLU voté », met en garde le porte-parole des épargnants, Jean-Marc Coly.
« La mairie va devenir le lieu de petits « marchandages » entre des propriétaires contraints et une municipalité en position de force grâce au PLU voté », met en garde le porte-parole des épargnants, Jean-Marc Coly. (Crédits : Gonzalo Fuentes)

Article publié le 5 juin à 16h, mis à jour le 5 juin à 19h30 à l'issue du vote.

Le plus dur commence pour la ville de Paris. A peine son nouveau plan local d'urbanisme (PLU) dit bioclimatique vient-il d'être voté ce 5 juin par l'hémicycle qu'il sera suivi par une enquête publique d'une durée de près d'un an sous la houlette de commissaires-enquêteurs mandatés par l'Etat. Et ce avant une adoption définitive des élus fin 2024-début 2025.

Si la capitale vante un outil pour « permettre aux Parisiens de se loger à un prix abordable », « inclure les enjeux de la transition énergétique et climatique »,« accompagner les copropriétés dans le financement de la rénovation thermique » et « offrir un meilleur cadre de vie », les organisations patronales, bien que consultées, se déclarent, elles,  « vigilantes » voire « inquiètes ».

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Des porteurs de parts qui investissent 5.000 à 10.000 euros en moyenne

Un discours qui revient aussi du côté des gestionnaires des fonds d'investissement alternatif (FIA) en immobilier non cotés (SCPI, OPCI...), représentés par l'association française des sociétés de placement immobilier (ASPIM, 314 milliards d'euros portés par 4 millions d'épargnants).

« Nous partageons l'objectif de rendre la ville durable avec les logements abordables, mais nous aurions souhaité de la co-construction avec les acteurs économiques plutôt que de la concertation de façade », lâche à La Tribune son président Jean-Marc Coly.

« Nos clients sont des petits porteurs de parts qui investissent 5.000 à 10.000 euros en moyenne. Ils seraient les premiers impactés si des actifs devaient perdre de la valeur lorsqu'ils réaliseront des travaux de rénovation énergétique pourtant nécessaires », ajoute-t-il.

En cause : un dispositif qualifié d'« inédit » par la municipalité : tout nouvel immeuble de bureaux ou restructuré de plus de 5.000 mètres carrés situé dans l'ouest devra consacrer 10% de sa surface à la création de logements. Une obligation dite de « servitude de mixité fonctionnelle ».

Précisément, sur ces 10%, la municipalité impose 30% de logements sociaux, 35% en zone de déficit et même 50% dans une zone d'hyper déficit de logement social, un nouveau secteur créé par l'exécutif parisien. (Cliquer sur la carte pour l'agrandir)

PLU

1.000 adresses identifiées pour faire du logement social

Avec les maires d'arrondissement, 1.000 adresses ont ainsi été identifiées dont 400 concernent des immeubles de bureaux, pour créer du logement social, « principalement dans les arrondissements de l'ouest parisien (8e, 9e, 15e, 16e, 17e) », affirme aujourd'hui à La Tribune, Emmanuel Grégoire, le premier adjoint (PS) d'Anne Hidalgo.

C'est ce que la commune appelle le « pastillage » visant à convertir ces bâtiments en logements sociaux ou en espaces verts. D'après les calculs de l'ASPIM, si la capitale devait racheter toutes ces adresses, cela lui coûterait entre 60 et 100 milliards d'euros.

« Cela représentait plusieurs dizaines de milliards d'euros », confirme le bras droit de la maire, « mais nous n'avons pas du tout l'intention d'acheter les 400 immeubles pastillés. Cela dépend d'opportunités et d'instructions techniques. Si nous arrivons à 5-10 opérations d'ici à 2026, ce sera déjà bien », ajoute le bras droit de la maire.

Ses services évaluent actuellement les bâtiments selon trois critères : la propriété monobloc, la localisation et la mutabilité. « Nos directions vérifient la soutenabilité des conditions financières », assure Emmanuel Grégoire.

Un bonus de surélévation ?

En parallèle, un travail de toilettage des bases de données va se poursuivre pour connaître la nature des propriétaires, dont les entités juridiques - sociétés civiles immobilières (SCI) par exemple - ne reflètent pas toujours leur réelle identité.

« Nous proposons que si un an après la mise en jeu du droit de délaissement, l'immeuble "pastillé" n'a pas été acquis par la Ville, il soit libéré de cette contrainte. Avec 3% de vacance de bureaux, c'est la seule manière de sauver l'attractivité économique et commerciale de la capitale », insiste le porte-parole des épargnants, Jean-Marc Coly.

« Si un bien a été rénové récemment, il ne sera pas opportun de maintenir son ''pastillage'' », répond l'élu parisien. « Je suis sûr que cela va bouger pendant l'enquête publique. Nous informerons l'ensemble des propriétaires », poursuit-il.

Pour trouver un compromis entre logement et bureau, un bonus de surélévation des immeubles sera offert mais « uniquement » pour de l'habitation avec un étage complémentaire et au-delà des règles de gabarit sur les voies de plus de 12 mètres.

« En cas de création de logements, un gabarit nouveau est possible avec un étage en plus. Évidemment, les règles de hauteur traditionnelles [37 mètres, Ndlr] ne bougent pas », souligne Emmanuel Grégoire.

Une atteinte au droit de propriété ?

Autant de mesures qui représentent une « atteinte au droit de propriété », selon son contradicteur. « Ce dernier est protégé par la juridiction administrative. Comme dans tout PLU, le propriétaire a des droits de recours, mais je veillerai à ce qu'il n'y ait pas perte de valeur », rétorque l'adjoint d'Anne Hidalgo.

L'exécutif local prévoit aussi d'atteindre son objectif de 40% de logements publics en 2035, même si cela dépasse largement la fin du mandat en 2026 et même le suivant. Dans le détail, 30% de logements sociaux (25% aujourd'hui) et 10% de logement « abordable », c'est-à-dire du logement locatif intermédiaire - réservé aux classes moyennes trop riches pour le logement social et trop pauvres pour le parc privé - et du bail réel solidaire (BRS) - c'est-à-dire qui distingue les coûts du bâti et du foncier et qui divise la facture par deux pour l'occupant.

Pour ce faire, le BRS sera « prioritaire » dans toute opération en zone non-déficitaire en logement social. Il s'agit d'en « faire le plus possible » avec « des pastilles BRS » à l'Est et d'octroyer des autorisations dans le cadre des opérations de construction-restructuration, explique Emmanuel Grégoire. De même que 600 emplacements ont été « réservés » au logement social et public.

« La mairie va devenir le lieu de petits « marchandages » entre des propriétaires contraints et une municipalité en position de force grâce au PLU voté », met en garde le porte-parole des épargnants, Jean-Marc Coly.

« Je n'aime pas ce mot, je lui préfère celui de négociation. La valeur de délaissement sera proche de la valeur du marché », réplique l'édile de la capitale.

Un traitement à l'échelle de la métropole du Grand Paris ?

Les gestionnaires des fonds d'investissement alternatif en immobilier auraient enfin aimé que ce sujet soit traité à l'échelle de la métropole du Grand Paris « où des quartiers de bureaux moins vivants pourraient être transformés ».

De son côté, président du groupe Socialiste à la MGP, Emmanuel Grégoire, l'assure : l'intercommunalité « vise 2024 » pour l'adoption de son plan métropolitain pour l'habitat et l'hébergement (PMHH), document de planification à l'échelle des 131 communes.

César Armand

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Commentaires 2
à écrit le 05/06/2023 à 23:49
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Ça va leur faire du bien a ces 7/8/15/16/17 arrondissements de se frotter au peuple … ils sortiront de leur bulle et ghetto d entre soi …

à écrit le 05/06/2023 à 19:37
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tout est mis dans les lois pour exproprier les gens, a commencer par les vieux, il suffit de lire la presse, de lire les lois, et de regarder les derniers lois qui sont dans le tuyau.......bien evidemment on dira le contraire, car si c'est la panique...

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