Acculées par la flambée des prix de l'énergie, les entreprises tirent la sonnette d'alarme

Lignes de production à l'arrêt, marges avalées, approvisionnements tendus… De nombreuses entreprises, mal couvertes pour leur consommation d'énergie en 2023, se retrouvent dans l'impasse face à l'envolée des prix. Elles demandent des mesures d'urgence à l'Etat.
Juliette Raynal
(Crédits : Reuters)

Les ménages ne sont pas les seuls à s'inquiéter de l'impact de la flambée des prix de l'énergie sur leur porte-monnaie. Les entreprises, et particulièrement les grandes consommatrices, tirent la sonnette d'alarme. « Outre les craintes quant aux risques de coupures, l'aspect prix est énorme. Au prix du marché de l'électricité actuel, certaines entreprises décident tout simplement d'arrêter des lignes de production », rapporte Frank Roubanovitch, président du Cleee, une association regroupant des entreprises grandes consommatrices d'énergie dans le tertiaire et l'industrie.

En effet, beaucoup d'entreprises ne sont pas, ou pas totalement, couvertes pour leur consommation d'électricité en 2023. Or, pour 2023, le prix du mégawattheure a dépassé 1.000 euros le 26 août dernier, pour redescendre aujourd'hui à 600 euros. Un niveau qui reste toutefois 12 fois plus élevé que celui d'il y a un an.

Les entreprises peu couvertes

« Si une partie des volumes de consommation des grandes entreprises n'est pas couverte, ce n'est pas par négligence, mais parce que les entreprises ne sont pas parvenues à trouver la bonne fenêtre de tir car les prix ne cessent d'augmenter depuis plus d'un an. Lorsque le mégawattheure était à 200 euros, ce qui était déjà colossal,  beaucoup d'entreprises ont pensé [à tort, ndlr] que le cours allait finir par rebaisser », explique Jean-Sébastien Degouve, cofondateur et président du courtier en gaz et en électricité Opéra Energie.

Quant aux plus petites entreprises, beaucoup s'engagent sur des contrats d'une durée de trois ans, dont un certain nombre arrivent à échéance à la fin de l'année. « Les PME n'ont pas forcément le réflexe d'acheter à l'avance et celles dont les contrats se finissent à la fin de l'année, se retrouvent à devoir acheter maintenant », pointe le spécialiste du courtage. « Des clients, dans l'hôtellerie et la mécanique, m'ont confié qu'ils n'avaient plus de marge pour l'année prochaine », rapporte-t-il. .

De fait, toutes les entreprises n'auront pas la possibilité de répercuter cette flambée de l'énergie (électricité et gaz) auprès de leurs clients, notamment parce que leurs produits sont exposés à une concurrence internationale, ce qui implique de maintenir un prix compétitif.

Lignes de production à l'arrêt

De quoi pousser plusieurs acteurs économiques à renoncer, d'ores et déjà, à une partie de leur production. C'est le cas, par exemple, d'une entreprise pharmaceutique tricolore, qui a prévu de mettre à l'arrêt une ligne de production dédiée aux médicaments dits de confort.

Les verriers Duralex et Arc, asphyxiés par cette hausse des prix, ont également fait savoir qu'ils étaient contraints de réorganiser leur activité. Le premier va mettre son four en veille durant minimum quatre mois à partir de novembre et placer l'ensemble de ses salariés en chômage partiel. Son président, José-Luis Llacuna, a expliqué que « produire au tarif de l'énergie au prix du jour générerait des pertes intenables ».

Son confrère, le groupe verrier Arc, est aussi dans la tourmente. Il a placé jeudi une partie de ses salariés en chômage partiel pour les mêmes raisons. Il s'agit de « deux jours par semaine d'activité partielle » pour « 1.600 personnes à partir du 1er septembre jusqu'au mois de décembre » au moins, souligne le directeur de la communication de l'entreprise, Guillaume Rabel-Suque.

Risques de pénuries

De son côté, Syndifrais, l'association professionnelle des produits laitiers frais, prévient que ses entreprises adhérentes, acculées par les effets de la crise énergétique et ceux de la sécheresse, seraient dans l'obligation de réaliser des arbitrages dans leur fabrication car certaines gammes « sont aujourd'hui en marges négatives. La disponibilité des produits est aujourd'hui menacée », alerte l'association dans un communiqué de presse.

Qu'en sera-t-il pour Voyageurs SNCF, la filiale de SNCF en charge du transport des voyageurs, qui représente à elle seule 10 % de la consommation industrielle en France, soit entre 1 et 2 % de la consommation française totale ? Avec une couverture de l'ordre de 75 à 80 % pour sa consommation 2023, le surcoût pour la filiale pourrait se chiffrer en plusieurs centaines de millions d'euros.

« Nous intensifions depuis plusieurs mois les actions d'économies de notre consommation d'énergie, par exemple en développant l'éco-conduite qui permet de réduire jusqu'à 10% la consommation d'énergie sur un train sans réduire sa vitesse », explique la filiale.

Quatre mesures d'urgence

Dans ce contexte qu'il qualifie de « bombe à retardement », Frank Roubanovitch plaide pour la mise en place de mesures d'urgence. « La première consiste à relever le plafond de l'Arenh à 120TWh. La deuxième à limiter le plafond du marché spot à 1.000 euros car il a un impact direct sur les prix du marché à terme. La troisième mesure consiste à plafonner le prix du gaz utilisé pour la production électrique, comme c'est le cas depuis plusieurs semaines en Espagne et au Portugal », expose-t-il. Et, si ces mesures restent insuffisantes, « nous demandons à bénéficier d'un tarif régulé qui correspondrait à une moyenne des coûts de production et qui se situerait donc entre 150 et 200 euros le mégawattheure », ajoute-t-il.

Une dernière mesure qui a peu de chance de voir le jour, tant Bruxelles est attaché aux règles de la concurrence sur ce marché. Le relèvement du plafond de l'Arenh, (mécanisme qui oblige EDF à vendre de l'électricité nucléaire à ses concurrents à prix cassés), ne ferait lui qu'accroître les difficultés financières de l'électricien national, dont la dette ne cesse de se creuser.

Les fournisseurs très frileux limitent drastiquement leurs offres

Reste qu'aujourd'hui la situation apparaît intenable pour certaines entreprises au bilan fragile, qui peinent à trouver des offres auprès des fournisseurs d'électricité devenus extrêmement frileux. Dans un contexte de grande volatilité, ces derniers redoutent plus que jamais les impayés.

« Pour limiter leur risque crédit, les fournisseurs n'acceptent que les clients qui ont une bonne notation financière. Lorsqu'auparavant ils éliminaient les entreprises avec une note inférieure à 3, ils ne prennent désormais plus toutes celles dont la note est inférieure à 7 », relate Jean-Sébastien Degouve.

Malgré l'urgence, l'attentisme devrait primer jusqu'à la mi-septembre, période marquée par deux rendez-vous cruciaux : une réunion des ministres européens de l'énergie le 9 septembre, puis une prise de parole d'Ursula von der Leyen, la président de la Commission européenne, le 14 septembre.

« Nous imaginons mal, qu'il n'y ait pas d'intervention au niveau européen, même si, à l'arrivée, ces mesures de protection auront un coût pour les Etats », estime le président d'Opéra Energie. Une certitude : un arbitrage entre protection des particuliers et celle des entreprises devra être réalisé.

Juliette Raynal

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Commentaires 3
à écrit le 04/09/2022 à 20:04
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Four solaire

à écrit le 02/09/2022 à 19:37
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Selon le calcul, Total énergie a donc baisser ses prix de 50cents.....en effet, le SP95 est à 1.419 et le GO à 1.655....sans les remises nous serions donc au delà des €2,- Pour une fois, les Inter, Super U et autre Cora sont plus chers....

le 07/09/2022 à 16:12
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m macron a suicide la france le coup de grace apres les delocalisations comme toute les entreprises qui produise de la manufacture dépende de l'electricite bon nombre vont se retrouve en faillitte pour les fantasmes us qui depuis la chute du com...

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