Il n'y a pas que sur le front de l'électricité que la situation risque de dégénérer cet hiver. Alors que l'Europe doit apprendre à vivre sans gaz russe - ou presque -, l'approvisionnement de la France en ce combustible fossile pourrait également poser problème, notamment si la météo se montrait capricieuse. En cas d'hiver très froid comme ce fût le cas en 2010-2011, l'équivalent de presque 5% de la consommation totale sur la saison viendraient même à manquer, avec un déficit de 16,2 térawattheures (TWh), selon les dernières estimations de GRTgaz présentées ce mercredi.
Soit à peu près autant que ce que les Français pourraient économiser s'ils baissaient d'1°C leur chauffage dès le mois de novembre (17 TWh), a expliqué le gestionnaire du réseau de transport de gaz. Mais cela pourrait ne pas suffire : la « sobriété » doit être mise en œuvre « dès maintenant », aussi bien sur le gaz que sur l'électricité, a pressé son directeur général, Thierry Trouvé. « Le message à retenir [...] c'est que ce n'est pas au moment de la pointe qu'il faut réduire le chauffage ; c'est tout le temps », a-t-il insisté.
Economiser de l'électricité pour économiser du gaz
De fait, limiter la consommation d'énergie permettrait de remplir plus rapidement les 13 sites de stockages souterrains de gaz de l'Hexagone, mais aussi de les réapprovisionner au fur et à mesure en cas de besoin. Car même si ces réserves ont déjà atteint un taux de 94%, soit 124 TWh disponibles aujourd'hui sur les quelque 470 TWh que consomme la France chaque année, il sera peut-être nécessaire de les remplir à nouveau au cours de la saison de chauffage.
« S'il y a une pointe de demande en deuxième partie de l'hiver et que les stockages ont déjà été utilisés, ils auront une moindre puissance en sortie [...] C'est comme un ballon : lorsque c'est gonflé et que vous lâchez l'ouverture, une grosse quantité de gaz peut sortir rapidement. Cette puissance de soutirage est optimale jusqu'à 50% environ de remplissage, puis décroît », développe Thierry Trouvé.
Et pour trouver les ressources nécessaires, il faudra passer par une réduction de la consommation électrique. Car les hydrocarbures participent largement à la production d'électrons, notamment cette année : sur les huit premiers mois de 2022, la quantité de gaz utilisé pour générer du courant a doublé par rapport à la même période en 2021, notamment à cause des déboires actuels du parc nucléaire d'EDF. « Le parc électrique a donc absolument besoin des centrales à gaz pour gérer son équilibre », note Thierry Trouvé.
« On pourrait considérer qu'on n'est pas concerné par le remplissage des stocks de gaz, car on se chauffe à l'électricité, mais c'est une erreur. [...] Dès qu'on économise de l'électricité, on économise du gaz pour produire cette électricité », affirme le directeur de GRTgaz.
Un nouvel outil pour informer les Français sur leur consommation
Ce n'est pas tout : un Français équipé d'un radiateur électrique pourrait même consommer plus de gaz à la pointe que s'il disposait d'une chaudière thermique. Et pour cause, cette dernière demande deux fois moins de molécules de gaz qu'un convecteur électrique pour fournir la même quantité d'énergie, étant donné que le processus de conversion en amont, réalisé dans les centrales électriques, induit une perte de rendement.
« La pire des choses à faire pour économiser le gaz serait donc de s'équiper de radiateur électrique mobile ! Cela augmente la pointe électrique, mais aussi la consommation de gaz, avec deux fois plus de quantité demandée en marginal [quand les autres moyens de production d'électrons, du nucléaire au renouvelable, sont insuffisants pour répondre à la demande, ndlr] », prévient Thierry Trouvé.
De son côté, GRTgaz a annoncé ce mercredi qu'il apportera sa contribution en déployant dès le mois d'octobre, avec le concours de l'Ademe et de l'autre gestionnaire de transport de gaz du pays, Teréga, un dispositif d'information et de sensibilisation sur la consommation de gaz des Français. Sur le modèle d'Ecowatt, qui fournit en temps réel le niveau de demande d'électricité, cet outil devra permettre aux citoyens, aux collectivités et aux entreprises de connaitre le niveau de tension du système gazier et de « contribuer à son équilibre par la mise en œuvre d'écogestes », explique Thierry Trouvé. Reste à savoir si cela suffira pour éviter les délestages cet hiver, c'est-à-dire permettre aux gros utilisateurs industriels de ne pas subir d'arrêts ponctuels d'approvisionnement avec des conséquences en cascade sur leur production.
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