Comment Luc Oursel tourne la page Lauvergeon chez Areva

Nommé mi-juin dans un climat tendu et hostile, le nouveau PDG a déminé le terrain et tente de modifier le mode de management.
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Le silence qui émane actuellement d'Areva tranche singulièrement avec l'émotion, voire les imprécations, qui ont déferlé mi-juin à l'annonce de la non-reconduction d'Anne Lauvergeon, PDG d'Areva depuis dix ans, et de la nomination à la tête du constructeur nucléaire de son discret numéro deux, Luc Oursel. En déplacement au Japon la semaine dernière, le nouveau PDG d'Areva semble avoir remis la maison de la rue La Fayette au travail et surtout déminé le terrain.

Tâche qui s'annonçait pourtant des plus délicates puisque la veille de sa nomination, le 15 juin dernier, seize des dix-neuf membres du comité exécutif signaient une lettre indiquant qu'"Anne Lauvergeon est la seule personnalité de l'entreprise disposant des compétences et qualités requises pour conduire Areva dans les années à venir". "Sept membres du comex [comité exécutif, Ndlr] sont sur le départ, dont trois sont virés", affirmait alors l'entourage d'Anne Lauvergeon, ravi de dramatiser l'arrivée du "traître".

"Il n'y a pas eu de chasse aux sorcières", explique aujourd'hui un proche du nouveau patron. "Luc Oursel a rencontré très vite les signataires de la pétition pour leur dire qu'il comprenait cet acte de fidélité envers Anne Lauvergeon, qui les honorait, et il leur a indiqué qu'il souhaitait continuer de travailler avec eux, s'ils étaient d'accord". "Soumis par le DRH, il était difficile de ne pas signer ce document", reconnaît aujourd'hui un dirigeant signataire... toujours dans l'entreprise, comme la très grande majorité d'entre eux.

Finalement, seul le directeur général délégué, Denis Hugelman, est parti en claquant la porte. "Il ne s'entendait pas du tout avec Luc Oursel", précise un cadre. Gérard Arbola et Didier Benedetti ont quitté le directoire, le second, proche de la retraite, est donné partant, le directeur financier, Alain-Pierre Raynaud, a changé de fonction. "C'est normal que Luc Oursel nomme quelqu'un à cette fonction clé dans les relations avec l'actionnaire." De fait, le nouveau patron des finances, Pierre Aubouin, vient carrément de l'Agence des participations de l'État (APE), la tutelle d'Areva à Bercy.

"Chef d'équipe"

Peu de remous, donc, même si le directoire a été complètement renouvelé. Les nouveaux hommes forts, Philippe Knoche (en charge des opérations nucléaires) et Sébastien de Montessus (mines) avaient été promus par Lauvergeon, le second étant même considéré un temps comme un proche de l'ex-PDG. "Si Luc Oursel l'a fait monter si vite au directoire, c'est pour mieux le contrôler", croit cependant savoir une source interne. S'il change peu les hommes, Luc Oursel s'emploie à modifier le fonctionnement de l'équipe de direction. "Contrairement à Anne Lauvergeon, il n'est pas un chef de meute mais un chef d'équipe", souligne un de ses lieutenants. "Son objectif est de recréer un collectif autour de l'objectif essentiel, la performance opérationnelle. Areva doit gagner de l'argent avec ses activités et non plus en vendant des actifs comme ces dernières années", ajoute-t-il. "Les décisions ne se prennent plus en tête à tête dans le bureau d'Anne Lauvergeon mais dans les instances collégiales de direction. Et on s'assure de leur suivi", explique un autre membre de la direction.

Au fur et à mesure que les semaines passent, la parole se libère. "Anne Lauvergeon castrait ses collaborateurs", n'hésite pas à affirmer l'un d'eux. "Les relations avec Oursel sont très différentes. Il y a un vrai dialogue, on peut lui dire les choses", insiste-t-il. La période difficile qui s'annonce permettra de tester cet état de grâce.

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