Alors que, jusqu'ici, l'Union européenne n'a pas coupé le robinet aux hydrocarbures russes dans le cadre des représailles qu'elle impose au pays de Vladimir Poutine, l'escalade du conflit en Ukraine, et notamment le massacre de Boutcha, pourrait bien changer la donne. Car après l'avoir exclue du système bancaire Swift, mis en place d'importantes restrictions aériennes, décidé d'un embargo sur ses composants électroniques et aéronautiques ou encore saisi les avoirs de ses oligarques, les Vingt-Sept ont fait savoir ce mardi qu'ils comptaient durcir les sanctions, malgré l'effet rebond que celles-ci pourraient avoir sur leur propre économie.
« Il faut clairement accroître encore notre pression », a ainsi déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, dans une vidéo postée en ligne.
L'exécutif européen a notamment proposé aux Etats membres de stopper leurs achats de charbon russe, qui représentent toujours 45% des importations de l'UE pour une valeur de 4 milliards d'euros par an. L'initiative, qui requiert l'unanimité, devra être discutée demain par les représentants des Vingt-Sept, avant une réunion lundi des ministres européens des Affaires étrangères.
Le pétrole pourrait aussi être visé
Mais la question reste pour le moins sensible. Et notamment en Allemagne, qui importait presque la moitié de son charbon de Russie avant l'invasion de l'Ukraine, selon les statistiques du gouvernement. Fin mars, la coalition au pouvoir avait cependant affirmé que le pays pourrait devenir « globalement indépendant » du charbon russe « d'ici à l'automne », notamment grâce à l'extraction de la fameuse roche noire directement sur son territoire.
Le nouveau train de sanctions pourrait cependant aller plus loin encore. « Nous travaillons sur des sanctions supplémentaires, notamment sur les importations de pétrole », a ainsi précisé Ursula von der Leyen. Un discours également porté par le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Yves le Drian, qui a affirmé mardi à Berlin que les représailles « devront intégrer le pétrole » en plus du charbon. Et d'indiquer que la France et l'Allemagne travaillaient « ensemble » à la définition des modalités ce nouveau paquet législatif. En tout, près de 20% du pétrole importé par l'UE provient des gisements russes.
La question épineuse des importations de gaz russe
Reste à savoir si le gaz sera lui aussi concerné. En la matière, « l'Europe souffrirait peut-être autant que la Russie d'un arrêt total des flux », faisait valoir fin février à La Tribune Jacques Percebois, économiste et directeur du Centre de recherche en économie et droit de l'énergie (CREDEN). Mais selon une étude du Conseil d'analyse économique (CAE) publiée hier, l'impact économique serait en fait "très faible pour la France", et "modéré" pour l'Allemagne, dont presque 60% des importations de gaz proviennent pourtant de Russie, avec quelque 50,2 milliards de mètres cubes livrés par Gazprom en 2021.
L'Etat qui serait le plus touché par un embargo, selon le CAE, avec une perte de revenu de plus de 5% en 2021, serait la Lituanie... qui a pris l'initiative il y a quelques jours de se défaire du gaz russe aux côtés des autres pays baltes (Lettonie et Estonie) du fait de l'intensification du conflit. Quant à la Pologne, où les retombées seraient deux fois plus fortes qu'en l'Allemagne selon les analyses du CAE, elle pousse depuis des semaines pour des mesures sévères visant tout le secteur de l'énergie, afin d'affaiblir l'économie du pays de Vladimir Poutine.
Mais outre-Rhin, les signaux contradictoires s'enchaînent sur la question. Alors que, dimanche, la ministre allemande de la Défense, Christine Lambrecht, a plaidé pour un débat sur l'arrêt des importations de gaz russe, le ministre allemand des Finances, Christian Lindner, a exclu dès le lendemain cette possibilité, et coupé court en affirmant qu'il était impossible de s'en passer « pour le moment ». Et pour cause, le gaz reste pour le moins déterminant pour le pays, puisqu'il chauffe 50% des logements et représente 26,7% de la consommation primaire d'énergie. Le recours à cette énergie devrait même augmenter, dans le cadre de la transition énergétique, afin de remplacer le nucléaire et le charbon en tant qu'appoint des renouvelables. Selon Berlin, l'Allemagne ne pourra être ainsi « largement indépendante » du gaz russe qu'à partir de « mi-2024 » dans le meilleur des cas, avait précisé le gouvernement à la mi-mars.
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