295 euros le mégawattheure (MWh). C'est le prix qu'a atteint, hier, le contrat à terme du TTF néerlandais, la référence du marché européen du gaz naturel. Ce niveau extrêmement élevé, qui n'avait pas été atteint depuis les séances très volatiles des premières semaines de l'invasion russe de l'Ukraine au printemps dernier, est le résultat du chantage énergétique que mène la Russie à l'encontre de l'Europe.
295 euros le MWh, cela reste en-dessous du record atteint à la mi-mars, lorsque le cours du gaz européen frôlait les 335 euros le MWh. Mais cela demeure un niveau plus de six fois supérieur aux prix observés il y a un an, où le contrat à terme du TTF néerlandais s'élevait à environ 46 euros le MWh.
Et la tendance ne semble pas prête de s'inverser. Gazprom, le géant gazier aux mains du Kremlin, a estimé, le 16 août dernier, que les prix du gaz en Europe pourraient augmenter de 60% pour dépasser 4.000 dollars (3.946,94 euros) les 1.000 mètres cubes l'hiver prochain.
Plus de 20% en une journée
Si les prix du gros du gaz flambent de nouveau (plus 20% en une seule journée !) c'est justement parce que le géant russe Gazprom prévoit encore d'interrompre les livraisons de gaz vers le Vieux Continent, via le gazoduc Nord Stream 1, pendant trois jours, du 31 août au 2 septembre, pour des raisons de « maintenance ».
Une « tentative évidente d'exploiter la dépendance de l'Europe au gaz russe », dénonce Ludwig Möhring, directeur de l'Association des producteurs allemands de pétrole, gaz et de la géothermie (BVEG), cité par l'AFP.
Selon lui, une brève fermeture de Nord Stream 1, « ne ferait pas une grande différence », mais cette opération peut engendrer deux risques : que la Russie « prétende à tort qu'elle ne peut pas rouvrir le gazoduc », en prétextant un nouveau problème technique. Or, en temps normal, ce gazoduc peut acheminer 167 millions de mètres cubes de gaz quotidiennement selon Gazprom. Cela en fait la principale infrastructure d'exportation de gaz russe vers l'Allemagne, puis l'Europe. Second risque potentiel : que la Russie ferme ses autres gazoducs approvisionnant l'Europe.
Inquiétudes autour de Nord Stream 1
Ce n'est pas la première fois que les Européens craignent que Nord Stream 1 reste inopérant à l'issue de travaux de maintenance. Cette inquiétude s'était déjà matérialisée en juillet dernier lorsque le gazoduc a été arrêté du 11 au 21 juillet pour des travaux de maintenance prévus de longue date. Finalement, le géant russe Gazprom a respecté le calendrier et remis en service l'infrastructure, mais Moscou a prétexté le retard de la livraison d'une turbine allemande, considérée comme essentielle à son bon fonctionnement, pour réduire les flux de Nord Stream 1 à seulement 20% de leurs capacités.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, la Russie utilise en effet l'énergie, et plus particulièrement le gaz, comme arme géopolitique contre les pays occidentaux. Son objectif : diviser les membres de l'Union européenne, pour qui le gaz russe représentait 40% des importations totales de gaz avant le début du conflit.
Un objectif qu'elle a déjà partiellement atteint puisque la Hongrie, ultra dépendante des hydrocarbures russes (80% des importations de gaz proviennent de Russie) a choisi de faire cavalier seul en se faisant livrer plus de gaz russe, alors que le reste des Vingt-Sept tente, au contraire, de s'en sevrer le plus rapidement possible, alors que le Kremlin ferme volontairement et progressivement le robinet. Entre le 1er janvier et le 15 août dernier, les exportations de Gazprom auraient ainsi chuté de 36,2% pour atteindre 78,5 milliards de mètres cubes, selon un communiqué du géant gazier.
Le cours de l'électricité s'envole aussi
Dans ce contexte critique, Bjarne Schieldrop, de la banque suédoise Seb, prédit une situation énergétique « extrêmement difficile » en Europe cet hiver, arguant que la Russie pourrait jouer « le tout pour le tout » en faisant encore baisser les exportations de gaz naturel, en particulier à « chaque fois que les prévisions météorologiques seront vraiment froides ».
L'Allemagne, dont les stocks devraient être insuffisants pour l'hiver prochain et le suivant, craint des pénuries de gaz. De quoi mettre à mal son industrie, et plus particulièrement le secteur de la chimie très consommateur, ce qui engendrerait une grave récession économique outre-Rhin avec une onde de choc dans toute l'Union européenne, tant les marchés sont interconnectés. Et, mauvaise nouvelle, le pays, qui tente de diversifier le plus possible ses sources d'approvisionnement, ne devrait, a priori, pas pouvoir compter sur le gaz naturel liquéfié provenant du Canada.
Par ailleurs, la flambée du cours du gaz engendre mécaniquement une envolée de celui de l'électricité sur le marché spot, car le mécanisme de fixation des prix repose sur la dernière centrale électrique appelée pour répondre à la demande, qui est bien souvent une centrale à gaz...
Vers une inévitable récession ?
Ainsi, les prix de l'électricité pour livraison début 2023 en Allemagne ont été propulsés lundi au-dessus de la barre des 700 euros alors que la norme historique se situe à 40 euros le MWh, selon Bjarne Schieldrop, de la banque suédoise Seb. Pour l'électricité en France en début d'année prochaine, le MWh touchait quant à lui les 840 euros.
Dès lors, « la récession en Europe est une certitude », estime ainsi Edward Moya, analyste chez Oanda. Ces perspectives économiques inquiétantes ont conduit à une chute du prix du baril de pétrole
En France, Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie et des Finances, a assuré dans les colonnes du quotidien Sud Ouest que la remise de 30 centimes d'euros par litre de carburant, qui doit entrer en vigueur à la rentrée, serait maintenue malgré la baisse des prix de l'essence à la pompe.
(Avec AFP)
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