Déboutés par le Conseil d'Etat, les fournisseurs alternatifs attaquent EDF en justice

Les fournisseurs alternatifs réclament l'activation de la clause de "force majeure" prévue dans les contrats d'approvisionnement en électricité nucléaire, mettant en avant les importantes pertes financières qu'ils subissent.
(Crédits : CC / Pixabay)

Face à EDF, les fournisseurs alternatifs d'électricité ne baissent pas les bras. Déboutés par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) puis par le Conseil d'Etat, ils se tournent désormais vers la justice pour obtenir l'activation de la clause de "force majeure" prévue dans les contrats Arenh (pour accès régulé à l'électricité nucléaire historique). Et ainsi éviter d'importantes pertes financières alors que la propagation de l'épidémie de coronavirus en France entraîne une baisse de la consommation électrique.

Au moins deux recours ont déjà été déposés auprès du tribunal de commerce de Paris, dont un par Total Direct Energie, la filiale du groupe pétrolier présente sur le marché de l'électricité qui compte plus de 4 millions de clients dans l'Hexagone. Et le fournisseur ekWateur menace d'en faire de même. "Nous ne tentons nullement d'échapper à nos obligations: nous appelons juste à ce qu'EDF n'étende pas nos engagements par rapport à ce qui était convenu par contrat", justifie l'entreprise.

Revente à prix cassé

Mis en place en 2010 pour favoriser la concurrence, les contrats Arenh permettent aux fournisseurs alternatifs de racheter chaque année 100 TWh d'électricité auprès d'EDF, soit près d'un quart de la production nucléaire française. Le prix est fixé à 42 euros le mégawattheure, ce qui est, en temps normal, inférieur au prix de marché. Les rivaux d'EDF plébiscitent le dispositif: en décembre, les demandes d'Arenh s'étaient élevées à 147 TWh, forçant la CRE à instaurer un mécanisme de rationnement.

Problème: depuis le début du confinement, la demande d'électricité recule fortement, notamment en raison de l'arrêt d'une grande partie de l'activité industrielle. Or, les fournisseurs alternatifs doivent contractuellement continuer d'acquérir de l'électricité nucléaire, toujours au prix de 42 euros. Comme ils ne peuvent pas ajuster le volume d'achat pour tenir compte du repli de leurs besoins, ils se retrouvent avec un surplus qu'il ne peuvent pas conserver. Et qu'ils doivent donc revendre à prix cassé sur le marché - autour de 20 euros actuellement.

Des millions d'euros de pertes

Ces sociétés, qui représentent près de 40% de la consommation électrique française, se retrouvent ainsi prises au piège de l'Arenh. Accusant des pertes qui se chiffrent en millions d'euros, elles se sont d'abord retournées vers EDF pour réclamer l'activation de la clause de "force majeure" prévue dans les accords d'approvisionnement. Et ainsi pouvoir acheter l'électricité dont elles ont besoin directement sur les marchés, à un prix beaucoup plus compétitif. Mais l'électricien a rejeté leur demande. Les fournisseurs alternatifs ont ensuite saisi la CRE, sans obtenir gain de cause.

Dans une délibération datée du 26 mars, la CRE avait estimé que les conditions n'étaient pas réunies. Et elle soulignait aussi que la suspension des contrats Arenh aurait des conséquences "disproportionnées" et qu'elle "créerait un effet d'aubaine pour les fournisseurs au détriment d'EDF qui irait à l'encontre des principes de fonctionnement du dispositif qui reposent sur un engagement ferme des parties sur une période d'un an". Certes, le régulateur n'écarte pas la suspension des contrat Arenh, mais seulement "si l'acheteur parvenait à démontrer que sa situation économique rendait totalement impossible l'exécution de l'obligation de paiement".

Face aux "circonstances exceptionnelles actuelles", la CRE propose simplement des délais de paiement des factures Arenh, ainsi qu'une suppression des pénalités normalement infligées aux fournisseurs qui ont acheté trop d'électricité via ce mécanisme au cours d'une année. Elle demandait aussi à EDF d'accorder des facilités de paiement, notamment pour les acteurs de petites tailles. Pas de quoi satisfaire les contestataires, qui assuraient que le régulateur n'a pas l'autorité pour définir si la crise sanitaire constitue une "force majeure". Un argument qui n'avait pas convaincu le Conseil d'Etat, saisi en référé début avril.

Lire aussi : EDF remporte sa bataille contre les fournisseurs alternatifs

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Commentaires 2
à écrit le 27/04/2020 à 21:42
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Ces fournisseurs "alternatifs" ne sont que des revendeurs. Ils sont, à cette occasion, particulièrement gonflés. En même temps, ce qui arrive dit toute la stupidité de "l'usine à gaz"(sans jeu de mots) du système imaginé et géré par les gouvernement ...

à écrit le 27/04/2020 à 16:24
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L'ARENH représente 61% des approvisionnements des fournisseurs alternatifs. La baisse de la consommation représente elle 15 à 20 %. Pourquoi les fournisseurs ne se débarassent-ils pas de leurs autres contrats d'achat sur les marché plutôt que de dema...

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