EDF trop confiant sur le rebond attendu en 2018 ?

Par Dominique Pialot  |   |  905  mots
En 2017, les arrêts de centrales comme à Tricastin ont pesé sur les résultats de EDF.
Tout en présentant des résultats en fort recul pour 2017, l’électricien public promet des lendemains meilleurs, malgré les nombreux défis auxquels il est confronté. Mais il prévoit d’ores et déjà un recul de sa production nucléaire en 2019 en raison notamment des premières visites décennales de centrales ayant atteint 40 ans.

C'était prévu et annoncé. Les résultats présentés ce 16 février par EDF sont médiocres, mais conformes à la dernière révision (à la baisse) de novembre dernier.

En cause : un contexte de prix de marché dégradé en France, mais aussi dans la plupart des pays où le groupe est implanté, et des productions hydroélectrique et nucléaire en baisse. La première accuse un recul de 12,5% dû à la sécheresse, et la seconde atteint son niveau le plus bas depuis 1999.

EDF reste "un groupe profitable", se félicite son Pdg

Avec un résultat net courant en baisse de 31% à 2,8 milliards d'euros, (mais un résultat net part du groupe en hausse de +11,3% à 3,2 milliards d'euros grâce notamment à la cession de 49,9% de RTE), un chiffre d'affaires en recul de 2,2% à 69,6 milliards d'euros et un Ebitda qui plonge de 16,3% à 13,7 milliards, Jean-Bernard Lévy se félicite néanmoins de rester « un groupe profitable », qui voit son endettement diminuer pour la première fois depuis plusieurs années, mais s'élève quand même à 33 milliards.

Et encore, plusieurs éléments exceptionnels tels que la recapitalisation de l'Etat à hauteur de 4 milliards, la plus-value dégagée par la cession de 49,9% de RTE et le paiement des dividendes sous forme d'actions cette année encore, qui a permis de faire économiser au groupe près de 5 milliards de cash, limitent l'impact sur les résultats.

Baisse des charges opérationnelles et cessions d'actifs bien avancées

Seuls points sur lesquels le groupe fait mieux que prévu : le plan de baisse des coûts et celui de cession d'actifs. De quoi rehausser les objectifs à 1,1 milliard d'euros pour le premier à horizon 2019 (au lieu du milliard prévu), et avancer à 2018 l'exécution des 10 milliards d'euros d'actifs cédés, initialement fixée à 2020.

Avec une hausse des capacités installées de 23% et une production en augmentation de 11% (auxquelles contribue l'acquisition de Futuren), les énergies renouvelables, un secteur dans lequel EDF a décidé d'accélérer comme l'a martelé son PDG à plusieurs reprises, se portent bien. Mais une baisse des ventes d'actifs structurés fait néanmoins chuter l'Ebitda de près de 13%.

Malgré ces résultats, la Bourse a salué la performance de l'entreprise, avec un cours en hausse de près de 5% à 10,62 euros à 16h25. Apparemment soulagés que les nouvelles ne soient pas plus mauvaises encore, les investisseurs semblent également confiants dans la confirmation des prévisions pour 2018.

Le délicat exercice des prévisions de production nucléaire

Car l'opérateur public promet un rebond pour l'année prochaine. Qu'il s'agisse du déploiement du compteur Linky, de l'EPR de Flamanville ou du grand carénage destiné à prolonger la durée de vie des centrales jusqu'à 50, voire 60 ans, Jean-Bernard Lévy a rappelé que les investissements connaissaient actuellement un pic. Il anticipe aussi un rebond des cours sur le marché de gros de l'électricité (entamé depuis plusieurs mois) et une meilleure production nucléaire, notamment grâce à un planning de maintenance des centrales mieux articulé avec les capacités de stockage des grands barrages. D'où un Ebitda prévu dans une fourchette de 14,6 à 15,3 milliards et un cash-flow légèrement positif.

Mais à l'aune de l'année 2017, cette promesse ne convainc qu'à moitié. En effet, tout s'est passé « comme prévu », à l'exception de la production nucléaire. A 379 térawatts-heure (TWh), non seulement celle-ci a été inférieure de 1,3% à celle de 2016, mais elle a surtout été nettement en-dessous des prévisions, qui s'établissaient dans une fourchette de 390 à 400 TWh. Cette sous-performance est due à des indisponibilités techniques, à des arrêts pour maintenance, mais aussi à des travaux exigés par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) comme à Tricastin. Dans ces conditions, comment être certain que l'objectif fixé à 395 TWh pour 2018 sera atteint ?

Multiples incertitudes pour le parc nucléaire en 2019

Autre point d'interrogation : EDF parviendra-t-il à enrayer la fuite des clients particuliers ? Entre les quelque 100.000 départ vers la concurrence (Engie, Direct Energie, Total ou encore CDiscount...) enregistrés chaque mois et les 300.000 retours de clients déçus annoncés par EDF, le solde s'établit à une perte de près d'un million de clients particuliers en 2017. La fin possible des tarifs réglementés de vente (TRV) attaqués par les fournisseurs alternatifs, sur le même schéma que celle décidée pour le gaz par le Conseil d'Etat en juin dernier, constitue un élément d'incertitude supplémentaire.

Surtout, EDF annonce dès aujourd'hui un nouveau recul de sa production nucléaire pour 2019. Cette année-là, à supposer que l'EPR de Flamanville soit bien entré en service comme prévu en fin d'année 2018 (un calendrier tendu, reconnaît l'opérateur), les deux réacteurs de Fessenheim devraient être arrêtés. Et cette baisse de production ne sera pas compensée avant la montée en puissance de Flamanville, qui prendra plusieurs mois. En outre, plusieurs centrales atteignant la limité d'âge de 40 ans, les visites décennales nécessaires à leur prolongation sur décision de l'ASN seront nécessairement plus complexes et plus longues que par le passé. Surtout, ce seront les premières intervenant à cette étape de la vie des centrales.

Et comme on a pu le constater dans un autre registre avec les délais et les coûts des EPR actuellement en construction, cet effet « tête de série » peut coûter très cher.