Avec Futuren, EDF EN veut faire ses armes dans le "repowering"

La filiale énergies renouvelables (EN) de l'électricien historique débourse près de 320 millions d’euros pour acquérir ce spécialiste de l’éolien qui s'appelait auparavant Theolia. Avec ce rachat, EDF va élargir ses activités en Allemagne, et parfaire ses compétences en "repowering". Le groupe mise beaucoup sur cette activité consistant à ré-équiper les parcs vieillissants en matériels performants pour leur donner un deuxième souffle.
Dominique Pialot
Le spécialiste de l'éolien Futuren (ex-Theolia) a séduit EDF EN.

Doubler ses capacités renouvelables dans les 15 prochaines années est l'un des piliers de son plan CAP 2030, et EDF se donne les moyens nécessaires à ces ambitions. « Nous nous sommes intéressés à Futuren dès fin 2016, explique Antoine Cahuzac. Fondée sous le nom de Theolia à la fin des années 1990 par Jean-Marie Santander, l'un des pionniers des énergies renouvelables en France, l'entreprise a d'abord connu une croissance fulgurante, avant de se trouver confrontée à d'importantes difficultés. Elle s'était notamment retrouvée lourdement endettée suite à l'échec d'une offre de rachat amicale fin 2013 par la banque australienne Macquarie, contestée par certains actionnaires minoritaires.

S'implanter sur le marché allemand

Mais la mariée proposée deux ans plus tard par les fonds d'investissements (qui a renoué avec les bénéfices en 2015 et enregistrée un bénéfice net de 2,9 millions d'euros en 2016) a tout pour séduire le directeur général de EDF EN : uniquement positionnée sur l'éolien, implantée dans quatre pays (France, Allemagne, Maroc et Italie) figurant parmi les pays considérés comme stratégiques par EDF et dotée d'un « portefeuille en opération et en développement de qualité ». Celui-ci se compose de 389 MW en exploitation, auxquels s'ajoutent 357 MW gérés pour le compte de tiers et 168 MW en développement.

Ses parcs français ne feront passer la part de marché de EDF EN que de 10 à 12%. En revanche, les quelque 30 salariés et les actifs allemands de Futuren (140 MW) vont lui permettre d'élargir ses activités sur un marché en pleine concentration suite au regroupement de nombreux petits producteurs, et où il n'était présent qu'en exploitation/maintenance. Et surtout, de se faire la main sur le repowering.

Le "repowering" : deuxième souffle et relais de croissance

A l'issue de la période d'obligation d'achat de 20 ans pendant laquelle un parc éolien bénéficie de tarifs d'achat préférentiels de son électricité, son propriétaire peut décider de vendre sa production sur le marché de gros, dont les prix sont en principe suffisants pour des actifs déjà amortis. Mais il peut aussi décider de le ré-équiper en matériel à la pointe de l'innovation, (mâts plus hauts, turbines plus puissantes, pales plus longues), une opération baptisée "repowering" (sans réellement d'équivalent français, mais proche des notions de rénovation, d'optimisation voire de reconception) qui permet de prolonger la vie d'un parc pour accroître sa rentabilité et optimiser l'exploitation d'un site déjà accepté localement. Plusieurs types d'opérations sont envisageables : changement de certaines pièces, optimisation ou remplacement complet d'une machine ("revamping"), jusqu'à la reconception totale du parc ("repowering").

Certes, cela nécessite de refaire les même démarches (demandes d'autorisation, consultation publique, étude d'impact, etc.) que pour le parc d'origine. C'est du moins le cas pour le moment, car des réflexions sont en cours en Europe où les parcs les plus anciens atteignent tout juste les 20 ans d'âge, pour simplifier et raccourcir l'opération. Après rénovation, ils peuvent à nouveau être proposés dans le cadre d'appels d'offres et « repartir » pour 20 ans.

50% du parc européen en fin de vie entre 2020 et 2030

« Le repowering va devenir une activité très importante dans les prochaines années », affirme Antoine Cahuzac, soulignant par ailleurs que « l'expérience de EDF EN dans les activités d'exploitation/maintenance lui permet de juger au cas par cas de la pertinence d'un repowering ». C'est à n'en pas douter un relais de croissance intéressant sur les marchés matures européens comme l'Italie, mais aussi au Maroc, où les 50 MW de Futuren devraient atteindre la limite d'âge d'ici 12 à 18 mois. Selon l'association européenne WindEurope, près de la moitié (76 GW) de l'éolien installés en 2015 dans l'Union européenne devrait arriver en fin de vie entre 2020 et 2030.

Outre ces parcs vieillissants, Futuren dispose également d'un portefeuille de projets de 400 MW, dont 120 MW en France, purgés de tout recours et qui vont donc pouvoir être rapidement lancés.

Une opération à 320 millions d'euros conclue d'ici la fin de l'année

Par ailleurs, EDF EN espère des synergies (estimées à quelque 10% du montant de l'acquisition)  liées à sa capacité à optimiser la durée de vie des parcs, à l'internalisation d'activités aujourd'hui sous traitées par Futuren, aux conditions dont bénéficie le groupe du fait de sa taille et de sa réputation auprès des assureurs et des financeurs, et de façon générale auprès des fournisseurs. C'est pourquoi EDF EN est entré "en négociations exclusives" avec le concert d'actionnaires majoritaires de Futuren et un accord préliminaire a été conclu prévoyant que le groupe en rachète la participation. Si l'opération obtient tous les feux verts, EDF EN rachètera 61,6% des actions ordinaires et 96% des obligations convertibles de Futuren (soit 67% du capital), actuellement détenues par le concert d'actionnaires majoritaires, dont le fonds Boussard et Gavaudan, puis lancera une offre publique d'achat pour acquérir le solde.

L'offre s'élève à 1,15 euro par action, soit une prime de 38,6% par rapport au cours de clôture de Futuren lundi soir, et à 9,37 euros par obligation convertible Océane coupon détaché (soit une prime de 39,7%).

EDF EN espère conclure d'ici à la fin de l'année et pour un montant légèrement inférieur à 320 millions d'euros une opération remportée à la barbe de plusieurs fonds d'investissements spécialisés dans les infrastructures. « C'est un signal fort envoyé en faveur des énergies renouvelables », tient à souligner Antoine Cahuzac, rappelant que le groupe consacre à ces activités 2,5 milliards d'investissements par an.

La centaine de salariés de Futuren sera conservée dans les deux prochaines années. Par la suite, les 45 employés français « pourront être absorbés sans aucun problème » par une entreprise qui emploie déjà 3000 personnes et en recrute 100 par an.

Dominique Pialot

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Commentaires 2
à écrit le 18/05/2017 à 21:00
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C'est pas EDF qui rachète mais le contribuable français vu que EDF va faire faillite comme Areva ou Toshiba/Westinghouse. Continuer a faire des achats d'entreprises alors que les cash flow sont négatif et que le mur d'investissement est impossible a ...

à écrit le 26/04/2017 à 11:22
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Beaucoup de regrets tout de même. Les actionnaires historiques auront du mal "à lâcher" cette entreprise, vu l'argent investi à l’époque où le titre valait dix fois plus. Voir l'historique : - Lire article de la Tribune : http://www.latribune.fr/g...

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