Énergie : la stratégie française suspendue à une forte hausse des exportations électriques

La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) enfin publiée ce 25 janvier confirme des pistes déjà connues concernant la diminution progressive du nucléaire, de grandes ambitions concernant l’éolien et le photovoltaïque, mais beaucoup moins le gaz vert ou les énergies marines et, surtout, un doublement des exportations d’électricité vers les pays voisins.
Dominique Pialot
L'Etat mise sur une multiplication par cinq des capacités solaire installées d'ici à 2028
L'Etat mise sur une multiplication par cinq des capacités solaire installées d'ici à 2028 (Crédits : Reuters)

La stratégie énergétique française dans les dix prochaines années, formalisée dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) prévue par la loi de transition énergétique de 2015, la neutralité carbone à l'horizon 2050, dans le respect de la sécurité d'approvisionnement, de la compétitivité des entreprises et de la maîtrise des prix pour les consommateurs. Pour y parvenir, le gouvernement met d'abord l'accent sur la diminution de la consommation, qui devra être divisée par deux d'ici à 2050, avec des baisses de 7% en 2023 et 14% en 2028 (par rapport à 2012). Cette baisse devra concerner en premier lieu les énergies fossiles : -80% pour le charbon, -35% pour le pétrole et -19% pour le gaz. En revanche, l'électrification des usages se traduira à terme par une hausse de la consommation, même si celle-ci devrait, dans un premier temps, être compensée par les gains espérés en matière d'efficacité énergétique. L'objectif est de parvenir à une production d'énergie 100% décarbonée et à compenser les émissions résiduelles des autres secteurs d'activité.

Priorité aux renouvelables matures et compétitives

Le gouvernement affiche de grandes ambitions pour les énergies renouvelables. Ou plus précisément, pour celles qui ont atteint une maturité leur permettant d'être aujourd'hui très compétitives avec l'énergie conventionnelle.

Il s'agit donc de doubler les capacités installées d'énergies renouvelables d'ici à 2050, en multipliant par 2,5 les capacités installées d'éolien, et par 5 ou 6 celles de photovoltaïque. Le ministère souligne que ces ambitions ne posent pas de problème en termes d'usage des sols ou de pression foncière, puisqu'il s'agit de passer de 8.000 éoliennes installées aujourd'hui à moins de 15.000 (du fait des gains de performances), et pour le solaire, d'occuper 365 kilomètres carrés supplémentaires au sol et 175 kilomètres carrés de toitures pour le photovoltaïque.

Concernant la biomasse, sur laquelle nous pourrions connaître un déficit entre des besoins évalués à 460 TWh et un potentiel de 430 TWh, et qu'il pourrait être difficile d'importer dans la mesure où nos voisins pourraient se trouver dans des situations similaires, la PPE prévoit que le soutien financier soit réservé aux seules installations visant à produire de la chaleur.

Le biométhane (produit par méthanisation à partir de déchets organiques ménagers ou agricoles) voit ses ambitions stoppées nettes. Alors que le coût de production actuel est d'environ 95 euros par mégawattheure (MWh) produit, le gouvernement conditionne l'objectif de 10% de gaz vert dans le réseau en 2030 à une baisse des coûts à hauteur de 67 euros/MWh. Sinon, l'objectif restera limité à 7%, à comparer avec les ambitions d'un GRDF qui proposait 30%. Cette position, justifiée par une attention toute particulière portée aux coûts de la transition écologique sur fond de mouvement des gilets jaunes, semble assez antagoniste avec le constat d'électricité éolienne et photovoltaïque qui ont vu leurs coûts divisés par dix en dix ans pour des puissances équivalentes... précisément grâce aux économies d'échelle. Celles réalisées au niveau de la fabrication de panneaux solaires en Chine, mais aussi dans une certaine mesure, celles autorisées par le volume total des appels d'offres. On peut craindre que ces perspectives modestes ne suscitent pas suffisamment d'investissements pour permettre de telles baisses de coûts. Et plus largement que cette préférence aux technologies matures sur lesquelles la France - et même l'Europe - ont laissé le leadership à d'autres régions du monde n'entrave le développement de filières industrielles domestiques sur des technologies encore émergentes.

Les mêmes considérations pour des filières compétitives conduit le gouvernement à limiter ses ambitions en matière d'éolien offshore, encore coûteux, et à confirmer le coût d'arrêt porté aux autres énergies marines telles que l'hydrolien. Pour l'appel d'offres sur le parc éolien en mer de Dunkerque, le gouvernement indique un tarif cible de 70 euros le mégawattheure, mais le ministre François de Rugy lui-même a laissé entendre lors de son intervention aux Assises européennes de la transition énergétique le 22 janvier qu'il s'agirait peut-être du tout premier projet français sans subvention.

Pas d'indemnisation pour les centrales de plus de 50 ans

Concernant la trajectoire de baisse de la part de nucléaire dans le mix électrique, la PPE confirme le report à 2035 de cet objectif, annoncé en novembre 2017 par Nicolas Hulot lui-même, alors qu'il figure dans la loi de transition énergétique à l'horizon 2025. Pour y parvenir, le gouvernement table sur la fermeture de 2 réacteurs en 2027/2028, en plus de ceux de Fessenheim qui doivent fermer en 2020. Deux autres pourraient fermer en 2025/26, sous réserve que la sécurité d'approvisionnement soit assurée et que les prix de l'électricité atteignent un niveau tellement bas que cela nuirait à la compétitivité de l'électricité produite par des réacteurs prolongés. Afin d'anticiper cette situation trois ans à l'avance, une coordination devra être opérée avec nos voisins européens, qui fera l'objet d'un rapport remis au gouvernement par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) avant le 1er décembre 2022.

Au total, ce sont 14 réacteurs qui devront fermer d'ici à 2035, le principe général appliqué étant celui d'une fermeture au plus tard à l'échéance de la cinquième visite décennale, c'est-à-dire lorsque les réacteurs atteignent 50 ans. Cette durée étant celle appliquée par EDF pour l'amortissement comptable de son parc, l'Etat considère que ces fermetures ne devront donner lieu à aucune indemnisation, un point de vue dont il n'est pas certain qu'il soit partagé par l'opérateur, qui raisonne plutôt en termes de manque à gagner sur des installations dont l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ne demande pas la fermeture pour raisons de sécurité.

Une PPE fondée sur une forte hausse des exportations

Au vu de capacités de production nucléaires en faible diminution et d'une addition relativement importante de capacités de production d'électricité renouvelable, cela signifie que le solde entre une production accrue et une consommation quasiment stable doit être absorbé par une hausse importante des exportations. Alors qu'elles s'établissent en moyenne à 56 térawattheures (TWh) entre 1990 et 2017, il est prévu qu'elles atteignent 130 TWh à l'horizon 2035.

Ce chiffre résulterait de l'observation des trajectoires de nos voisins, dont les Anglais, les Italiens, les Espagnols et même les Allemands, bien que l'échéance reste aujourd'hui floue) qui ont entamé leur sortie du charbon et dont certains autres projets (tels que le nucléaire en Angleterre) pourraient ne pas se développer aussi rapidement que prévu. Qu'importe si certains parmi eux ne souhaitaient pas s'approvisionner en nucléaire français. Si chaque État membre choisit son mix énergétique domestique, pour ses importations en revanche c'est la loi de la physique (proximité de la production et existence d'interconnexions) et des prix qui s'applique.

Mais qu'adviendrait-il dans le cas où cette situation de surcapacité n'était pas l'apanage de la France, mais concernait également d'autres pays, rendant ainsi difficiles les exportations françaises et faisant baisser les prix de l'électricité sur les marchés ? Au ministère de la transition écologique, on affirme que les volumes d'appels d'offres prévus ne sont pas soumis à des conditions de prix de marché. Autrement dit, la variable d'ajustement serait plutôt du côté d'une accélération des fermetures de réacteurs que sur un ralentissement du développement des énergies renouvelables...

Dominique Pialot

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Commentaires 36
à écrit le 12/02/2019 à 21:10
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je l est dit un des premier sur tribune le pays qui trouveras les moyen de stokez l energie electrique en heure creuse pour la distribuez en heure de production auras fais un grandd pas economique et aussi ecologique car je pense que l on pourras se ...

à écrit le 30/01/2019 à 16:51
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Décidément, les stratèges français en énergies sont pitoyables! Seul le nucléaire permettre d'éviter et la pollution et les coupures intempestives d'électricité! Quant à l'exportation électrique, ce n'est ni sur l'éolien ni sur les panneaux solaires ...

à écrit le 28/01/2019 à 16:06
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2 explications : - ces énarques sont nuls en science, - ces énarques avec leur "transition énergétique" sont le faux-nez du capitalisme vert, le capitalismes de connivence avec les copains et les coquins.

à écrit le 28/01/2019 à 15:51
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Nos énarques oublient juste un petit détail. On a pas toujours du soleil ou du vent lorsqu'on en a besoin. Cela veut dire que le développement des énergies renouvelables doit s'accompagner d'un plan de stockage de cette énergie. Hors aujourd'hui le s...

à écrit le 28/01/2019 à 12:29
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Quelle confusion. Les gilets jaunes devraient exiger que l'admission à l'ENA soit conditionnée à la réussite au certificat d'études. En fait dans une entreprise quelqu'un qui proposerait un programme d'investissement de 20 milliards d'euros par an sa...

à écrit le 28/01/2019 à 12:25
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l'Etat considère (dans ce cas, parce que ça l'arrange) que la durée d'amortissement comptable correspond à la valeur réelle des centrales nucléaires ... Mais alors, mon entreprise amortissant ses véhicules sur 3 ans, peut-elle m'attribuer GRATUITEME...

à écrit le 28/01/2019 à 8:47
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ils veulent baisser la conso de gaz de 19 % en obligeant à changer les chaudières au fioul pour les remplacer par des chaudières gaz (et/ou bois qui pollue le bois est interdit dans les inserts et poele) va comprendre une politique pareille!!!

à écrit le 28/01/2019 à 2:08
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on pourais faire un plan européens pour aide a construire des eolienes offshore avec tous les bordures de mer que l on a en Europes ets meme dans les iles?EN FRANCE ON A LE MONOPOLE D . E D F ET SURTOUT LEURS ACTIONNAIRES QUI S EN METTENT PLEIN ...

le 28/01/2019 à 12:31
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FAKE NEWS !!! renseignez vous avant d'éructer ! Petit "actionnaire qui s'en met plein les poches" selon vous, je suis prêt à vous revendre mes actions au prix d'émission lors de la privatisation (32€) auquel je rajouterai l'ensemble des dividendes ...

le 28/01/2019 à 12:31
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FAKE NEWS !!! renseignez vous avant d'éructer ! Petit "actionnaire qui s'en met plein les poches" selon vous, je suis prêt à vous revendre mes actions au prix d'émission lors de la privatisation (32€) auquel je rajouterai l'ensemble des dividendes ...

le 28/01/2019 à 15:38
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c est possible que vous gagnier moins puisque e d f a desorme des concurents sérieux? c est du a leur volonte de faire du nucleaire qui et une science couteuse et tres dangereuse, ?moi a votre place je vendrais pour achete dans les nouvelles teknol...

à écrit le 27/01/2019 à 17:38
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Les panneaux devraient être installés sur les toits de bâtiments et pas dans les champs. Pour une raison simple, la production doit se faire au plus proche du consommateur.

à écrit le 27/01/2019 à 16:37
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Quand on veut lutter contre les GES, il est plus intéressant de planter des arbres que des panneaux solaires! Quand on veut diminuer le chômage, il est plus intéressant d'augmenter le prix de l’énergie que de faire une politique de l'offre! etc...! ...

le 27/01/2019 à 23:42
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@ Bah : non mettre du solaire thermique et en particulier hybride va beaucoup plus vite à réduire le C02 utilisé par d'autres sources et prend moins de surface que la biomasse lente à pousser et introduire la carbone dans le sol. Vous avez des études...

à écrit le 27/01/2019 à 15:50
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Je complète mon commentaire en précisant que les charges sociales, chomage et retraites, doivent être financées par l'ensemble du PIB et pas uniquement par les salaires, c'est à dire sur salaires, la TVA sociale et la consommation d'énergie. On avait...

le 27/01/2019 à 23:34
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Vous vous heurterez au problème des gilets jaunes car vous ne proposez pas de solutions techniques abordables en face (véhicule électrique à bas prix et bonne autonomie, chauffage peu consommateur et de faible coût d'entretien : pour qu'une pompe à c...

à écrit le 27/01/2019 à 10:49
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Il semblerait que dans cette PPE on ne fasse pas de distinction entre puissance (kW) et énergie (kWh), ni entre les formes d'énergie (électricité ou fossile). On ne vise que le nucléaire qui est pourtant la seule forme d'énergie qui puisse sauver not...

à écrit le 26/01/2019 à 22:42
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Je ne sais pas si la ppe est claire mais cet article est un salmigondis infâme. On n’y comprend rien. Baisse de la consommation de 50% mais comment on fait? Et consommation de quoi? Du pétrole? Mais alors il faut plein de voitures électriques donc co...

le 27/01/2019 à 9:10
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Absolument d'accord !

le 27/01/2019 à 11:08
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Je suis d'accord avec vous. Je n'ai toujours pas compris ce que cet article voulez réellement dire; il est rempli de déclarations contradictoires et sans grand fondements logiques. Si la conclusion est celle donnée par notre glorieux ministère de la...

le 27/01/2019 à 23:25
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Vous dîtes toujours des bêtises Wiki car vous avez de multiples études scientifiques et modélisations d'opérateurs de plus en plus fines (sur pas de 3 secondes etc) qui confirment que l'on peu passer aux 100% renouvelables en Europe comme aux Etats-U...

à écrit le 26/01/2019 à 19:33
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La variable d’ajustement ne sera pas les fermetures de réacteurs, mais leur taux d’utilisation. En effet, ils resteront tous nécessaires pour les épisodes sans vent ni soleil.

à écrit le 26/01/2019 à 18:22
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Pourquoi pas , mais nous devons arrêter de détruire les barrage hydroélectrique et favoriser l'installation de moyen de production d'énergie renouvelable... Mais ne pas oublier que nous importons les heoliennes et les panneaux photovoltaïques se qui...

à écrit le 26/01/2019 à 18:21
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20 ans après les premiers appels d’offre comment peut on justifier des ENR au-dessus du prix de marché et avec une priorité de fourniture au risque de déstabiliser le réseau comme le 10 décembre dernier ?

à écrit le 26/01/2019 à 12:11
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Bonjour, Et que se passera-t-il si la diminution de consommation escomptée n'a pas lieu ? 50% c'est pas rien ! Fort est à parier pour que cela ne se produise pas. Et dans ce cas, quelles options ? gaz vert (qui n'a rien de vert) à nouveau ? Avec l'...

le 27/01/2019 à 0:13
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C'est du grand portnawak cette affaire.. Personne ne baissera sa consommation d'un tel facteur... Les deux dernières fois qu'il y a eu un tel effondrement de la consommation furent 14-18 et 39-15... C'est ça le programme ? Résultat, on tire des pl...

à écrit le 26/01/2019 à 10:09
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Etudier, planifiez, fermeture ou non, renouvelable ou non mais ne nous augmentez pas le cout du kwh !!!! c'est deja trop cher au vu des salaires versés , pas question de payer pour les lubies de certains

le 26/01/2019 à 10:49
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Tout à fait d’accord, et si les énergies renouvelables autres que l’hydro deviennent aussi compétitives, il n’y a plus lieu de prélever des taxes affectées à leur développement !!!

le 26/01/2019 à 19:23
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"kafou" , je comprends votre propos face aux dépenses contraintes mais il y a des réalité économiques incontestables à savoir le vieillissement des 58 réacteurs nucléaires conçus pour 30 ans ! Si nous voulons les conserver un peu plus longtemps (10 ...

le 27/01/2019 à 9:01
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@BIOMAN : ca coûte toujours moins cher de prolonger un investissement que d’arrêter l'exploitation pour construire une nouvelle centrale (ENR ou pas !). Ce n'est pas en envoyant des chiffres pour impressionner, dont on ne sait pas ce qu'ils représen...

à écrit le 26/01/2019 à 10:01
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On oublie toujours le pédalage dans les prisons, source inépuisable grâce aux Gilets Jaunes qu'on condamne quotidiennement; encore ces derniers devraient-ils bénéficier du statut de prisonniers politiques. J'attire l'attention du Ministre des Prisons...

à écrit le 26/01/2019 à 7:01
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"Priorité aux renouvelables matures et compétitives" parce que ça existe ? Déjà le terme adapté est "intermittent" plutôt que "renouvelable" pour la moitié du temps, voire moins.

à écrit le 25/01/2019 à 17:03
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en allemagne, ils anticipent deja comment recycler les parcs en mer, et pour l'instant ca reste... un defi! voila l'article FAZ https://www.faz.net/aktuell/wirtschaft/wie-die-windraeder-in-der-nordsee-entsorgt-werden-16000821.html alors tous ces...

le 25/01/2019 à 17:46
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Au moins ils s'y prennent plus tôt que pour le nucléaire dont le démantèlement doit s'étaler sur 1 siècle quand EDF aura sans doute disparu...et alors que Cigéà ets parti pour pluds de 100.000 ans....

le 25/01/2019 à 20:56
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@ Jean ; Au mois de décembre , on a frôlé le black out en Europe la France a joué les pompiers....Les ventilos Allemands ne sont pas rentables ,les panneaux on passe reste l' habitat intelligent oui mais....De l' autre côté du Rhin ils se lance...

le 27/01/2019 à 9:08
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@Jean : Les allemands s'y sont pris très tôt pour arréter le nucléaire. En échange ils s'y prennent très tard pour arréter leur centrale à charbon en polluant la planete : arret annoncé en 2038 ! Aujourd'hui les allemands, grâce à leur arrêt du nu...

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