Nucléaire : depuis Belfort, la startup Neext s’allie à Westinghouse pour s’imposer dans la course aux petits réacteurs

Cette nouvelle startup du nucléaire veut capitaliser sur les compétences énergétiques du territoire belfortain et sur les recherches de l'américain Westinghouse pour mettre au point un petit réacteur innovant à l'horizon 2030. Elle espère décrocher une subvention de 10 millions d'euros pour financer ses études d'ingénierie. Objectif : développer une centrale compacte et multiusages pour répondre au vaste marché de la décarbonation des industriels.
Juliette Raynal
Jean Maillard (à gauche) et Nicolas Moulin (à droite), cofondateurs de Neext.
Jean Maillard (à gauche) et Nicolas Moulin (à droite), cofondateurs de Neext. (Crédits : Neext)

Créée fin 2022, la startup Neext entend valoriser les compétences du territoire de Nord Franche-Comté en matière de conception nucléaire et d'export à l'international d'unités de production thermique (charbon, fioul, gaz) pour se faire une place dans la course internationale des petits réacteurs nucléaires modulaires, les SMR.

La jeune pousse, cofondée par Jean Maillard (ingénieur issu du monde des énergies renouvelables) et Nicolas Moulin, (l'ancien directeur commercial des activités nucléaires de General Electric), mise toutefois sur un dernier ingrédient, bien loin du territoire belfortain, pour tirer son épingle du jeu : l'américain Westinghouse. Entreprise qui, pour mémoire, a permis au parc nucléaire tricolore de se déployer à toute vitesse il y a 40 ans, 32 des réacteurs actuels étant sous licence Westinghouse.

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S'appuyer sur les recherches de Westinghouse

« Les compétences du territoire se situent dans l'intégration : nous savons intégrer un réacteur au sein d'un système énergétique, mais la compétence du réacteur nucléaire en lui-même, nous ne l'avions pas. Nous nous situons très en aval de la chaîne », explique Jean Maillard.

La jeune pousse entend donc s'appuyer sur les recherches de Westinghouse dans les réacteurs à neutrons rapides refroidis au plomb pour développer un réacteur de petite taille, spécifiquement dédié à la décarbonation des industriels, baptisé Sparta.

L'entreprise américaine a initié en 2015 un programme de recherche sur cette technologie de quatrième génération, qui doit notamment permettre aux réacteurs de fonctionner grâce aux matières radioactives usagées. Ce programme de recherche doit toutefois aboutir à un prototype d'une puissance de 450 mégawatts électriques. Une puissance trop importante comparée aux besoins de Neext.

Candidature à France 2030

Westinghouse va donc développer un deuxième programme de R&D ad hoc pour mettre au point, en collaboration avec Neext, un réacteur refroidi au plomb plus compact. Grâce à ce partenariat, la jeune pousse entend déposer, d'ici la fin du mois de mars, son dossier de candidature à l'appel à projets "Réacteurs nucléaires innovants", lancé dans le cadre de France 2030. A la clé : une potentielle subvention de 10 millions d'euros pour financer ses études d'ingénierie, puis 80 et 300 millions d'euros pour les étapes de développement suivantes.

« Notre volonté, n'est pas de financer un acteur américain avec l'argent public français, mais de faire venir un acteur américain pour développer une technologie en France et pour développer des emplois en France », précise Jean Maillard. « Westinghouse est, par ailleurs, le plus français des Américains. Il est à l'origine, avec d'autres industriels, de la création de Framatome en 1958 [dont le nom est la contraction de la Franco-Américaine de Constructions atomiques, ndlr ] », fait valoir l'entrepreneur.

Des industriels de la chimie aux aéroports

Neext entend attaquer la deuxième phase de son projet, le design, en janvier 2026 et vise un démonstrateur, dont la puissance n'est pas encore arrêtée, à l'horizon 2030. Ce premier réacteur devrait voir le jour en France, mais la jeune pousse cible, par la suite, un marché à l'export. « Nous visons toutes les industries lourdes, comme l'aciérie, la cimenterie et la chimie, mais aussi les grandes infrastructures comme les ports et les aéroports », précise le cofondateur. La startup prévoit que son SMR puisse produire de l'électricité, mais aussi de la chaleur, de l'hydrogène et des carburants de synthèse.

Un positionnement multi-usage qui le distingue du projet de SMR Nuward porté par EDF. « Nuward vise à remplacer des centrales à gaz et au charbon pour la production d'électricité, ce qui n'est pas notre cas », pointe Jean Maillard. En revanche, Neext devra faire face à d'autres concurrents tricolores, comme Jimmy et Naarea ou encore Hexana et Stellaria, deux startups issues du CEA, qui visent aussi le vaste marché de la décarbonation des industriels. Sans compter les compétiteurs étrangers, qui se développent à vitesse grand V aux Etats-Unis et en Chine.

Dans cette compétition accrue, Neext espère se distinguer sur la question de la rentabilité de ces petits réacteurs modulaires, qui reste encore à démontrer.« Nous voulons améliorer la rentabilité de notre SMR en réalisant un arbitrage entre la production et la vente d'électricité et d'hydrogène. L'idée est de bouger le curseur selon les besoins de l'industriel et les prix du marché », explique Jean Maillard.

Améliorer la rentabilité

Outre les réflexions autour du modèle économique, la jeune entreprise mise aussi sur un saut technologique en matière d'efficience énergétique, basé sur des recherches fondamentales menées depuis Nancy par Silvia Lasala, chercheuse au CNRS. Le principe : recourir à des fluides réactifs pour diminuer significativement la taille des turbines, tout en améliorant leur performance de 20 à 30%.

Pour financer son développement, Neext prévoit de lever des fonds auprès d'acteurs financiers dans un premier temps, puis auprès d'industriels ultérieurement, auquel cas Westinghouse pourrait acquérir des parts de son capital. En attendant, la jeune pousse propose au tissu économique local de prendre part au capital à travers un fonds citoyen. « Nous ouvrons 20 à 30% de notre capital à des personnes qui souhaitent investir à nos côtés », précise l'entrepreneur, qui espère collecter entre 150 et 250.000 euros d'ici le mois d'avril.

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