Nucléaire  : malgré les fissures, EDF maintient ses objectifs de production d'électricité

Le groupe EDF a présenté jeudi son plan de bataille pour contrôler les tuyauteries jugées les plus à risque d'un nouveau type de fissures dans ses centrales nucléaires, après la découverte surprise récente d'une corrosion très profonde dans la tuyauterie d'un réacteur de la centrale de Penly, en Seine-Maritime. Au total, il y a 320 soudures réparées et donc désormais suspectes, dans les 56 réacteurs français.
Le problème nouveau à Penly se trouve sur une tuyauterie ayant fait l'objet de réparations particulières au moment de la construction de la centrale dans les années 1980.
Le problème nouveau à Penly se trouve sur une tuyauterie ayant fait l'objet de réparations particulières au moment de la construction de la centrale dans les années 1980. (Crédits : Reuters)

EDF rassure, à nouveau, après la découverte d'une corrosion très profonde dans la tuyauterie d'un réacteur de Seine-Maritime. Ce dossier « ne nécessite pas de modification de programmation des arrêts de réacteurs, que ce soit pour 2023 ou 2024 », a expliqué Régis Clément, directeur adjoint du parc nucléaire EDF, dans une conférence téléphonique jeudi soir.

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Il a rappelé que l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) aurait son mot à dire. L'énergéticien n'a d'ailleurs pas changé son estimation de production d'électricité nucléaire pour cette année, soit entre 300 et 330 térawattheures.

Série noire

La série noire a commencé en octobre 2021 par la découverte d'une micro-fissure dans une des centrales les plus récentes et puissantes d'EDF, un phénomène appelé « corrosion sous contrainte ». Cela concerne une tuyauterie servant uniquement en cas d'urgence, pour inonder d'eau le réacteur lors d'un accident nucléaire. Des fissures peuvent provoquer des fuites.

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EDF a depuis été forcé de lancer un grand plan de contrôle et de réparations, revu en décembre dernier, qui a conduit à l'arrêt de nombreux réacteurs en pleine crise énergétique... La compagnie se croyait enfin prête à tourner la page avec son dernier plan prévoyant des réparations d'office.

Jusqu'à la découverte d'une nouvelle fissure, très importante, dans une conduite du réacteur numéro un de la centrale de Penly, à un endroit qui était jusqu'à présent jugé non sensible. Cette découverte a forcé EDF à réviser encore son programme de contrôle, soumis le 10 mars à l'ASN, qui « prend acte de cette évolution de la stratégie » et qui considère « qu'il est de la responsabilité d'EDF de la mettre en œuvre. »

Des sources potentielles de « corrosion sous contrainte »

Le problème nouveau à Penly se trouve sur une tuyauterie ayant fait l'objet de réparations particulières au moment de la construction de la centrale dans les années 1980. Jusqu'à présent, ces réparations datant de plusieurs décennies n'étaient pas considérées comme des sources potentielles de « corrosion sous contrainte », ou CSC. La découverte a tout changé.

« Cette soudure n'était pas située sur une zone considérée comme sensible, mais située à proximité d'une soudure réparée et ce cas-là fait évoluer la connaissance qu'on avait du sujet », a expliqué Julien Collet, directeur adjoint de l'ASN dans la soirée.

« Ces soudures réparées, EDF avait prévu d'aller les voir, mais le fait qu'à elles seules elles puissent générer de la CSC nécessite de revoir les priorités du programme de contrôle d'EDF », a-t-il ajouté. « Donc il faut aller voir en priorité les soudures plusieurs fois réparées et accélérer. On priorise et on accélère, c'est ce qu'on propose de faire », a déclaré séparément Régis Clément d'EDF.

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Il a d'ailleurs insisté sur le fait que la grosse fissure de Penly 1 n'avait « jamais remis en cause les hypothèses fondamentales de sûreté sous-tendant le fonctionnement de ce réacteur ».

Contrôler 92% des soudures réparées d'ici la fin de l'année

Au total, il y a 320 soudures réparées et donc désormais suspectes, dans les 56 réacteurs français, a indiqué l'ASN. Parmi elles, 69 sont prioritaires, selon EDF. L'objectif annoncé est d'en contrôler 92% d'ici la fin de l'année. Les 8% restantes le seront début 2024 lors de l'arrêt prévu des réacteurs concernés.

« Au moment de la construction du réacteur [de Penly], cette soudure avait été réparée à deux reprises, une première fois pour corriger un défaut d'alignement des tronçons du circuit, une seconde fois pour corriger un défaut de soudure. Cette particularité pourrait expliquer la présence d'une fissure de corrosion sous contrainte aussi profonde » expliquent les experts de la sûreté nucléaire de l'IRSN dans une note publiée jeudi soir.

D'autres fissures dites « de fatigue thermique » découvertes à Penly 2 et Cattenom 3 nécessitent « des analyses complémentaires », selon l'ASN. EDF a expliqué qu'il fallait en effet « élargir la surveillance ».

RTE optimiste

De son côté, le 16 mars, Réseau de Transport d'électricité (RTE) avait déjà souligné que les nouvelles fissures détectées sur le parc nucléaire d'EDF, « ne changent pas fondamentalement la vision que l'on a de l'hiver 2023-2024 ».

RTE reste optimiste sur les conséquences de ces nouvelles fissures. « Il faut bien avoir en tête que la découverte de ces nouvelles fissures n'est pas de la même ampleur que celles de l'année dernière, lorsqu'EDF a pris conscience du problème de corrosion sous contrainte », pointe Thomas Veyrenc, directeur exécutif.

Pour l'hiver 2023-2024, le système électrique pourra également compter sur des capacités de production d'énergies renouvelables supplémentaires. « En 2022, la France a installé 5 gigawatts (GW) d'énergies renouvelables supplémentaires, ce qui est un record. En 2023, le rythme devrait être accéléré par la loi d'accélération des énergies renouvelables. A noté, la mise en service de deux champs éoliens offshore qui représentent à eux deux 1GW de puissance installée », a souligné Xavier Piechaczyk, le président du directoire de RTE.

L'été fait désormais aussi l'objet d'attentions particulières en raison de la sécheresse, des vagues de canicules et de la possible hausse de consommation électrique liée au recours accru à la climatisation. RTE publiera ainsi au mois de mai son étude sur le passage de l'été. Celle-ci analysera notamment l'impact de la sécheresse sur la production hydraulique et sur la production nucléaire.

 (Avec AFP)

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Commentaire 1
à écrit le 17/03/2023 à 20:04
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Si les prévisions antérieures avaient été fiables, l'hiver 21 - 22 aurait été une promenade de santé. A leur décharge, les centrales françaises ont exploité massivement la production en série pour réduire leurs coûts. Aujourd'hui, on a des dysfonctio...

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