Panneaux solaires : une deuxième gigafactory va voir le jour en France pour s'affranchir de l'ultra domination chinoise

Fruit d'un consortium européen, Holosolis va investir 710 millions d'euros pour bâtir une méga-usine de panneaux photovoltaïques en Moselle, là où six mois plus tôt l'industriel norvégien REC a abandonné un projet similaire. A l'horizon 2027, l'unité devrait produire 10 millions de panneaux par an et employer 1.700 personnes. La jeune entreprise entend ouvrir d'autres usines sur le Vieux-Continent, qui cherche à se défaire de son ultra-dépendance à l'égard de la Chine.
Juliette Raynal
Holosolis va investir 710 millions d'euros pour bâtir une méga-usine de panneaux photovoltaïques en Moselle.
Holosolis va investir 710 millions d'euros pour bâtir une méga-usine de panneaux photovoltaïques en Moselle. (Crédits : holosolis)

L'Union européenne va-t-elle réussir à se défaire de son ultra-dépendance à l'égard de la Chine en matière de panneaux solaires ? L'annonce de la jeune société Holosolis, faite à l'occasion du sommet Choose France, grand-messe dédiée aux investisseurs étrangers organisée ce lundi à Versailles, apporte une note d'espoir. L'entreprise, fruit du rapprochement entre l'accélérateur et le fonds d'investissement européen EIT InnoEnergy et les français IDEC et TSE, respectivement spécialisés dans les énergies renouvelables intégrées aux bâtiments et l'agrivoltaïsme, va construire une gigafactory de panneaux photovoltaïques à Hambach, en Moselle, moyennant un investissement de 710 millions d'euros.

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« Avant de fixer son choix sur la Moselle, Holosolis a étudié les propositions de 40 sites dans six pays », précise l'entreprise dans un communiqué de presse. Le choix d'Hambach situé dans la communauté d'agglomération Sarreguemines Confluences, n'est pas un hasard. L'industriel norvégien Rec Solar prévoyait initialement d'ouvrir une gigafactory dans cette même commune, avant d'y renoncer en décembre 2022 pour la construire en Inde, qui propose des conditions d'investissements très attractives. « Les études liées à l'obtention des autorisations administratives, comme l'étude faune et flore, ont déjà été faites. Cela permet de gagner beaucoup de temps », explique Karine Vernier, PDG France d'EIT InnoErnergy, et membre du conseil d'administration d'Holosolis.

10 millions de panneaux et 1.700 salariés à partir de 2027

A l'horizon 2025, la France devrait donc être dotée de deux méga-usines dédiées au photovoltaïsme. En effet, la startup lyonnaise Carbon entend, elle aussi bâtir une gigafactory d'une capacité de 5 gigawatts (GW) de lingots, galettes, cellules et modules photovoltaïques à l'horizon 2025, à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône).

De son côté, Holosolis se concentrera sur la production de cellules et de modules photovoltaïques. Elle prévoit une mise en route au second semestre 2025 et d'atteindre son rythme de croisière à partir de 2027. A cet horizon, l'entreprise mise sur une capacité de production de 5 gigawatts par an de cellules et modules. Cela se traduira par 10 millions de panneaux solaires. Elle devrait alors employer environ 1.700 salariés.

Cette production couvrira les « besoins énergétiques d'un million de foyers », et représentera « 8 % des importations européennes de modules photovoltaïques chinois en 2022 », fait valoir Holosolis.

Aujourd'hui, le marché des panneaux photovoltaïques est ultra-dominé par la Chine. Le pays produit 80% des composants dans le monde. Et, en Europe, 96% des galettes de silicium, composant stratégique du panneau photovoltaïque, proviennent de Chine.

Ramener l'industrie photovoltaïque en Europe

Au cours de la dernière décennie, la Chine a ainsi investi près de 50 milliards de dollars dans son industrie photovoltaïque, soit dix fois plus que les investissements réalisés en Europe. « En construisant des capacités de production très largement supérieures à la demande mondiale, ils ont fait plonger les prix et ont tué les concurrents », expliquait récemment à La Tribune Damien Salel, expert du photovoltaïque et des réseaux.

Pour autant, le tissu industriel sur le Vieux Continent n'est pas totalement inexistant. l'Europe peut notamment compter sur un acteur majeur : l'Allemand Wacker, spécialisé dans la fabrication du polysilicium, l'une des premières étapes de la chaîne de valeur après l'extraction du silicium. Le norvégien Norsun est, lui, spécialisé dans la fabrication de lingots et de galettes de silicium. Enfin, à Catane en Sicile, l'italien Enel produit aussi des cellules et modules photovoltaïques.

La France, elle-même, dispose d'une capacité de production de panneaux photovoltaïques d'environ un gigawatt, selon les estimations de Philippe Malbranche, expert scientifique indépendant et ancien directeur général de l'Institut national de l'énergie solaire (Ines). C'est l'équivalent, peu ou prou, d'un réacteur nucléaire. Toutefois ces chiffres correspondent à une capacité de production et non à la production réelle, qui reste confidentielle. Par ailleurs, les capacités de production de la France se concentrent sur l'aval de la chaîne de valeur, c'est-à-dire l'assemblage des cellules photovoltaïques en modules.

Dans ce contexte, Holosolis entend privilégier au maximum les fournisseurs européens, mais ne s'engage pas, pour autant, sur une chaîne de valeur 100% made in Europe.« Cela va dépendre de l'offre », reconnaît Karine Vernier. « Nous privilégierons un contenu carbone le plus bas possible », ajoute-t-elle.

Des copiés-collés dans les cartons

Par ailleurs, la jeune société prévoit d'ores et déjà l'ouverture d'autres usines de production photovoltaïque sur le Vieux Continent. « Notre objectif est de concevoir, dès le départ, cette première usine pour qu'elle puisse être répliquée. Elle sera ainsi très documentée de façon à ce qu'on puisse faire un copié-collé dans d'autres régions, comme le sud de l'Europe, et gagner beaucoup de temps », explique Karine Vernier.

Actuellement, le Vieux continent consomme environ 60 GW de panneaux solaires par an. Ce marché pourrait passer la barre des 100 GW dès 2025. Bruxelles s'est fixé pour objectif d'atteindre une capacité de production de 40 GW à l'horizon 2030. Une cible qui pourrait être revue à la hausse selon Holosolis, qui doit désormais recruter à tour de bras, pour passer de trois salariés... à 1.700 en quelques mois.

Pour financer son développement, la jeune société prévoit de boucler une première levée de fonds de quelques millions d'euros. Un tour de table beaucoup plus conséquent ainsi qu'un recours à la dette est prévu pour 2024.

Juliette Raynal

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Commentaire 1
à écrit le 16/05/2023 à 9:02
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On aimerait savoir comment on est passé d'un modèle économique non rentable dans les années 90 à un modèle super rentable en 2023 ? Surtout avec les normes environnementales actuelle ! La fabrication des wafers ( base du panneau solaire) sont très ...

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