
Dans le vaste atelier de 9600 m² de l'usine Systovi à Carquefou, près de Nantes, l'espace et les hauteurs sous plafond laissent augurer des ambitions du fabricant français de panneaux solaires photovoltaïques. « On pourrait multiplier nos investissements par dix. Les plans de financement sont bouclés mais les conditions réglementaires ne sont pas réunies », regrette Paul Toulouse, directeur général du fabricant de panneaux solaires français Systovi.
La filiale du groupe Cetih vient pourtant d'investir 1,5 million d'euros dans une nouvelle ligne de production pour doubler sa capacité et passer d'une production de 60.000 en 2022 à 100.000 panneaux solaires par an (40 Mw en 2023) . « Et dès cet été, nous investirons encore un million d'euros pour nous équiper d'un nouveau laminoir, un four permettant de fondre ensemble les différentes couches, qui nous permettra de monter jusqu'à 200.000 panneaux solaires par an », précise Paul Toulouse.
Une poignée de fabricants français
Ces 200.000 panneaux représentent un production de 80 Mw. Presque une goutte d'eau au regard des 100 Gw voulus dans le solaire photovoltaïque par l'Etat à l'horizon 2050 dans le cadre du développement des énergies renouvelables. « En comparaison, aussi, de la présence ultra dominante de la Chine, des fabricants américains soutenus par la loi Inflation Réduction Act (IRA) votée en 2022, des Indiens accompagnés par le programme PLI et de la Turquie... Aujourd'hui, en France, 90% des cellules photovoltaïques sont fabriquées en Chine, et 7% en Asie par des Chinois et 3% par Photowatt, détenue par EDF Renouvelable, qui fabrique pour ses propres besoins », observe le directeur général de Systovi.
L'entreprise est l'un des principaux fabricants français de panneaux solaires restés dans l'hexagone, bien que ses cellules photovoltaïques proviennent de Chine. « Impossible d'en produire en France sans un investissement de 500 millions d'euros. Et pourtant dans le mix énergétique, le solaire, que ce soit à travers le photovoltaïque ou l'aérovoltaïque, a toute sa raison d'être. C'est la technologie la plus compétitive et la plus acceptable », plaide François Guerin, PDG du groupe Cetih qui affiche un chiffre d'affaires de 280 millions d'euros et 1500 salariés. Le repreneur de Systovi depuis 2011 s'impose comme le leader de la fabrication de portes et fenêtres, de solutions pour la rénovation énergétique des bâtiments
Un an de production en un jour
Mais sa filiale Systovi est loin d'avoir un tel poids dans le photovoltaïque en France où elle pèse moins de 1% du marché. « Pour atteindre le million de panneaux solaires, il y a des investissements lourds à réaliser et ça ne pourra se faire sans visibilité. Car, aujourd'hui, les Français fabriquent en un an ce que les usines chinoises produisent en un jour », met en perspective Paul Toulouse, qui attend de voir le contenu du projet de loi sur l'industrie verte promis par le gouvernement pour le printemps.
Pour réindustrialiser le secteur du photovoltaïque en France, ce dernier réclame un IRA à l'européenne, un allègement de charges ou encore un taux de TVA réduit... et ainsi pouvoir répondre à une demande croissante mais aussi rivaliser avec les acteurs internationaux. De 12,4 millions d'euros en 2022, le chiffre d'affaires de Systovi devrait atteindre 20 millions d'euros en 2023. L'entreprise a d'ailleurs recruté une vingtaine de personnes cette année pour faire monter l'effectif à une centaine de collaborateurs.
Un centre de formation
Pour se différencier sur un marché concurrentiel où l'on redoute que la croissance bénéficie d'abord aux Chinois, aux Américains et aux Indiens, Systovi met en avant depuis 2011 l'innovation, les services et l'écologie. Le poids des panneaux solaires (15kg/m²) a été divisé par quatre en dix ans. La conception a été optimisée pour éviter les dégradations dans le temps et atteindre un rendement de 21% (200 watt/m²).
« Et contrairement à une idée reçue, les panneaux solaires, qui ne contiennent ni terres rares ni métaux rares depuis dix à quinze ans, sont recyclables à 94% », assure Le directeur général de Systovi, par ailleurs administrateur de l'éco-organisme Soren qui collecte et retraite les panneaux solaires usagés sur le territoire français.
L'entreprise dont 80% des panneaux finissent sur les toitures de particuliers a, depuis 2016, développé une application (Smart-R) pour aider les utilisateurs à piloter leur consommation et optimiser les Kwh qu'ils produisent. En 2020, Systovi créait un chauffe-eau solaire (Stock-O), pilotable à distance, jouant le rôle de batterie intelligente pouvant stocker 10Kwh/jour. Un an plus tôt en 2019, le groupe Cetih avait lancé son propre centre de formation où six modules sont spécifiquement dédiés aux acteurs de la filière solaire et notamment des installateurs et poseurs de panneaux.
Le projet Belenos en attente
Engagés aux côtés de l'acteur Alsacien du solaire Voltec Solar dans le cadre du projet Belenos visant à faire émerger un géant français du solaire, François Guérin et Paul Toulouse reconnaissent que le projet Belenos, lancé en 2020, lambine. « Nous avions obtenu un accord ministériel sur les aspects de régulation dans le cadre de la création d'une société unique pour mutualiser nos moyens, mais aujourd'hui, le sujet se situe plutôt au niveau européen où il faut trouver un accord entre vingt-sept pays », estiment les dirigeants du Cetih et de Systovi.
Dans l'attente d'un hypothétique IRA européen, qui fournirait des subventions équivalentes à celles votées aux Etats-Unis pour soutenir les industriels européens, les acteurs du solaire français se développent seuls, chacun de leur côté, à l'Est et à l'Ouest de l'hexagone. « On continue de grandir pour exister... Mais, sans un vrai soutien de l'Etat, il est impossible de déclencher les investissements adéquats», résument les artisans de la réindustrialisation du territoire qui se sentent un peu seuls face à l'ogre chinois.
Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !