« Sur cinq ans, la Caisse des Dépôts peut susciter 35 milliards d'euros d'investissements » Gabrielle Gauthey

Gabrielle Gauthey qui quitte cette semaine la Caisse des dépôts et consignations tire les enseignements de la direction des investissements et du développement local qu'elle a créé et qui sera la banque d'affaires de la future Banque des Territoires. En trois ans, 15 milliards d'euros d'investissements, publics et privés, ont été générés. L'effet de levier permet d'espérer un rythme récurrent de 7 milliards d'euros par an.
Gabrielle Gauthey.
Gabrielle Gauthey. (Crédits : Olivier Ezeratty)

LA TRIBUNE - Vous quittez la direction des investissements et du développement local de la Caisse des Dépôts, direction qui va devenir en quelque sorte la banque d'affaires de la future Banque des Territoires au sein de la CDC. Quel a été le bilan de la politique d'investissement que vous avez engagée ?

GABRIELLE GAUTHEY - Je suis arrivée en 2015 à la demande de l'ancien directeur général, Pierre-René Lemas, pour relancer l'investissement dans notre pays dans un contexte général de réduction des dotations versées aux collectivités et à la  réorganisation des territoires autour des nouvelles régions et des métropoles.


Cette direction est née de cette volonté : à effectifs constants, en regroupant une partie de l'ancienne direction du développement territorial et du réseau et plusieurs filiales (CDC Infrastructure, CDC Climat et CDC Numérique), ainsi que Exterimmo, nous avons multiplié nos investissements par quatre, passant de 250 millions à 1 milliard d'euros en trois ans. Nous soutenons désormais quelques 200 projets par an, contre 130 il y a trois ans. Il s'agit essentiellement de projets dits « greenfield » [nouveaux, Ndlr].

Olivier Sichel, le nouveau directeur général adjoint en charge de la future banque des territoires qui va absorber la direction des investissements et du développement local, m'a dit : « Formidable, vous avez créé la banque d'affaires des territoires. » Et, de fait, ce dont je suis la plus fière, c'est d'avoir réussi à engendrer un mouvement de reprise de l'investissement en France, en développant de façon plus intensive les partenariats avec le secteur privé.

Le milliard d'euros d'investissement de la CDC génère en effet 7 milliards d'euros d'investissements grâce à l'effet de levier sur l'investissement et le financement privé. En trois ans, la direction des investissements et du développement local a ainsi pu financer 15 milliards d'euros de projets. Si on extrapole sur cinq ans, on peut espérer réaliser 35 milliards d'euros d'investissements, soit 70% du plan quinquennal de 50 milliards annoncé par le président Macron. Donc, oui, c'est possible d'investir et, d'ailleurs, lors d'une récente rencontre avec le ministre allemand des Télécoms, j'ai pu constater que notre méthode suscitait beaucoup d'intérêt outre-Rhin.

Comment choisissez-vous les projets pour attirer le privé à vos côtés ?

Avant d'être investisseur, nous sommes monteur et développeur de projets. En amont, nous réalisons les études d'ingénierie et la structuration juridico- financière et ensuite nous essayons de faire venir les acteurs privés à nos côtés. Notre doctrine d'investissement, qui a été saluée par la Cour des Comptes, est claire. Nous intervenons dans trois domaines : les infrastructures (transports, énergies renouvelables, très haut débit), l'immobilier (sanitaire et social, bureaux, touristique) et le développement économique local. Dans le tourisme, nous avons largement été au rendez-vous du plan Fabius pour la construction et la rénovation de nos équipements, qu'il s'agisse de thermalisme, de tourisme d'affaires, de ports de plaisance, de patrimoine remarquable. Nos investissements concernent l'ensemble du territoire mais 73% de nos projets se situent dans les villes moyennes et les territoires péri-urbains et ruraux.

Au risque de renoncer à la rentabilité ?

Non, nous nous sommes fixés des TRI cibles par classe d'actifs, en mixant au sein d'une même classe les projets rentables et ceux à rentabilité différée. Mais nous évaluons aussi nos projets à l'aune de critères sociaux et environnementaux. Nous avons beaucoup « verdi » notre portefeuille et imposé des normes d'efficacité énergétique au-dessus de la moyenne pour donner le « la » au marché, d'autant que cela valorise nos actifs à long terme. Nous avons aussi des critères d'impact social. Par exemple, notre fonds NovESS, levé en 2017, pour faire grandir des entreprises de l'économie sociale et solidaire utilise un référentiel de mesure de l'impact social (Mesis), que nous souhaiterions voir étendu.

Parallèlement, nous avons fortement amélioré le rendement du portefeuille de la CDC (de 30%), levé une obligation verte (Green Bond) de 500 millions d'euros, assise à 80% sur des actifs immobiliers neufs ou en rénovation et investi dans des entreprises innovantes de la smart- city, porteuses de vision d'avenir sur nos métiers, susceptibles de « disrupter » le secteur de l'immobilier ou des infrastructures. Par ailleurs, nous avons aussi pour la première fois fait tourner le portefeuille de plus de 1050 lignes de la direction.

Pouvez-vous en donner quelques exemples ?

Dans les mobilités, c'est Cityscoot, le scooter électrique en libre-service, que nous soutenons depuis ses débuts et qui se déploie maintenant également dans d'autres villes que les grandes métropoles. Ou bien Citiz, le premier réseau national d'autopartage de véhicules électriques qui opère sous marque blanche dans 80 communes. Je peux citer aussi Oxipio dans la logistique du dernier kilomètre, ou CitiZen Mobility, pour les personnes âgées en milieu rural. Enfin, nous avons pris une participation dans Hype, la première compagnie de taxis 100% hydrogène. Nous avons également construit une matrice croisant différents types de mobilité en fonction des territoires, et avons parfois dû créer l'offre là où elle n'existait pas.

Dans l'immobilier, un secteur également très « disrupté », nous soutenons le coworking avec Base 10, Bureaux à partager, des tiers lieux comme Stop & Work ou encore La Cordée, qui vise une quarantaine de lieux, plutôt en zones rurales.

Dans l'énergie, nous avons investi dans Sobre, opérateur d'efficacité énergétique des bâtiments.

Dans la data, nous avons beaucoup réfléchi avec les collectivités locales sur les sujets à maitriser. Nous avons investi dans OpenDataSoft, Spallian ou Dawex, qui permettent la gestion et la monétisation des données notamment de la smart-city.

Nous sommes systématiquement minoritaires dans ces jeunes pousses, sans nous fixer de durée de présence au capital, mais nous nous préoccupons des conditions de sortie.

La future loi Mobilités va donner un coup d'arrêt aux grands projets type LGV et mettre l'accent sur les mobilités du quotidien. Quel peut-être le rôle de la CDC ?

Il faut probablement changer la philosophie de l'investissement public. Ce que la direction des investissements et du développement local a apporté, c'est la co-construction de solutions de mobilité innovantes avec les collectivités locales. Nous l'avons fait par exemple à Marseille, dans un contexte de suspension des grandes infrastructures. La LGV Bordeaux-Toulouse peut devenir un projet public-privé. De même, nous étudions avec des régions la possibilité de faire rouler des trains à hydrogène sur des petites lignes, ou des trains solaires touristiques. Nous avons aussi investi avec NeoT Green Mobility dans une société de construction et de leasing de batteries pour accélérer la migration des flottes de bus des collectivités locales vers l'électrique.


Le métier d'investisseur est le métier le plus récent de la CDC ; c'est d'ailleurs un métier nouveau pour beaucoup d'entités publiques : l'Etat et ses agences (ADEME, ANRU...) les régions mais aussi la BEI. J'ai essayé de le développer en enrichissant un vivier de projets largement développé en lien avec nos partenaires privés, en le structurant pour le porter au meilleur des standards du marché, de sorte que le professionnalisme des équipes de la CDC puisse être reconnu et que celle-ci puisse être digne des mandats qui pourront lui être confiés à l'avenir.

Propos recueillis par Philippe Mabille et Dominique Pialot

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Commentaires 2
à écrit le 12/04/2018 à 13:05
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La caisses de pargne une banque des voleurs mais fiancés en rhone alpes ?? Danger

à écrit le 12/04/2018 à 8:51
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"Avant d'être investisseur, nous sommes monteur et développeur de projets. En amont, nous réalisons les études d'ingénierie et la structuration juridico- financière et ensuite nous essayons de faire venir les acteurs privés à nos côtés. " En euro...

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