
En matière de transition énergétique, les États les plus riches sont à la traîne : avec le Royaume-Uni, la France (en 9e position) est le seul membre du G20 à figurer dans le Top 10 des pays les plus avancés sur le sujet, selon le rapport « Fostering Effective Energy Transition » (« Favoriser une transition énergétique efficace ») du Forum économique mondial.
Publié ce mercredi 21 avril, il analyse les performances de 115 pays du monde, à l'aune d'un indice de transition énergétique (ETI). Et ses conclusions sont sans appel : seuls 13 d'entre eux ont connu une progression constante, à un rythme satisfaisant pour décarboner, lors de ces dix dernières années.
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Pourtant, des efforts sont fournis, soulignent les auteurs. Sur cette même période, 92 pays ont augmenté leur score global en moyenne. La capacité mondiale du solaire photovoltaïque a été multipliée par sept, et celle de l'éolien par près de trois. Et les investissements dans la transition, à l'échelle du globe, sont passés de moins de 300 milliards de dollars en 2011, à près de 500 milliards en 2020 - malgré la pandémie. Du reste, les engagements politiques ne manquent pas : « 8 des 10 plus grandes économies se sont engagées à atteindre un objectif zéro émission nette » d'ici à la moitié du siècle.
Les pays nordiques y sont pour beaucoup : immuablement, la Suède, la Norvège et le Danemark monopolisent les marches du podium. La réduction de l'intensité carbone de leur bouquet énergétique y est la plus soutenue, relèvent les auteurs du rapport. En cause : des investissements massifs dans le domaine, et des actions fortes pour atteindre un prix de la tonne de CO2 ambitieux. De manière générale, les pays en pole position présentent des caractéristiques communes, de « faibles subventions pour les combustibles fossiles » à un « environnement réglementaire solide », en passant par une « sécurité énergétique renforcée ».
Toujours plus d'électricité produite à partir du charbon
Mais à l'échelle du globe, la partie n'est pas gagnée : les progrès sont trop lents. Les objectifs de l'Accord de Paris de neutralité carbone en 2050 semblent encore hors de portée. De 33 gigatonnes d'émissions de CO2eq des combustibles fossiles et procédés industriels en 2011, le monde est passé, en 2020... à 34 gigatonnes. « En 2018, 81% de l'énergie mondiale était encore fournie par des combustibles fossiles, les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont augmenté jusqu'en 2019 et plus de 770 millions de personnes n'ont toujours pas accès à l'électricité », alertent les auteurs. Les pays du G20, eux, ont accordé l'équivalent de 130 milliards de dollars de subventions aux énergies fossiles en 2019, contre 117 milliards de dollars en 2018, et ce malgré les engagements politiques pour limiter ces aides, selon une analyse de Climate Transparency.
Quant à la Chine (68ème) et à l'Inde (87ème) - qui représentent collectivement un tiers de la demande mondiale d'énergie -, s'ils ont connu des améliorations, les deux pays sont toujours englués dans le charbon. Ce qui maintient leur score négatif à l'ETI, en termes absolus, malgré des gains « parmi les plus importants ».
« La quantité totale d'électricité produite à partir du charbon suit une trajectoire ascendante. Il sera nécessaire d'identifier des moyens viables de retrait anticipé des actifs à forte intensité de carbone pour accélérer la transition », avance le rapport du Forum Economique Mondial.
Au Moyen-Orient et Afrique du Nord, c'est la forte dépendance aux recettes pétrolières qui continue de poser des défis pour une croissance durable.
Agir à l'échelle internationale
Car pour tous ces pays, les freins au changement sont de taille. Absence de progrès mesurables en matière de développement économique ou bouleversements du marché du travail : la « complexité inhérente » de la transition les éloigne de leurs propres objectifs climatiques, expliquent les auteurs. Celle-ci « a dépassé le stade des projets simples à mettre en oeuvre, et l'évolution des risques qui lui sont liés va rendre plus difficile la réalisation de progrès durables et progressifs », a ainsi déclaré Robert Bocca, responsable Energie et matériaux au Forum Economique Mondial.
A cet égard, la prochaine décennie sera « cruciale ». Le système énergétique, économique et social mondial doit « dès à présent », subir une « transformation complète » et « systémique », alertent les auteurs du rapport. Impliquant une « nouvelle conception de la manière dont nous vivons et travaillons, dont nous alimentons nos économies, et dont nous produisons et consommons des matériaux ».
En France, avec l'élimination progressive de la capacité nucléaire vieillissante - mais décarbonée, « des efforts devront être faits » pour s'assurer que cette mutation « maintienne le profil de faibles émissions du système d'électricité », peut-on lire.
Mais aucun pays ne s'en sortira seul : le rapport insiste sur la dimension collective de l'action, qui « jouera un rôle clé ».
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« Les gouvernements doivent s'aligner pour définir ensemble des règles communes, afin de garantir aux acteurs des règles du jeu équitable sur le marché. Des outils tels qu'un marché commun du carbone à l'échelle mondiale, ou des mécanismes d'ajustement carbone aux frontières, peuvent être envisagés », fait valoir le rapport.
Mais le défi est immense. Et la gestion de la pandémie n'a pas rassuré les auteurs : caractérisée par des réponses unilatérales de la part des gouvernements, celle-ci « a soulevé des inquiétudes quant à la capacité de la communauté internationale à s'unir dans une action coordonnée face à un problème commun ». Nul doute que leurs yeux seront rivés vers le sommet international sur le dérèglement climatique, initié par la Maison-Blanche, qui se tiendra dès demain en présence de plusieurs dirigeants mondiaux.
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