Avec Swile, Loïc Soubeyrand entend disrupter les RH

Partie de la dématérialisation des titres-restaurant, la startup montpelliéraine Swile a enrichi le champ de son activité avec des solutions de vie d’équipes ciblant les collaborateurs d’une entreprise. Son fondateur, Loïc Soubeyrand, disrupteur en diable, veut en faire « la boîte qui accompagne les RH ». (Cet article est issu de T La Revue de La Tribune - N°9 "Travailler, est-ce bien raisonnable?", actuellement en kiosque)
(Crédits : DR)

Qui, dans son entreprise, n'a pas expérimenté le parcours numérique complexe (et parfois laborieux, voire provisoirement impossible) d'aller se connecter sur une plateforme numérique pour récupérer son bulletin de salaire dématérialisé ? Sur un autre espace pour remplir une demande de congés ? Sur un autre encore pour déclarer ses frais de déplacements ? Et sur une application pour vérifier son solde de titres-restaurants ? À Montpellier, la startup Swile (pour « Smile at work ») entend simplifier et fluidifier tout ce champ administratif éparpillé sur une seule carte et une seule application. Mais pas seulement, puisqu'elle veut également s'immiscer dans la vie sociale des salariés pour faciliter leurs échanges.

De foodtech au départ, Swile est devenue une worktech et a embrassé, en octobre 2021 (à l'occasion d'une levée de fonds de 175 millions d'euros), le convoité statut de licorne, la première en Occitanie, la 19e en France... Comment est-elle passée de la pause-déjeuner à l'orchestration de la vie des collaborateurs dans l'entreprise ? En janvier 2017, le (presque) serial-entrepreneur montpelliérain Loïc Soubeyrand (ex-fondateur de Teads, avec laquelle il avait révolutionné le monde de la publicité avant de la vendre en 2017 au groupe Altice) crée Lunchr, une plateforme et une application mobile qui permettent aux utilisateurs de commander leur déjeuner en ligne dans les restaurants à proximité. Un an et une deuxième levée de fonds plus tard, Lunchr lance une solution innovante, avec comme objectif de prendre de vitesse les leaders du secteur : une carte de paiement Mastercard permettant de régler en titres-restaurant. Doublée d'une application, la solution permet à l'employeur de commander des titres-restaurant en ligne et au salarié de gérer son solde et de commander à emporter dans les établissements partenaires. Ce produit Mastercard, compatible partout et ne nécessitant pas les mises à jour requises par d'autres titres-restaurant dématérialisés, ouvre la voie à une digitalisation pure du marché. C'était la deuxième marche.

Titre-restaurant : bientôt le cash-back

Les titres-restaurant restent encore aujourd'hui l'activité principale de Swile, qui continue d'innover pour conserver son avance compétitive. « Notre innovation majeure a été de proposer une carte Mastercard qui passe sur tous les terminaux de paiement, à un moment où le réseau d'acceptation des cartes était encore trop limité, explique le jeune fondateur. Depuis, nous avons continué d'innover sur le design de la carte, sur le paiement complémentaire qui permet de payer au-delà des 19 euros réglementaires en reliant la carte à votre compte bancaire. Enfin, nous travaillons sur le cash-back, la solution est actuellement en bêta test. » Loïc Soubeyrand annonce avoir conquis 13 % du fructueux marché du titre-restaurant, avec 15 000 entreprises clientes et 800 000 utilisateurs. Parmi ses clients figurent notamment les principaux fleurons de l'écosystème de la tech, comme Doctolib, Spotify, Airbnb ou TikTok, mais aussi des entreprises de tous secteurs et de toutes tailles, dont Le Monde, le PSG ou Red Bull. Ou le géant français de la grande distribution, Carrefour (100 000 collaborateurs dans 5 800 magasins en France). Aujourd'hui, 62 000 d'entre eux utilisent la Swile-card. Une masse.

« Historiquement, nous travaillions avec un autre opérateur de titres-restaurant mais nous avions la volonté de les dématérialiser, explique Teddy Cachan, directeur des avantages salariaux et de la rémunération chez Carrefour, un peu plus d'un an après avoir accordé ce colossal marché à Swile (en janvier 2021). Nous avons fait ce choix sur un critère de prix, mais aussi d'innovation, de qualité du service, de sécurité. Swile s'inscrivait dans notre transformation digitale en cours... C'est un changement important pour nos collaborateurs, qui a modifié leurs habitudes de consommation. La Swile-card a pour ambition de leur faciliter la vie. Et la nôtre puisqu'elle met fin à l'envoi par courrier et au risque de perte des carnets de tickets-restaurant. Le processus administratif est simplifié. Et le retour d'expérience est positif. »

Gérer tout ce qui se monétise

La Swile-card est déjà une smart-card. Elle permet aussi de gérer des titres-cadeaux ou des titres-mobilité, et ce n'est pas terminé. Car ce sera là la troisième marche, qui est annoncée dès mars 2020, alors que Lunchr est rebaptisée Swile : Loïc Soubeyrand veut désormais s'occuper de tout le quotidien des employés. « On passe plus de temps avec ses collègues qu'avec ses amis ou sa famille, fait alors observer Loïc Soubeyrand. L'idée, c'est de proposer une application dédiée à la vie d'équipe afin de créer du lien via la technologie et de faciliter les moments de vie entre collaborateurs. » L'application Swile propose donc d'organiser des cagnottes pour des anniversaires ou des pots de départ, de permettre le remboursement instantané entre collègues, le partage d'addition ou l'organisation d'événements entre collègues.

Et Loïc Soubeyrand veut également aller sur le terrain administratif : « La Swile-card va devenir la carte-employé pour gérer ce qui se monétise : les avantages salariaux, les frais professionnels, les avances sur salaire, la réservation de voyages d'affaires, etc. ». Autant de fonctionnalités qui seront opérationnelles dans quelques mois. « Nous voulons être la boîte qui accompagne les RH, la super-app des employés, en unifiant les différents services de leur quotidien, ambitionne le fondateur. Aujourd'hui, "l'expérience employé" est fragmentée, avec une vingtaine d'outils - bulletins de paie, frais professionnels, congés, etc. - qui génèrent beaucoup de complexité d'usage. On ne va pas demander aux RH de changer leurs outils : c'est Swile qui se connecte aux outils existants, via des partenariats avec les entreprises qui proposent ces outils. »

Collecter le feed-back des collaborateurs

Enfin, en rachetant la start-up franco-belge Briq en novembre 2020, Loïc Soubeyrand ajoute une dernière corde à son offre : l'engagement des collaborateurs. « Par exemple, dans une entreprise, on peut être excellent en reconnaissance mais avoir un problème de cohésion d'équipe », illustre-t-il. Briq a conçu deux outils : un outil d'enquête et un tableau de bord intelligent. « L'outil d'enquête permet de collecter le feed-back des collaborateurs par des sondages afin de détecter les points d'amélioration à mettre en place, expliquait Charlène Thouard, cofondatrice de Briq. Les sondages sont 100 % anonymes mais l'outil permet de trier les résultats par équipes, par département au sein de l'entreprise, ou par localisation. Quant au tableau de bord intelligent, il permet de repérer les utilisations fortes et de détecter les signaux faibles dans les équipes à partir de la façon dont les collaborateurs vont interagir ou pas les uns avec les autres. » Swile a ainsi récupéré les clients que Briq avait su séduire, tels que le Crédit Agricole, Mazars, Spendesk ou AB Tasty.

Swile propose ainsi aujourd'hui trois offres : Swile Card, Swile Connect (collègues) et Swile marketplace (outils administratifs). « Tout l'enjeu est de rentrer par le titre-restaurant et de proposer les autres services », indique Loïc Soubeyrand. Chez Carrefour, seule l'offre titre-restaurant est activée, mais la porte reste ouverte. « Nous n'avons pas développé de services additionnels mais ça viendra peut-être avec le temps, indique Teddy Cachan. Plus de 90 % des salariés ont téléchargé l'application Swile pour suivre leurs dépenses en titres-restaurant, accéder aux réductions dans certains établissements. C'est donc un atout potentiel pour réfléchir à d'autres usages comme les outils administratifs. »

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Article issu de T La Revue n°9 "Travailler, est-ce bien raisonnable?" - Actuellement en kiosque et disponible sur kiosque.latribune.fr/t-la-revue

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