
Ce mercredi 10 mai à Paris, lors de l'assemblée générale des actionnaires du groupe Casino en grande difficulté financière, des salariés devraient se rassembler « pour exprimer leurs inquiétudes sur la pérennité des emplois et la revalorisation des salaires ». Parmi les 208.000 salariés que compte le groupe de distribution dans le monde, les 4.000 à 5.000 employés basés dans la Loire (42) le fief de Casino, mais aussi les acteurs économiques et les élus locaux redoutent que les grandes manœuvres capitalistiques qui se préparent ne fassent disparaître l'ancrage local du plus gros employeur privé de la Loire.
Surendettement
Surendetté, Casino discute d'un rapprochement avec Teract, entité majoritairement détenue par le géant de l'agroalimentaire InVivo et pilotée par un fin connaisseur de la distribution, Moez-Alexandre Zouari, auxquelles s'est joint un poids lourd du secteur, Intermarché. Il y a aussi l'offre de prise de contrôle du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky (deuxième actionnaire de Casino avec 10% du capital), soutenu pour l'occasion par un homme fort du capitalisme français, Marc Ladreit de Lacharrière (également actionnaire), proche de Jean-Charles Naouri, le PDG de Casino qui en détient le contrôle. Avec d'autres actionnaires qui ont souhaité garder l'anonymat, ils proposent lundi une augmentation de capital du distributeur de 1,1 milliard d'euros, une opération qui aurait pour conséquence la perte de contrôle de Casino par Jean-Charles Naouri.
Préoccupation : la préservation de l'emploi
Ces grandes manœuvres inquiètent à Saint-Etienne où Casino a été créé en 1898 par Geoffroy Guichard. C'est dans la préfecture de la Loire que le siège social est toujours basé. Environ 2.000 personnes y travaillent. Déjà, l'effectif du siège a été réduit, des services ayant été délocalisés en région parisienne et des actifs cédés. Autre mauvaise surprise : l'abandon en début d'année d'un projet visant à exploiter un nouvel entrepôt de plus de 60.000 mètres carrés construit dans le Forez (centre de la Loire) pour sa filiale Cdiscount.
Pas plus que les acteurs économiques ou les élus locaux interrogés par l'AFP, les représentants du personnel n'affichent de préférence entre les différents candidats proposant de venir à la rescousse de Casino. Qu'il s'agisse de Teract, contrôlé par groupe coopératif InVivo, du groupement Intermarché ou bien encore du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky.
Leur préoccupation : « la préservation de l'emploi », souligne Estelle Silbermann, rattachée à la direction des approvisionnements au siège social et secrétaire générale CFDT Commerce et Services de la Loire et la Haute-Loire.
Sur ce point, « on n'a aucune certitude malgré tous ces acteurs qui arrivent un peu de partout », ajoute-t-elle en soulignant « le sentiment d'appartenance des salariés » à l'enseigne.
« On a beaucoup de collègues dont le couple, voire toute la famille travaille pour Casino », ajoute Guillaume Touminet, salarié de Distribution Casino France, également délégué CFDT.
Pour sa part, le maire de Saint-Etienne Gaël Perdriau expliqué à l'AFP « souhaiter, dans tous les cas, que les éventuelles évolutions de capital se fassent au bénéfice de l'activité, du développement et du dynamisme de l'entreprise et de ses salariés ». Le maire a demandé à rencontrer Jean-Charles Naouri, le président du groupe.
« Casino c'est Saint-Etienne »
Or, Casino représente pour la région stéphanoise « un vivier important de cadres », dont certains créent ensuite leur propre entreprise, souligne Jean-Pierre Berger, le 1er adjoint de la ville, qui y a travaillé pendant 36 ans. Et « Casino c'est Saint-Etienne, donc si le nom de l'enseigne disparaissait (...), ce serait une vraie perte pour notre territoire », ajoute-t-il. Casino est par ailleurs étroitement associé à l'AS Saint-Etienne dont le stade porte le nom de Geoffroy Guichard. Le vert du tablier de ses vendeurs a donné à l'un des clubs les plus populaires du football français, la couleur de son maillot.
Entré « au Casino », comme on disait autrefois, « pour y décharger des camions », Jean-Pierre Berger a terminé sa carrière comme directeur des ressources humaines et insiste sur son rôle d'ascenseur social. Néanmoins, le paternalisme incarné par Antoine Guichard, le dernier dirigeant de la dynastie jusqu'en 2003, a depuis cédé la place à des relations beaucoup plus froides, voire tendues, entre la direction et les représentants des salariés.
Ainsi Guillaume Touminet et Estelle Silbermann confient-ils avoir été « convoqués à des entretiens préalables à un licenciement » après avoir alerté en 2019 les parlementaires ligériens et la presse sur les risques liés à l'endettement très élevé du groupe. Ces alertes sont intervenues quatre ans après celles du vendeur à découvert américain Muddy Waters Capital. Des accusations que contestait à l'époque Casino conteste, y compris devant les tribunaux. Pour le groupe, il s'agissait d' « informations trompeuses » destinées à nourrir des « attaques spéculatives », « en vue de faire chuter artificiellement » le cours de Bourse.
(Avec AFP)
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