Le Conseil d'Etat donne raison à la marie de Paris : les « dark stores » sont bien des entrepôts

C'est une victoire pour la mairie de Paris entrée depuis plusieurs mois dans une bataille judiciaire avec les « dark stores », ces locaux où des sociétés de livraison rapide stockent des produits du quotidien pour les livrer rapidement à leurs utilisateurs. Elle avait ainsi adressé des procès-verbaux d'infraction à deux sociétés, Frichti et Gorillas, qui avaient finalement obtenu gain de cause auprès du tribunal administratif. Mais, ce jeudi, le Conseil d'Etat a donné raison à la mairie de Paris.
Frichti et Gorillas ont fait l'objet de procès-verbaux d'infraction au code de l'urbanisme délivrés par la mairie de Paris.
Frichti et Gorillas ont fait l'objet de procès-verbaux d'infraction au code de l'urbanisme délivrés par la mairie de Paris. (Crédits : Reuters)

« Victoire ! », s'est empressé de réagir Emmanuel Grégoire, adjoint à l'urbanisme à la mairie de Paris. Et pour cause, c'est bel et bien un combat de taille que cette dernière peut se targuer d'avoir remportée contre les « dark stores ».

Ces locaux, où des sociétés de livraison rapide stockent des produits du quotidien, les mêmes que dans une supérette de centre-ville (nourriture, papier toilette, shampoing...), pour les livrer rapidement aux utilisateurs de leurs applications, sont dans le viseur de plusieurs villes de France dont Paris. Ils sont accusés de nuire au développement de l'artisanat et des commerces de proximité. Ils sont aussi soupçonnés d'engendrer une pollution atmosphérique et sonore, tout en interrogeant par leur modèle social discutable.

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ll existerait entre 60 et 100 structures à Paris et 1.000 sur la France entière, qui ont donc bien un statut différent, selon le Conseil d'Etat. Ce dernier a estimé que les « dark stores » étaient des entrepôts au sens du code de l'urbanisme et du plan local d'urbanisme parisien (PLU). Une terminologie lourde de sens.

Elle donne ainsi raison à la mairie de Paris dans son contentieux qui l'oppose à Frichti et Gorillas, deux sociétés de livraison qui utilisent des « dark stores ». Elles s'étaient vu reprocher le fait de ne pas avoir déclaré leur activité comme entrepôts au moment de leur installation dans des locaux abritant jusqu'alors des commerces traditionnels. En juin 2022, la mairie de Paris leur avait donc ordonné de restituer à leur activité d'origine plusieurs « dark stores ».

« Changement d'activité non autorisé »

Contestant ces accusations, Frichti et Gorillas (Frichti a depuis été racheté en mars 2022 par Gorillas, lui-même racheté par le turc Getir en décembre dernier) ont, dans un premier temps, gagné la bataille judiciaire en octobre 2022. Le tribunal administratif avait fait suspendre neuf procès-verbaux d'infraction au code de l'urbanisme délivrés par la mairie de Paris. Il reconnaissait aux deux sociétés un « intérêt collectif », car permettant « d'optimiser en milieu urbain le délai et le mode de livraison », et donc de « diminuer le trafic de camions et le nombre de points de livraison dans Paris intra-muros ».

Face à cette décision, la mairie de Paris s'est pourvue en cassation devant le Conseil d'État qui a donc rendu sa décision ce jeudi. Il a considéré qu'il y avait bien eu « un changement d'activité non autorisé ». Il a ainsi annulé la suspension du juge des référés.

« Ces locaux stockent des marchandises pour livrer rapidement des clients et ne sont plus destinés à la vente directe au sens du code de l'urbanisme », a-t-il estimé. Ils ne relèvent « pas de la catégorie "constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif" dans le PLU de Paris », a-t-il poursuivi.

« Dès maintenant, les sanctions financières qui ont été suspendues » par le tribunal administratif « vont être relancées. Ces entrepôts illégaux seront verbalisés », s'est ainsi félicité Emmanuel Grégoire.

Contacté par l'AFP, Getir, géant turc de la livraison à domicile qui a racheté Gorillas, n'a « pas souhaité commenter » cette décision.

Plusieurs villes en guerre contre les « dark stores »

La mairie de Paris n'est pas la seule à s'opposer aux « dark stores ». Le 10 février dernier, les villes de Barcelone, Marseille, Lyon et Paris, ont alerté sur les conséquences de l'installation de « dark stores » sur la qualité de vie des habitants. En cause notamment, les « nuisances générées par les ballets incessants de livreurs ». Dans une déclaration commune, les quatre villes ont invité d'autres métropoles européennes (Bordeaux, Cologne, Nice, Rome, Munich, Varsovie, France Urbaine, Euro Cities) à les rejoindre pour réclamer que soit « mis à l'agenda du Parlement européen » un meilleur encadrement vis-à-vis du développement de « services numériques qui ne reposent pas sur un modèle économique effectif ».

À l'échelle française, les élus espèrent, eux aussi, toujours un soutien de la part des autorités. Le 6 septembre, une réunion s'est tenue au ministère de la Transition écologique entre le ministre de la Ville et du Logement Olivier Klein, la ministre des PME, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme Olivia Grégoire et des élus. Le gouvernement avait alors déclaré qu'il devait « poursuivre » avec les associations d'élus la consultation sur la réglementation des « dark stores ».

Or depuis plus de six mois, rien. Les grandes villes françaises attendent la publication d'un arrêté ministériel censé mettre fin à ce « flou » juridique. Ce texte doit les définir comme des entrepôts, et non des commerces, « qu'il y ait ou pas un point de retrait », avait alors indiqué la ministre déléguée au Commerce Olivia Grégoire. Selon le cabinet de cette dernière, même si la décision du Conseil d'Etat n'est pas de nature à peser sur la rédaction de ce décret, « l'analyse du Conseil d'Etat rejoint pleinement », a-t-il été affirmé, ce jeudi.

L'association France urbaine, représentant les grandes villes, a, de son côté, salué la décision du Conseil d'Etat et appelé le gouvernement « à publier dans les meilleurs délais le décret au Journal Officiel permettant aux maires de réguler l'implantation des dark stores et dark kitchens ».

(Avec AFP)

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