En pleine vague de licenciements, les « dark stores » élisent des représentants du personnel

Les premières élections de CSE sont en cours ou vont bientôt l'être au sein des « dark stores », ces locaux fermés au public et spécialisés dans la préparation et la livraison de produits de consommation courante commandés sur internet. L'occasion pour les salariés de défendre l'ouverture de plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) alors ces entreprises ont procédé à de nombreux licenciements dernièrement. Une baisse des effectifs qui peut s'expliquer par la requalification de ces structures en entrepôts, jusqu'alors considérés comme des commerces, permettant aux villes de les fermer plus facilement.
Getir est l'un des « dark stores » présents à Paris mais qui ne bénéficie plus désormais de la qualification de commerce mais bien d'entrepôt.
Getir est l'un des « dark stores » présents à Paris mais qui ne bénéficie plus désormais de la qualification de commerce mais bien d'entrepôt. (Crédits : Reuters)

C'est un moment important pour les salariés des « dark stores », ces locaux fermés au public, spécialisés dans la préparation des livraisons en quelques minutes à domicile de produits de consommation courante commandés sur internet : ils vont, pour la première fois, pouvoir voter pour un comité social et économique (CSE) au sein de leur entreprise, et donc élire des représentants du personnel.

C'est d'autant plus important pour les employés de ses structures que leur nombre a considérablement réduit dernièrement. En effet, les gérants des « dark stores » n'ont pas hésité à tailler librement dans leurs effectifs profitant de l'absence d'opposition organisée. Selon un syndicaliste chez Flink, il ne reste plus que « 130-140 livreurs à Paris contre encore près de 400 au printemps », tandis qu'un autre indique qu'il y avait « plus de 900 salariés chez Gorillas au début de l'été et seulement 612 fin août ». Chez Getir France, où était brandie en 2021 l'embauche de 1.800 personnes, la jauge est retombée à « 1.200 salariés », indique l'entreprise turque, la seule des trois acteurs majeurs du secteur à répondre -partiellement- aux questions de l'AFP.

Mise en place de PSE

Des départs qui n'ont pas fait l'objet d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) normalement obligatoire en cas de licenciement pour motif économique d'au moins dix salariés (sur une période de trente jours consécutifs) dans une entreprise d'au moins 50 employés. Ce plan vise à éviter les licenciements ou à en limiter le nombre. « En l'absence de représentants du personnel, Getir, Flink et Gorillas ont jusque-là pu se dérober au PSE », abonde Matthieu Saintoul (FO). « On a vu une multiplication des ruptures de contrats pour différents motifs fallacieux », appuie Kevin Mention, avocat spécialiste de la défense des livreurs. « Plus d'un millier de personnes sont concernées », selon lui.

« Les "dark stores" ont pu se dire: "j'arrive au terme des 12 mois qui m'obligent à mettre en place un CSE, donc je me dépêche avant d'avoir à initier des élections professionnelles qui m'obligeront à décaler les licenciements et à mettre en place un PSE+" », analyse Angeline Duffour, avocate en droit du travail chez Cohen & Gresser. La mise en place d'un CSE n'est, en effet, obligatoire que si l'entreprise compte au moins 11 salariés pendant 12 mois consécutifs. « La mise en place du CSE peut durer en cumulé jusqu'à 12 mois, pendant lesquels l'entreprise paye les salaires, les charges sociales et ensuite les mesures prévues dans le cadre du PSE », détaille-t-elle, estimant qu'« entre licencier tout de suite et dans un an, le coût est potentiellement multiplié par un ratio compris entre cinq et sept ». L'enjeu pour l'employeur représente donc selon elle « des millions d'euros ». Toutefois, la mise en place d'un PSE n'est pas conditionnée par la présence d'un CSE, rappelle l'avocate. Les salariés peuvent également contester leur licenciement et le Conseil de Prud'hommes peut leur allouer des indemnités supérieures au barème Macron pour compenser l'absence de PSE.  Surtout, des licenciements réalisés alors que la désignation d'un CSE s'impose font courir « un risque de délit d'entrave, une infraction pénale dont l'Etat peut se saisir », prévient-elle encore.

De son côté, Getir assure que des employés ont quitté l'entreprise, « soit en démissionnant, soit en étant licenciés en cas d'incidents disciplinaires tels que des absences répétées, des vols ou des violations de nos normes de sécurité. Les départs dans ces conditions sont naturels », se disant désireux d'enclencher « un dialogue social apaisé ».

Les « dark stores » désormais considérés comme des entrepôts

Un autre facteur a pu augmenter le nombre de licenciements : Une guerre administrative a, en effet, éclaté entre les municipalités et les « dark stores », élus locaux et nationaux les accusant de générer des nuisances sonore et une pollution atmosphérique, de pénaliser le développement de l'artisanat et des commerces de proximité et de bousculer le Code du Travail avec leur modèle social. D'après l'élu parisien Emmanuel Grégoire, il n'y a plus qu'« entre 80 et 100 » « dark stores » dans la capitale, contre « 150 au pic ».

Et pour cause, le 6 septembre, les élus des collectivités locales et le gouvernement sont arrivés à s'entendre sur la définition des « dark stores ». Alors qu'ils peuvent aujourd'hui se déclarer en tant que « commerces » auprès des services des mairies concernées, ils seront désormais considérés comme des « entrepôts », pour lesquels les règles d'installation sont beaucoup plus strictes. Ainsi, une mairie hostile à ces structures pourra plus facilement les sanctionner puisqu'en devenant des entrepôts, et non plus des commerces, ces lieux pourront être contraints de fermer si le Plan local d'urbanisme (PLU) interdit ce type d'activité à leur adresse.

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Mais la baisse des effectifs n'est pas sans conséquences pour les salariés restants et dégrade un peu plus leurs conditions de travail. « Même au siège, il y a plein de départs », déplore un élu chez Gorillas, où la CFE-CGC et la CGT ont décroché début septembre dans un certain anonymat la majorité des sièges. Chez Getir, où l'élection s'achève mardi, la CFDT, FO et Sud ont réussi à prendre eux aussi le train en marche. Chez Flink, l'élection est attendue plus tard en octobre, alors même que Le Parisien révélait jeudi que la police et l'inspection du travail s'étaient rendues la veille dans les locaux de la société allemande. « Les employés redoutent que leur tour arrive bientôt chez Flink », raconte un autre salarié qui craint la cessation d'activité.

(Avec AFP)

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