Le clap de fin officiel a sonné cette nuit à minuit. Pendant que le gouvernement et les syndicats agricoles essayaient de trouver une sortie de crise face à la révolte des agriculteurs, les distributeurs et leurs fournisseurs tentaient de conclure leurs négociations annuelles sur les marques nationales, dont la date d'arrêt cette année est fixée par la loi au 31 janvier.
Dans un contexte extrêmement tendu en raison de la guerre des prix entre distributeurs, ravivée par l'inflation, tous n'y sont pas parvenus.
« Hier soir, sur l'ensemble des négociations concernées par la date limite du 31 janvier, le taux de signature de nos adhérents était de 40% en moyenne. Ce matin, on est peut-être arrivés à 50% », s'inquiète Richard Panquiault, président de l'Institut de liaisons des entreprises de consommation (Ilec), qui représente une centaine d'entreprises détenant deux tiers des marques vendues en grandes surfaces alimentaires.
Le taux de signature serait néanmoins un peu plus élevé, de 65%, en excluant les entreprises qui négocient avec des centrales d'achat européennes, précise le président de l'Ilec, qui reproche à ces dernières de se soustraire au droit français et donc à la date butoir. Et les situations sont très diverses : si avec certains distributeurs ce taux peut monter à plus de 70%, avec d'autres il n'est que de 15%, souligne-t-il.
Les négociations vont donc sans doute continuer quelques jours, bien qu'en retard par rapport à ce qu'impose la loi. Sauf cas extrême, aucune des parties n'a en effet intérêt à rompre la relation commerciale, estime Richard Panquiault.
Une « petite inflation »
A ce stade, tout bilan est donc prématuré. Mais sur le fondement du premier round des négociations, dont la date limite était fixée le 15 janvier, et des premiers retours de terrain de hier soir, l'Ilec prévoit une augmentation moyenne des tarifs d'achat des produits alimentaires par les distributeurs de 2 à 3%. Jacques Creyssel, directeur général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), avance le même chiffre: une « petite inflation » qui correspond à ce que distributeurs comme industriels avaient déjà prévu en début d'année.
Ce qui ne signifie pas que ce sera aussi l'augmentation des prix en rayon, qui sont fixés par les distributeurs en fonction de leurs stratégies commerciales.
« Mais cela ne sera pas très différent », affirme Jacques Creyssel, pour qui « les marges de manœuvre des distributeurs sont très limitées ».
Quelques produits « à base de blé, de volaille, d'huiles ou certaines variétés de café » devrait néanmoins connaître des baisses, a estimé Richard Panquiault.
Une anticipation de l'inflation pour certains produits
Un bilan exhaustif ne sera possible que dans un mois, selon le président de la FCD. Mais celui provisoire vient quand même relativiser l'impact de l'anticipation de la fin des négociations -normalement fixée au 1er mars - voulue cette année par le ministère de l'Economie dans l'espoir de répercuter plus vite en rayon la baisse des cours de certaines matières premières. Pour certaines catégories en forte hausse, comme le chocolat, le résultat pourrait même être opposé : une anticipation de l'inflation, souffle une source de la grande distribution.
Ces temps plus restreints ont en revanche sans doute contribué à augmenter la tension. Et l'insistance du ministère de l'Economie, pendant les derniers mois, sur la nécessité de préserver le pouvoir d'achat alimentaire des Français, « a été instrumentalisé par les distributeurs », dénoncé le président des Association des entreprises de produits alimentaires élaborés (l'Adepale), Jérôme Foucault.
Pour ses adhérents, dont 60% ont dû concéder des baisses et les restants ont obtenu des prix « insuffisants pour financer la transition énergétique et les investissements », « les négociations s'achèvent dans la douleur ». Nombre d'entre eux ont dû accepter des réductions de leurs plans d'affaires. Dans le dernier sondage interne effectué par l'association en début de semaine, 80% des répondants estiment que, contrairement à ce qui est prévu par la loi, la matière première agricole « n'a pas été entièrement sanctuarisée » dans les négociations commerciales cette année. Ils constatent un recul par rapport aux années précédentes.
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