Prix alimentaires : les tarifs des industriels pourraient augmenter de plus de 2%

Les industriels et les distributeurs semblent s'accorder autour de la perspective que les négociations commerciales en cours engendrent une « légère inflation », plutôt qu'une baisse des tarifs alimentaires des fournisseurs. Même si les distributeurs font pression pour obtenir des baisses, ces derniers continuent en effet de demander plutôt des hausses.
Giulietta Gamberini
Malgré l'offensive des distributeurs, leurs moyens de pression sont plutôt limités. La grande distribution dépend en effet fortement des marques nationales, qui sont les plus gros pourvoyeurs de promotions, fondamentales pour attirer les clients dans les magasins.
Malgré l'offensive des distributeurs, leurs moyens de pression sont plutôt limités. La grande distribution dépend en effet fortement des marques nationales, qui sont les plus gros pourvoyeurs de promotions, fondamentales pour attirer les clients dans les magasins. (Crédits : Reuters)

Les prix de certains produits alimentaires vont baisser en 2024 : alors que les tractations sur le remaniement battent leur plein, l'actuel ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, continue de le promettre. Il l'a encore assuré le 7 janvier lors d'une interview sur France 3. C'est d'ailleurs dans l'espoir de répercuter plus vite en rayons la dépréciation des cours mondiaux de certaines matières premières agricoles que Bercy a, cet automne, fait adopter en urgence par le Parlement un projet de loi avançant de quelques semaines en 2024 le dernier délai pour la clôture des négociations commerciales annuelles entre les distributeurs et leurs fournisseurs de marques nationales, normalement fixée au 1er mars. Cette année, elles doivent donc s'achever le 15 janvier pour les entreprises réalisant un chiffre d'affaires annuel inférieur à 350 millions d'euros, et le 31 janvier pour toutes les autres.

Mais quelques jours avant la première date butoir, les industriels et les distributeurs semblent plutôt s'accorder sur la perspective que ces négociations aboutissent globalement à une « légère inflation » des tarifs alimentaires des fournisseurs payés aux producteurs.

« Je suis plutôt convaincu qu'on va partir sur une inflation tendancielle de 2-2,5% », estime notamment Richard Panquiault, directeur général de l'Institut de liaisons et d'études des industries de consommation (Ilec), interrogé par La Tribune.

Le 10 janvier, Jean-Philippe André, président de l'Association nationale des industries alimentaires (Ania), avait évoqué sur Radio Classique une « très légère inflation, peut-être de 2-3% ». Un chiffre très similaire à celui formulé la veille par le délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), Jacques Creyssel, qui avait pour sa part évoqué sur BFM Business « quelque chose qui sera aux alentours de 0 à 3% ».

Des baisses mais aussi des hausses

Certes, entre 15% et 25% des produits verront leurs tarifs baisser, puisque les cours de certaines matières premières comme les céréales, les huiles végétales et la volaille ont effectivement reflué, détaille Richard Panquiault.

« Mais il y a quand même beaucoup plus de matières premières agricoles qui restent orientées à la hausse », observe-t-il.

Selon un sondage interne de la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (Feef), chez ses adhérentes, globalement, les cours des matières premières tant agricoles qu'industrielles ont en effet crû de 7,3% entre 2022 et 2023, alors que le prix de l'énergie a bondi de plus de 72%. A cela s'ajoutent des mouvements « structurellement inflationnistes » comme la hausse des salaires et les investissements dans la décarbonation, sans compter que les surcoûts de l'année dernière n'ont pas encore été intégralement répercutés par les industriels, ajoute Richard Panquiault. Les tarifs auxquels de nombreux aliments sont vendus par les industriels aux distributeurs pourraient donc continuer d'augmenter, même si moins fortement que l'année dernière.

Des demandes de baisses « lunaires  »

L'allure prise par les négociations jusqu'à présent semble le confirmer. Les distributeurs, soucieux de maintenir la demande des consommateurs dans leurs magasins, et de gagner des parts de marchés via des prix compétitifs, demandent aux industriels des baisses de leurs tarifs de l'ordre de 3 à 6%, selon un chiffre avancé par la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (Fnsea) le 10 janvier lors de ses voeux à la presse. Jérôme Foucault, président de l'Association des entreprises de produits alimentaires élaborés (Adepale), déplore même des « demandes lunaires de baisses des tarifs à deux chiffres, décorrélées des cours des matières premières agricoles ».

Mais les industriels, tout en se montrant moins exigeants que l'année dernière, proposent des tarifs plutôt en hausse. L'augmentation moyenne est de 5% chez les adhérents de l'Ilec -contre une croissance des tarifs de 14% en 2023. La Feef enregistre pour sa part une hausse moyenne des tarifs demandés de 3%.

Les lois Egalim: « une ligne rouge »

A cela s'ajoute la pression de la Fnsea pour que les lois Egalim, adoptées entre 2018 et 2022 afin de « sanctuariser » le prix payé aux producteurs agricoles, soient respectées.

« Ce qui compte pour nous, c'est qu'il n'y ait pas de pression déflationniste sur la matière première agricole. (...) C'est une ligne rouge sur laquelle on sera extrêmement vigilants », a mis en garde le 10 janvier le président de la Fnsea, Arnaud Rousseau.

Ces matières premières, protégées par les lois Egalim, « ne sont pas négociables », si on tient compte des coûts de production qui, dans les fermes, ont augmenté de 20% en 2 ans, a-t-il expliqué. Une pression qui prend même une tournure judiciaire, puisque la semaine dernière un viticulteur bordelais a assigné devant le tribunal de commerce deux gros négociants de la région qu'il accuse d'avoir violé la loi Egalim sur les prix agricoles en lui achetant du vin en vrac à un tarif « abusivement bas », relate l'AFP.

En octobre, lors du Sommet de l'élevage, Bruno Le Maire avait d'ailleurs promis de faire « respecter rigoureusement, scrupuleusement toutes les dispositions sans exception qui concourent à cet objectif de préservation des revenus agricoles », et avait lancé « deux missions immédiates »: une conduite par l'Inspection générale des finances (IGF) sur le « respect des marges des producteurs conformément aux lois Egalim », et une par l'Observatoire des prix et des marges afin de vérifier que « les marges des producteurs agricoles sont préservées dans ces négociations ». Les résultats de la première, selon la Fnsea, devraient être publiés « courant janvier ».

« Si on pouvait terminer les négociations commerciales avec des hausses des tarifs des industriels comprises entre 0% et quelque chose de plus, on s'assurerait que la matière première agricole n'est pas attaquée », estime Arnaud Rousseau.

Un marchandage encore en cours

Selon les premiers chiffres récoltés par la Feef, dont 53% des entreprises adhérents avaient signé avec leurs distributeurs le 8 janvier, les négociations se sont jusqu'à présent plutôt soldées par des tarifs inchangés, voire en baisse de 1%. Un « atterrissage peu satisfaisant », déplore le président de la fédération Léonard Prunier, qui met en garde:

« Leur rentabilité va diminuer  ».

Mais pour la plupart des entreprises, et notamment les plus grosses, le marchandage est encore en cours. Et malgré l'offensive des distributeurs, qui ces derniers jours ont dénoncé publiquement les tarifs demandés par certains fournisseurs, à l'image de Carrefour qui a retiré de ses rayons les chips et d'autres produits de PepsiCo, leurs moyens de pression sont plutôt limités. La grande distribution dépend en effet fortement des « marques nationales, qui sont les plus gros pourvoyeurs de promotions, fondamentales pour attirer les clients dans les magasins », rappelle Richard Panquiault.

D'une manière plus générale, l'intérêt réciproque, des distributeurs comme des industriels, réside plutôt dans le maintien des relations commerciales, souligne le président de l'Ilec. Ce qui conduira probablement à des concessions aux industriels qui, si elles ne sont pas entièrement absorbées par la grande distribution, devraient aussi se faire sentir en rayons.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 11
à écrit le 12/01/2024 à 13:36
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Bon sang! Michel-Edouard! Qu'est-ce que tu f...? Tu sais bien qu'on ne peut pas compter sur Bruno!

à écrit le 12/01/2024 à 8:53
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Entre chiens et loups quand tombe la nuit.

à écrit le 12/01/2024 à 8:50
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Achetez des produits bruts et cuisinez vous-même. Nous n'avons pas besoin des industriels pour nous nourrir d'autant qu'ils foutent plein de produits nocifs dans la bouffe (sels nitrités, colorants). Nous avons en revanche besoin des agriculteurs. Et...

à écrit le 11/01/2024 à 18:33
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Il me semble que le marché c'est la liberté et la concurrence (non faussée.) La négociation des prix est affaire entre le vendeur et l'acheteur. Si l'acheteur estime que le prix est trop élevé...il n'a pas un couteau sous la gorge pour acheter...et ...

le 11/01/2024 à 23:03
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Le distributeur et l’ industriel peuvent aussi s entendre sans le communiquer pour pigeonner le consommateur …ou faire une petite baisse pour la comm pendant 1 mois puis augmenter de 10% fragmenté en plusieurs mois ..l’ industriel changeant au passag...

le 11/01/2024 à 23:03
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Le distributeur et l’ industriel peuvent aussi s entendre sans le communiquer pour pigeonner le consommateur …ou faire une petite baisse pour la comm pendant 1 mois puis augmenter de 10% fragmenté en plusieurs mois ..l’ industriel changeant au passag...

à écrit le 11/01/2024 à 17:31
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2% de hausse qui viendront se rajouter aux 5 à 8% existants sur l'alimentaire? Eh mais "tout va bien Madame la Marquise, tout va bien", déjà que les prix de l'électricité (mais pas sur le marché) vont se prendre 10% dans la face. T'es où Villeroy de ...

le 11/01/2024 à 20:42
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Le bouclier tarifaire qui a empêché le prix du courant électrique de grimper au ciel, il va bien falloir le rembourser, petit à petit, rien n'est gratuit. Tiens, il faudrait mettre ça sur le CRDS, y a une caisse qui sert de réservoir aux dettes, cell...

le 11/01/2024 à 21:47
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@Photo73. Le bouclier tarifaire pour les dindons de la farce. Pourquoi les prix de l'électricité ont essentiellement grimpé au ciel en FRANCE et pas ailleurs dans les mêmes proportions? Imaginez un autre exemple avec un responsable d'une salle de tra...

à écrit le 11/01/2024 à 16:48
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Notre Grand Argentier est plutôt associé à la hausse: celles de la dette, des taux d'intérêt, de l'inflation; il aura de la peine à nous faire croire qu'il sait faire baisser quoi que ce soit. Un (mauvais) roman de plus!

le 11/01/2024 à 17:34
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@henry 👍CQFD, parfaitement résumé👏

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