À contre-courant, Le Havre déroule le tapis rouge aux bateaux de croisière

Alors qu’un vent mauvais souffle dans les villes du Sud sur les paquebots de croisière, le port du Havre annonce un investissement 100 millions d’euros dans la construction de trois nouveaux terminaux pour l’accueil des croisiéristes. Pour faire taire les polémiques, l’ancien port d’attache du paquebot France promet des « escales zéro fumée ».
Vue d'artiste du futur pôle croisière dont la mise en service est prévue en 2025.
Vue d'artiste du futur "pôle croisière" dont la mise en service est prévue en 2025. (Crédits : Le Havre Seine Métropole, Haropa)

Il souffle des vents contraires dans les deux principaux ports français. Tandis qu'à Marseille, le maire Benoît Payan est entré en croisade contre les paquebots de croisière accusés de faire « suffoquer » la cité phocéenne, son alter ego havrais Édouard Philippe veut au contraire réanimer l'époque bénie du paquebot France et de la French Line, au nom de ce qu'il appelle « un affect maritime ». L'ancien Premier ministre a dévoilé ce lundi un programme d'aménagement à 100 millions d'euros destiné, a-t-il expliqué, « à renouer avec la tradition de la croisière qui s'inscrit dans l'histoire du Havre ».

Son projet ? Édifier trois terminaux de croisière ultra-modernes sur la pointe de Floride, à l'entrée de l'estuaire de la Seine, au prix d'un montage original. Co-financées par la Région, les installations seront, en effet construites et exploités sous l'égide d'un groupement d'intérêt public. Dénommé GIP Le Havre Croisières, il aura pour mission de promouvoir la destination auprès des compagnies, d'assurer la gestion des escales, l'accueil des passagers et les relations avec les différents prestataires, en lieu et place de l'office de tourisme.

Pilotée conjointement par la communauté urbaine et l'établissement portuaire Haropa, la nouvelle entité a vu grand. Livrables entre le printemps et l'automne 2025, les futurs terminaux s'étendront sur 15.000 mètres carrés et pourront accueillir quotidiennement trois navires. Soit environ 600.000 passagers par an à pleine capacité. L'endroit se veut un modèle d'hospitalité. Il abritera  des salons de réception, un amphithéâtre, un pont paysagé, des lieux de promenade... Le tout assurant une vue imprenable sur les immeubles de l'architecture Perret, inscrits au patrimoine mondial de l'Unesco.

Offrir un nouvel horizon aux compagnies

Objectif : positionner Le Havre comme « une destination touristique majeure pour les compagnies maritimes ». Le port a quelques raisons de croire dans sa bonne étoile... et dans les projections optimistes de l'interprofession de la croisière qui prédit une croissance de 30% à horizon 2030. Deuxième port français derrière Marseille pour l'accueil de croisiéristes, il a profité de la massification fulgurante du secteur. Ses quais ont ainsi vu passer 355.000 passagers et 140 escales en 2019 avant la pandémie : cinq fois plus qu'il y a vingt ans. « Un chiffre qui est en passe d'être égalé cette année », assure Florian Weyer, directeur général délégué du port.

Un autre signal encourageant est venu de MSC Croisières. L'armateur italo-suisse, qui avait choisi Le Havre en 2021 comme point de départ de sa nouvelle offre vers les capitales d'Europe du Nord, vient d'y affecter l'un des fleurons de sa flotte et d'annoncer un accroissement du nombre d'escales (de 22 à 28). Un gage de confiance en or massif pour la place havraise qui convoite le statut de « tête de ligne » - par opposition à celui de port de transit. Devenir le premier port d'embarquement des compagnies garantit en effet des retombées supplémentaires pour le commerce local.

« Les passagers passent souvent une voire deux nuits d'hôtel dans un port "tête de ligne" en attendant de monter à bord ou en descendant. C'est ce qui a fait la richesse de Southampton de l'autre côté de la Manche », explique un bon connaisseur du secteur.

Quais électrifiés et filtrage des fumées

Reste à voir si le projet havrais, financé en partie par emprunt, tiendra ses promesses alors qu'un vent de fronde souffle sur ce mode de tourisme de masse. En réponse, ses responsables promettent de construire « le port durable de demain ». Dans le détail, les terminaux « à énergie positive » seront équipés de panneaux solaires, les bateaux auront l'obligation de filtrer leurs fumées et les quais seront entièrement électrifiés interdisant aux navires de laisser tourner leurs machines lors des escales. « On s'engage dans un programme d'escales zéro fumée et ce ne sera pas une option qui sera proposée aux compagnies », jure Édouard Philippe. En clair, la porte sera fermée aux paquebots les plus polluants.

Pas sûr que l'argument suffise à convaincre les militants d'Extinction Rebellion qui manifestaient lundi devant le siège de la communauté urbaine sous une banderole barrée du slogan « La croisière abuse » et dénonçant des « privilèges écocidaires pour les géants des mers ».

Le Havre croisieres

[Vue d'artiste du futur "pôle croisière" dont la mise en service est prévue en 2025. Crédit : Le Havre Seine Métropole. Cliquez sur l'image pour l'agrandir plein écran]

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Commentaires 3
à écrit le 21/09/2022 à 11:20
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Bravo, ou plutôt enfin, Le Havre devient intelligent et fait preuve de réalisme économique, social et politique. Des ACTES et pas de discours inutiles ni du négationnisme à la Française : au moins on en fait au mieux on se porte.

à écrit le 21/09/2022 à 9:23
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A 15 km au nord du Havre, il y a le port pétrolier d'Antifer, qui ne sert pratiquement à rien. Pourquoi ne pas en faire un terminal pour le tourisme de masse ?

à écrit le 21/09/2022 à 4:17
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Le Havre, cite riante ideale pour accueillir les troupeaux de bestiaux en barges geantes. Bienvenue a tous, prevoyez les parapluies, c'est comme a Cherbourg.

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