Tourisme : « Les croisières sont armées pour rebondir et répondre aux défis environnementaux » (Sébastien Manceau, Roland Berger)

Qui seront les gagnants et les perdants de la crise parmi les acteurs du monde du tourisme ? Une vague de consolidations est-elle à venir ? Les croisières connaîtront-elles un rebond post-covid ? Le tourisme d’affaires repartira-t-il ? Dans un entretien accordé à La Tribune, Sébastien Manceau, associé expert du tourisme au sein du cabinet de conseil en stratégie Roland Berger, dresse un état des lieux de la situation du secteur touristique et apporte son analyse quant aux perspectives d'avenir.
Sébastien Manceau, associé expert du tourisme chez Roland Berger.
Sébastien Manceau, associé expert du tourisme chez Roland Berger. (Crédits : Roland Berger)

LA TRIBUNE - Après dix-huit mois de crise sanitaire, des consolidations de certains tour-opérateurs et agences de voyages sont-elles à prévoir ?

SÉBASTIEN MANCEAU - Je pense que le phénomène de consolidation, qui était déjà à l'œuvre avant la crise, devrait se poursuivre pour les années à venir. Certains groupes sont particulièrement désireux de consolider le secteur. Par exemple, le groupe Marietton, leader du secteur, est un acteur bien placé pour consolider. En outre, il me semble que la distinction entre tour-opérateurs et agences de voyages n'a plus beaucoup de sens. Il n'y a plus deux métiers différents, mais bien un seul : le métier du voyage. On observe ainsi une convergence de ces deux mondes, avec la création de plus en plus de structures hybrides, proposant des services à la fois de producteur et de distributeur de voyages.

Selon vous, quels acteurs sortiront « gagnants » de cette crise sanitaire ?

Avant la crise, le critère d'internationalisation était central : plus vous étiez internationalisé, plus vous étiez gagnant. Or les acteurs ayant un prisme domestique très marqué sont ceux qui s'en sont le mieux sortis lors de cette crise: le volet domestique sera donc un des facteurs de succès pour le futur. En termes de format d'hébergement, les campings sont les grands gagnants. Leur offre de mobile-homes a séduit une nouvelle clientèle, peu adepte des campings auparavant. Enfin, si l'on s'intéresse aux secteurs gagnants, le tourisme expérientiel ressort renforcé de cette crise. Le tourisme est souvent associé à l'hébergement ou au transport, mais ce qui fait la richesse d'un séjour, ce sont aussi les activités pratiquées. Aujourd'hui, le secteur des activités est très fragmenté, avec un marché occupé par plus de 150.000 ETI. Ce secteur est très peu digitalisé : 5% seulement des réservations pour les activités se font en ligne, contre 70% pour les transports et 50% pour l'hébergement. Le vrai enjeu consiste à numériser ce secteur.

Les croisières peuvent elles rebondir fortement sachant qu'au début de la crise sanitaire, elles ont été perçues comme des véhicules à la propagation du virus ?

Je suis confiant sur leur capacité de rebond. Je le suis d'autant plus en voyant que leur activité redémarre. Le produit est bon, la proposition de valeur est bonne pour les clients. De plus en plus de croisiéristes ont su développer des navires expérientiels, et ainsi améliorer l'animation et le confort des passagers, tout en proposant un très bon rapport qualité-prix. Les croisiéristes ont maintenu leurs offres. S'ils sont accompagnés par des réseaux de distribution, car c'est un service intermédié, ils vont repartir: les mouvements vont se poursuivre et les clients vont revenir !

Les croisières ont également été pointées du doigt pour leur impact néfaste sur l'environnement et leur incompatibilité avec un tourisme durable. Cela va-t-il affecter la propension des voyageurs à choisir les croisières ?

Je pense que la crise sanitaire a effectivement renforcé l'importance de la question de la durabilité du tourisme. Les croisières ont, il est vrai, une image négative sur cet aspect, mais fort heureusement les croisiéristes en sont bien conscients et sont armés pour répondre à ce défi sur deux volets. Sur le volet « hard », les derniers navires sortis, à l'image du MSC Virtuosa, sont dotés de modèles de propulsion au gaz naturel et travaillent sur le recyclage des déchets et l'optimisation de l'utilisation de l'eau. Sur le volet « soft », les croisiéristes mènent des études, organisent des conférences et concluent des partenariats. C'est par exemple le cas de la Compagnie du Ponant, qui s'est associée à National Geographic, toutes deux étant engagées en faveur de la préservation de l'environnement et de la protection des espèces menacées. À mon sens, les démarches des opérateurs de croisières ne s'apparentent pas à du greenwashing, elles sont sincères.

Pensez-vous que le tourisme d'affaires va, comme les croisières, pouvoir repartir sur le long terme ou pressentez-vous un changement de comportements structurel ?

Autant je suis très confiant sur le rebond rapide du tourisme de loisirs, autant je le suis moins concernant les voyages d'affaires, même s'il me semble important de rappeler qu'une grande part du tourisme d'affaires est domestique (salons, réunions de commerciaux...) et devrait revenir assez vite. Néanmoins, alors que pour le tourisme de loisirs, la question qu'on se pose est « l'activité repartira-t-elle en 2022 ? », pour le tourisme d'affaires, elle est davantage « est-ce que cela repartira ? ». Il y a deux raisons à cela. D'une part, nos outils progressent, on est capables de mener des projets sans voir en physique nos interlocuteurs et cela va s'inscrire dans la durée. D'autre part, le distanciel a un coût moindre et les entreprises opteront donc moins pour les longs voyages d'affaires si une alternative existe et leur permet de réinvestir ces sommes dans d'autres dépenses.

Quid des agences de voyage dont l'offre est axée sur les voyages professionnels ?

Concernant les agences de voyages axées business, leur offre va évoluer en faveur du tourisme de loisirs. Il faut qu'elles gardent leur rôle de conseil, car la clientèle exprime plus que jamais un besoin d'être accompagnée.

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Commentaires 2
à écrit le 12/07/2021 à 15:37
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Je crains pour cet "expert" qu'il ne fasse fausse route. Le tourisme cette annee restera en mode "off".

à écrit le 12/07/2021 à 8:18
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Les "consolidation" correspondent parfaitement au "great reset" de Davos, vous savez le truc dont il ne faut pas parler alors qu'ils l'ont clairement annoncé ? "Complotisme !" Ben non c'est eux qui l'ont dit !

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