Le terminal 4 de l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle est mort, vive le terminal "X", que l'on pourrait très bien baptiser "H", pour "hydrogène", puisqu'un nouveau terminal capable d'accueillir des avions décarbonés prévus par Airbus à l'horizon 2035-2040 est bien dans les cartons, selon nos informations.
Annoncé ce jeudi par la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, dans un entretien au journal Le Monde, l'abandon du projet de créer un terminal 4 ne signifie pas pour autant l'instauration d'un plafonnement des capacités actuelles de l'aéroport, qui aurait des conséquences très lourdes sur l'attractivité de la région Île-de-France et de la France, et serait paradoxale au moment où l'Etat finance la filière aéronautique française pour concevoir un avion à hydrogène à l'horizon 2025.
Préparation d'un nouveau projet
Barbara Pompili s'est en effet bornée à dire que le gouvernement avait demandé à ADP, dont l'Etat est actionnaire majoritaire à 50,5%, "d'abandonner son projet et de lui en présenter un nouveau, plus cohérent avec ses objectifs de lutte contre le changement climatique et de protection de l'environnement". Une décision précisée par un communiqué d'ADP : "le gouvernement demande à ADP de préparer un nouveau projet d'aménagement pour l'aéroport de Charles de Gaulle". Il s'agira d'un "projet d'évolution de la plateforme", précise son PDG, Augustin de Romanet, cité dans le texte. Bref, ADP doit donc repenser son projet.
Selon le Monde, "ce nouveau chantier devra comporter trois dimensions : l'amélioration des infrastructures pour augmenter l'intermodalité avec le train, l'essor de la géothermie et l'adaptation à des avions à hydrogène ou électriques".
La confusion entretenue sur l'arrêt de toute extension de Roissy provient de deux phrases du Monde, non attribuées à Barbara Pompili. Notre confère écrit en effet que ce nouveau projet "ne sera pas centré sur l'accroissement des capacités de Roissy", puis ajoute néanmoins que "le gouvernement ne ferme pas complètement la porte à une augmentation de la capacité de Roissy à moyen terme, si le projet ne dépasse pas l'emprise de l'aéroport, et s'il n'entraîne pas de hausse des émissions de gaz à effet de serre".
Or, la question de l'emprise n'est pas un problème. ADP a de la place à Roissy et le terminal 4 était déjà prévu dans l'enceinte de l'aéroport. Et pour le reste, l'objectif de la filière aéronautique et de l'ensemble du secteur de l'aviation est bien de ne pas augmenter les émissions de CO2, et même de les diminuer jusqu'à les éliminer avec le développement des carburants alternatifs et l'arrivée des avions électriques et hybrides vers 2030, et des avions à hydrogène vers 2035.
Avoir des infrastructures adaptées aux avions à hydrogène
Avec leur silhouette différente de celle des avions actuels, ces avions à hydrogène ne seront pas sans conséquence sur les infrastructures aéroportuaires. Il faudra donc, à partir de 2040, disposer d'installations capables de les accueillir.
"A partir de 2040, il y aura un terminal pour accueillir les avions à hydrogène", assure à La Tribune un connaisseur de ce dossier.
Contacté, le ministère des transports n'a pas répondu à nos sollicitations. ADP n'a pas souhaité faire de commentaire.
Un tel calendrier peut poser la question de la saturation de Roissy, si d'aventure la reprise du trafic était plus rapide et plus soutenue que prévu. ADP a plusieurs fois indiqué tabler sur un retour au niveau d'avant-crise entre 2024 et 2027. Avec 76 millions de passagers accueillis en 2019, Roissy n'était pas très loin de sa capacité maximale de 80 millions de passagers par an. Liée à un certain niveau de confort des passagers, cette capacité théorique peut être dépassée. C'est pour cela que le terminal 4 -qui devait absorber 40 millions de passagers supplémentaires- pouvait attendre tant bien que mal 2028. Selon un expert, ce volume de 120 millions de passagers à Roissy pourrait être atteint vers 2040.
Verdissement de l'aéroport
D'ici là, des opérations de verdissement seront lancées à Roissy, comme la géothermie pour chauffer les installations, ou l'acheminement de carburant alternatif à Roissy. S'ajoutent aussi toutes les réflexions à mener sur les aménagements de production et de stockage de l'hydrogène sur l'aéroport.
D'ailleurs, dans la foulée de l'annonce de Barbara Pompili, ADP, Airbus, la Région Île-de-France, Choose Paris Region et Air France-KLM, ont lancé un appel à manifestation d'intérêt (AMI) inédit pour "explorer les opportunités offertes par l'hydrogène sur les aéroports franciliens". Objectif : bâtir "un écosystème aéroportuaire puissant et fédérer, autour de l'hydrogène, des grands groupes, des ETI/PME, des start-ups, ainsi que le monde académique et celui de la recherche", pour transformer les aéroports parisiens en véritables "hubs hydrogène".
Un tel schéma ne conviendra pas aux ONG écologistes. "Les associations prennent acte de cette déclaration, mais s'inquiètent de l'effet d'annonce et s'interrogent sur la teneur du "nouveau projet", ainsi que sur les garanties juridiques apportées pour qu'il n'y ait pas d'augmentation des capacités d'accueil de Roissy, alors que le gouvernement se déclare ouvert à cette possibilité", ont réagi dans un communiqué le collectif Non au Terminal 4, Greenpeace France, Notre affaire à tous, Alternatiba Paris ou encore le Réseau Action Climat. "La question de l'extension des capacités de l'aéroport de Roissy reste posée".
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