Aigle Azur : Lionel Guérin planche sur un projet de reprise

Selon nos informations, deux personnalités du transport aérien français, Lionel Guérin, ancien directeur général délégué d'Air France et Philippe Micouleau, ancien Pdg de HOP, travaillent sur un projet de reprise d'Aigle Azur qu'ils présenteront ce lundi au CIRI, le Comité interministériel de restructuration industrielle. Lundi également, un CSE (un comité social économique) est prévu en présence de l'administratrice provisoire, Maître Bourbouloux.
Fabrice Gliszczynski
(Crédits : Reuters)

Article mis à jour dimanche 1er septembre à 5h30

Le feuilleton de la compagnie aérienne française en difficulté Aigle Azur n'est pas prêt de s'arrêter. Bien au contraire. Ce vendredi 30 août, deux jours après l'évacuation de Gérard Houa du siège d'Aigle Azur qu'il avait investi lundi 26 août en s'autoproclamant président de la compagnie à la place de Frantz Yvelin, la tension est toujours très forte.

Une entreprise... mais deux Kbis

La désignation, mardi 27 août, par le tribunal de commerce d'Évry d'un administrateur provisoire pour diriger la compagnie est contestée par Gérard Houa, actionnaire minoritaire d'Aigle Azur avec 19% du capital, au motif, explique-t-on dans son entourage, que le tribunal de commerce d'Évry ne serait pas compétent pour se prononcer sur une entreprise enregistrée au tribunal de commerce de Créteil.

Mardi 27 août, au lendemain donc de son coup de force et avant la publication de l'ordonnance du tribunal de commerce d'Évry qui avait été saisi la veille par Frantz Yvelin, Gérard Houa a en effet obtenu l'enregistrement d'un nouveau Kbis au tribunal de commerce de Créteil, spécifiant qu'il occupait les fonctions de président d'Aigle Azur, et Philippe Bohn, celles de directeur général.

Un extrait d'un comité exécutif censé s'être tenu le 20 août dernier a été fourni. Chez Aigle Azur, ce "comex" réunit 5 membres représentant les trois actionnaires (le groupe chinois HNA qui détient 49% du capital, l'homme d'affaires américano-brésilien David Neeleman qui, lui, possède 32% du capital, et Gérard Houa, président de Lu Azur SA, détenteur de 19% des actions). Le document fourni au greffe du tribunal précise la révocation de Frantz Yvelin et la nomination de Gérard Houa et de Philippe Bohn. Ce document interpelle vu l'opposition virulente de David Neeleman le 26 août à la prise de pouvoir de Gérard Houa - que le groupe HNA partagerait, selon l'homme d'affaires américano-brésilien.

Dans l'entourage de Frantz Yvelin, on explique qu'il n'y a eu aucun comex le 20 août et que le dernier remonte au 1er août. Une plainte a été déposée pour "faux et usage de faux", assure-t-on.

Contacté, Gérard Houa n'a pas répondu à nos sollicitations.

Ce dimanche, dans un entretien au JDD, ce dernier affirme être soutenu dans ses démarches par les deux autres actionnaires.

Certains de ses proches évoquent des courriels envoyés par David Neeleman et le groupe chinois HNA il y a quelques temps assurant qu'ils soutiendraient l'éviction du PDG actuel Frantz Yvelin si Gérard Houa apportait les 15 millions d'euros dont aurait besoin la compagnie à court terme. Dans un e-email envoyé il y a quatre mois (début mai) que La Tribune a pu consulter, David Neeleman écrit cela et propose à Gérard Houa de lui reprendre ses parts.

Gérard Houa n'a pas renoncé à prendre le pouvoir

En tout cas, Gérard Houa n'a pas renoncé à prendre le pouvoir chez Aigle Azur. Il veut convaincre les autorités de la pertinence de son plan. Ce jeudi soir, il a rencontré les responsables du CIRI, le Comité interministériel de restructuration industrielle sous lequel Aigle Azur est placée depuis des mois, pour expliquer à la fois son projet industriel et la provenance des 15 millions d'euros qu'il a promis d'injecter.

Refusant le projet de Frantz Yvelin de céder les vols vers le Portugal à Vueling, prélude selon lui à une vente à la découpe d'Aigle Azur, il prône au contraire un projet de continuation de l'activité, centré sur le cœur de métier de la compagnie (le Maghreb et l'Algérie notamment) et l'arrêt de la stratégie d'ouvertures de lignes tous azimuts comme cela s'est produit depuis l'arrivée à la tête de la compagnie, fin 2017, de Frantz Yvelin. Ce dernier les a justifiées par la nécessité de trouver de l'activité pour utiliser les avions et les navigants afin de répartir les coûts fixes sur un plus grand nombre d'heures de vol. Cette stratégie n'a pas fonctionné : Aigle Azur a perdu 50 millions d'euros en deux ans, selon Gérard Houa. Pour s'en sortir, Frantz Yvelin a négocié la vente des vols vers le Portugal à Vueling pour une vingtaine de millions d'euros.

Reste qu'un recentrage sur le Maghreb est risqué. Ne pas toucher aux effectifs suppose un redéploiement des avions et du personnel navigant des lignes arrêtées vers le Maghreb. C'est loin d'être évident en raison du potentiel de marché et du niveau de concurrence, plus élevé qu'il y a quelques années. Pour convaincre, Gérard Houa peut afficher le soutien d'un certain nombre de syndicats.

Une troisième voie

Face à Frantz Yvelin et à Gérard Houa, une troisième voie émerge. Selon nos informations, Lionel Guérin et Philippe Micouleau, deux personnalités du transport aérien français, travaillent sur un projet de reprise d'Aigle Azur. Le premier a été jusqu'à la fin 2016 directeur général délégué d'Air France, mais aussi ancien Pdg de Transavia, d'Airlinair, ou encore de la Fédération nationale de l'aviation marchande (Fnam). Le second a été Pdg de HOP jusqu'en septembre 2017. Les deux avaient l'an dernier tenté de regrouper l'ensemble des petites compagnies françaises (Air Caraïbes, Corsair, XL...)

Après plusieurs échanges avec les autorités, leur projet sera présenté lundi au CIRI, qui souhaiterait qu'ils se lancent dans un processus de reprise. Lionel Guérin et Philippe Micouleau ont pris contact avec des fonds spécialisés dans le retournement d'entreprises, bien connus du CIRI.

Des contacts avec le SNPL ont eu lieu également. Les pilotes seraient prêts à faire des efforts en contrepartie d'une part dans l'actionnariat. Eux aussi entendent mettre l'accent sur l'Algérie et ont des pistes pour développer le moyen-courrier "loisirs".

Dans un tract, le syndicat national des pilotes de ligne a évoqué les différentes options et a marqué sa préférence pour un duo "Houa-Guérin". Si les deux hommes se sont rencontrés il y a quelques mois par l'intermédiaire d'une personnalité du secteur du tourisme, Lionel Guérin et Philippe Micouleau, sont partis pour jouer leur carte sans Gérard Houa.

La question de la trésorerie réelle

Pour autant, il y a du chemin avant le dépôt d'une offre ferme. Les chevaliers blancs veulent tout d'abord avoir les données financières de la compagnie et connaître le vrai niveau de trésorerie de l'entreprise afin de valider leur scénario.

Frantz Yvelin avait assuré, début août, qu'il restait 25 millions d'euros dans les caisses. Le temps de boucler un plan de financement avec des fonds, une offre de reprise ferme ne pourrait intervenir avant deux ou trois mois. Aigle Azur pourra-t-elle tenir?

Plusieurs observateurs pronostiquent une mise en redressement judiciaire de l'entreprise, assortie d'une période d'observation permettant le maintien de l'activité et la formalisation des offres de reprise.

Lundi le 2 septembre, un CSE (un comité social économique) extraordinaire est prévu en présence de l'administratrice provisoire, Maître Bourbouloux. Aigle Azur compte près de 1.200 salariés.

Fabrice Gliszczynski

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