Au Havre, l’investissement de MSC va finalement tutoyer le milliard d'euros

Dix mois après avoir annoncé un investissement majeur au Havre, l'armateur italo-suisse réaffirme son intention de faire du port normand « la première porte d’entrée du marché européen ». Sa filiale gestionnaire de terminaux ajoute plus de 200 millions d'euros à la (grosse) enveloppe déjà promise en juillet dernier, et s’engage à casser les prix de la manutention.
TIL Group va porter son effort à plus de 900 millions d'euros pour hisser ses terminaux havrais aux meilleurs standards mondiaux.
TIL Group va porter son effort à plus de 900 millions d'euros pour hisser ses terminaux havrais aux meilleurs standards mondiaux. (Crédits : Haropa Port)

Les grèves répétées des dockers contre la réforme des retraites n'ont manifestement pas entamé la détermination du numéro un du transport mondial. Dix mois après avoir promis un investissement majeur au port du Havre, MSC semble plus décidé que jamais à élever le niveau de jeu de la place normande, en réponse à la congestion des ports d'Anvers et de Rotterdam.

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En visite sur place lundi 22 mai, les dirigeants de TIL (Terminal Investment Limited), la filiale de manutention portuaire du groupe MSC, ont fait savoir à un Edouard Philippe ravi qu'ils avaient revu leurs ambitions, non pas à la baisse, mais à la hausse. Ce ne sont plus 700 millions d'euros qui vont être injectés, mais « plus de 900 millions » d'euros. Objectif affiché, multiplier par trois la capacité de ses terminaux dans le port en eaux profondes du Havre d'ici à 2028.

TIL dépense massivement et écrase les prix

Responsable, l'augmentation du coût des matières premières, mais pas seulement. Entre juillet et aujourd'hui, le groupe a décidé d'upgrader le niveau des équipements, dont il dotera son linéaire de quais. Témoin, cette première commande de 9 « méga » portiques (sur les 24 promis à terme) passée auprès d'un constructeur chinois, à raison de 16 millions d'euros l'unité.

« Ce seront les plus grands du monde », précise François Guerin, patron des terminaux. « Pouvoir faire état de cette commande, c'est montrer que le projet avance », s'est félicité pour sa part l'ancien Premier ministre, saluant « un acte de confiance ». Livrables dans deux ans, les machines vouées au chargement et au déchargement des conteneurs culmineront à près de 70 mètres au point le plus haut. Le but ? Gagner en productivité tout en s'affranchissant des contraintes de marées qui font varier le niveau de la mer de plus ou moins 8 mètres à l'intérieur de la digue de Port 2000.

La rapidité d'exécution, pierre angulaire de l'accord de performance signé l'an dernier avec les dockers, n'est pas le seul levier que TIL entend actionner pour s'assurer les bonnes grâces des chargeurs. Ses dirigeants ont indiqué lundi qu'ils allaient « aligner » leurs tarifs sur ceux en vigueur à Anvers et Rotterdam. Cela moyennant une baisse « de plusieurs dizaines de pourcents » au regard des prix actuellement pratiqués au Havre, réputés plus chers que ceux de la concurrence. Le jeu en vaut la chandelle pour David El Bez, directeur général Afrique et France.

« Notre challenge, c'est de faire s'arrêter les plus gros navires au Havre avant Anvers. La clef réside dans l'équation tarifs, productivité et niveau des équipements que l'on va mettre en place », résume-t-il.

La bataille se jouera aussi à terre

D'ici là, une autre équation devra trouver sa réponse. Comment évacuer les 4,5 millions de conteneurs espérés par TIL en rythme de croisière ? En clair, comment leur permettre de rejoindre leur point d'arrivée sans jeter des centaines de camions supplémentaires sur les routes ? Si le report modal vers le fluvial est appelé à progresser, le bât blesse sur le rail. En cause, non pas le manque de voies ferrées, mais surtout l'absence de plateformes logistiques modernes capables de traiter rapidement les trains de fret en provenance (ou en direction) des quais du Havre, pointe François Guerin.

« Le sujet, c'est le chargement et le déchargement dans les principales villes de France pour pouvoir assurer des services réguliers. On compte, par exemple, plus de trains entre Strasbourg et Anvers qu'entre Strasbourg et Le Havre », déplore-t-il.

L'affaire, qui suppose la mobilisation de toutes collectivités concernées, n'est pas gagnée d'avance, d'autant que le foncier se raréfie. Aussi David El Bez plaide pour une intervention plus vigoureuse du pouvoir central.

« SNCF Réseau est à notre écoute, mais on demande à l'Etat d'être à la hauteur du défi sur les schémas de transports nationaux. Dans cinq ans, il sera trop tard », martèle-t-il.

Autre piste proposée par l'intéressé, le déploiement d'un service de cabotage maritime mutualisé entre les ports de la façade atlantique et l'estuaire de la Seine. Là encore, l'Etat est appelé à la rescousse : « Les pouvoirs publics doivent accompagner l'armateur qui se lancera. Ce sera plus écologique que l'accumulation de conteneurs sur la route et un ressort de croissance pour Bordeaux et Nantes ».

Clément Beaune, le ministre des transports, doit s'entretenir dans quelques jours avec l'état-major de TIL. L'armement italo-suisse espère quelques contreparties pour prix de son soutien à l'écosystème portuaire.

Avec les dockers, un pacte de non-agression

Non contente d'avoir signé un accord de performance avec les dockers havrais contre la promesse de 900 embauches, dont 130 sont déjà réalisées, la direction TIL multiplie les gestes de bonne volonté à l'endroit d'une profession qu'elle sait chatouilleuse. « Le dialogue social est permanent et fructueux. Et le niveau de productivité a déjà augmenté depuis que nous avons signé cet accord », a salué avec insistance David El Bez lundi.

Détail qui n'en est pas un pour les intéressés, le groupe écarte l'hypothèse d'une automatisation généralisée de ses terminaux havrais qui aurait été un chiffon rouge pour les professionnels de la manutention. « Elle n'a d'intérêt que si l'on manque de personnel. De plus, notre expérience nous apprend que c'est loin d'être une garantie de performance », a affirmé le même. Des paroles qui devraient résonner agréablement aux oreillers des dockers.

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Commentaire 1
à écrit le 23/05/2023 à 11:28
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MSC anticipe le branchement à venir du Havre sur l'hinterland européen : le canal Seine Nord, ça devrait aider. Quand on voit comment Anvers et Rotterdam sont connectés, on se dit que tout les espoirs sont permis. N'en déplaise à tous les râleurs d...

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