Les calories perdues de TotalEnergies chaufferont une partie du Havre

La raffinerie de Normandie va récupérer une (petite) partie de la chaleur que ses tours aéroréfrigérantes dissipent dans l’atmosphère pour alimenter le réseau de chauffage urbain du Havre en substitution du gaz. A la clef, pour les 12.000 logements concernés, l’assurance d’une énergie bas carbone à coûts maitrisés.
L'équivalent de 80 GWh de chaleur sera récupérée
L'équivalent de 80 GWh de chaleur sera récupérée (Crédits : Istock)

Le gisement est aurifère mais insuffisamment exploité de l'avis des experts. Selon l'Ademe, le secteur du raffinage représente 7% de la chaleur à haute température (+ de 100 degrés ) que l'industrie française passe par perte et profits chaque année à défaut de la valoriser. Presqu'une aberration à l'heure de la flambée des prix de l'énergie. D'où l'intérêt du projet mené par TotalEnergies et la communauté urbaine du Havre.

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Son nom de code : Normand'Heat. Son but : récupérer une partie des calories que la raffinerie de Normandie (Gonfreville-l'Orcher) dissipe dans l'atmosphère pour aller alimenter le réseau de chauffage urbain havrais -exploité en délégation par Dalkia- dont les canalisations passeront bientôt au pied de la plateforme.

Le pétrolier français, pour qui c'est une première, va dépenser 25 millions d'euros, pour équiper l'une de ses colonnes de distillation d'un échangeur de chaleur. L'installation, qui sera opérationnelle fin 2024, permettra de capter l'équivalent de 80 GWh de chaleur. De quoi chauffer quelques 12.000 foyers de la communauté urbaine à partir d'une source qui était considérée jusqu'alors comme un déchet par l'industriel. « C'est un joli projet qui a valeur d'exemple dans le sens où il fait bouger positivement un mastodonte », salue Sébastien Huet, chargé de mission à l'Ademe Normandie.

Un enjeu réputationnel

L'affaire n'était pourtant pas gagnée d'avance. Malgré l'ampleur du gisement, beaucoup d'industriels rechignent encore à capter cette chaleur dite « fatale » pour plusieurs raisons à commencer par l'absence de débouchés de proximité. « Ce type d'opération exige que tous les acteurs publics et privés se mettent en mouvement comme c'est le cas au Havre avec l'extension du réseau de chaleur urbain », décrypte David Marion, directeur de la plateforme.

En outre, le temps de retour sur investissement et sa faible rentabilité (entre 5 et 10%) dissuade souvent les entreprises de franchir le pas. Au sein de la raffinerie de Normandie, on reconnaît d'ailleurs que l'enjeu d'image a plus pesé dans la prise de décision que les perspectives de recettes. « L'aspect de transition énergétique est plus important que la rentabilité économique d'un projet comme celui-là, elle est d'ailleurs loin des ratios habituels du secteur de l'énergie », admet son dirigeant.

La course à la décarbonation, couplée à la hausse du prix de la tonne de carbone, pourrait toutefois rebattre les cartes. Au Havre, Normand'Heat permettra d'éviter l'émission de 16.000 tonnes de CO2 dans l'atmosphère : une quantité epsilonesque comparée aux 2,6 millions de tonnes qu'émet la raffinerie. Pour autant, David Marion veut croire que le projet fera école au sein de la nouvelle alliance de la Zone Industrielle Bas Carbone (Zibac) qui regroupe les grands établissements de la basse Seine.

« C'est simple, c'est innovant et c'est duplicable », insiste t-il. Lui-même n'exclut pas, une extension du procédé sur d'autres installations de la plateforme dans le futur, sous réserve de nouveaux débouchés. « S'il y a une deuxième marche à franchir, on peut le faire relativement facilement », affirme t-il.

Quand les grandes agglo mettent le turbo

Un autre élément pourrait contribuer à l'accélération de la récupération de la chaleur fatale industrielle : la prise en main par les grandes agglomérations des réseaux de chaleur urbains. « Elles ont recruté en perspective et leur échelle fait qu'il devient possible de mettre la pression sur les entreprises pour favoriser le passage à l'acte », constate Sébastien Huet à l'Ademe. Illustration là encore au Havre où TotalEnergies concède n'être pas resté indifférent à l'insistance du président de la communauté urbaine. « Edouard Philippe veut que les choses avancent. Il a incontestablement facilité la mise en place du projet », reconnaît volontiers David Marion.

Pour l'ancien Premier ministre, le sujet est politiquement porteur et écologiquement vertueux. D'ici 2025, le réseau de chauffage havrais (qui passera de 12 à 60 kilomètres) sera, en effet, alimenté à 80% par de la chaleur « décarbonée » issue pour les deux tiers d'une centrale biomasse en cours de construction par Suez sous le nom de Biosynergy et pour le tiers restant par la raffinerie de Normandie. « A l'échelle de la France, c'est un projet d'une ampleur exceptionnelle. Pensez que le réseau va desservir 40% des logements de la communauté urbaine et plus de la moitié du parc de logements sociaux », assure Jean-Baptiste Gastinne, maire adjoint.

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Pour les 37.000 foyers qui y seront raccordés, c'est aussi l'assurance de bénéficier de tarifs fixes et prévisibles sur le long terme. « Cette énergie de récupération sera non seulement moins chère mais à coût maitrisé puisqu'elle ne sera pas indexée sur les cours mondiaux du gaz et ne subira donc pas leur volatilité » insiste Jean-Baptiste Gastinne. Selon lui, le coût du megawatt fourni par le réseau devrait se stabiliser autour de 65 euros, à comparer avec les 100 euros que coûtait la même quantité de gaz fossile en 2022. La chasse au gaspi a du bon.

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Commentaires 3
à écrit le 25/02/2023 à 10:03
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Et pourquoi ces énormes rafraichissoirs des centrales nucléaires et leurs grands panaches de vapeur ? c'est de l'énergie perdue, tout ça.

le 25/02/2023 à 15:21
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Vous proposez quoi ? Poser un grand tuyau qui apporte les calories chez vous pour circuler dans les radiateurs ? Même en été (on peut faire du froid avec le chaud, de la clim avec un panneau d'eau chauffée au soleil sur le toit). A Marcoule je crois ...

à écrit le 25/02/2023 à 10:03
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Et pourquoi ces énormes rafraichissoirs des centrales nucléaires et leurs grands panaches de vapeur ? c'est de l'énergie perdue, tout ça.

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