Avec l'Airbus A350-1000, Air Caraïbes booste sa croissance sur les Antilles

Ce vendredi, le premier A350-1000 d'Air Caraïbes, filiale du Groupe Dubreuil, a commencé son exploitation commerciale. Cet appareil va contribuer à augmenter la capacité en sièges de la compagnie de 20% en 2020. Dans un entretien accordé à La Tribune, Marc Rochet, vice-président du conseil d'administration d'Air Caraïbes et président de French Bee, l'autre compagnie aérienne du Groupe Dubreuil, explique la stratégie du groupe pour les prochaines années.
Fabrice Gliszczynski
Le premier vol de l'A350-1000 d'Air Caraïbes a eu lieu ce vendredi 20 décembre entre Paris-Orly 4 et l’aéroport Aimé Césaire de Fort-de-France en Martinique.
Le premier vol de l'A350-1000 d'Air Caraïbes a eu lieu ce vendredi 20 décembre entre Paris-Orly 4 et l’aéroport Aimé Césaire de Fort-de-France en Martinique. (Crédits : Air Caraïbes – Harold Asencio)

LA TRIBUNE - Moins de trois ans après l'entrée dans sa flotte de l'A350-900, Air Caraïbes a débuté ce vendredi l'exploitation commerciale de l'A350-1000, une version de plus grande capacité (429 sièges). Qu'apporte cet avion à la compagnie?

MARC ROCHET - Cet avion extrêmement récent est le fleuron technologique d'Airbus et nous sommes fiers d'avoir été les premiers en France à le commander. Nous exploitons l'A350 dans sa version 900 depuis bientôt trois ans. Nous en avons trois exemplaires désormais. Aujourd'hui, le premier des quatre A350-1000 que nous avons commandés de manière ferme, entre en service. C'est un avion qui est très performant sur le plan économique puisqu'il consomme 25% de moins que les appareils de la génération précédente, et qui apporte une amélioration du confort pour nos clients. L'avion est silencieux, il peut voler à une altitude plus élevée où les perturbations sont moindres, la pressurisation de la cabine est améliorée avec une altitude ressentie de 1.700 mètres au lieu de 2.000 mètres pour les avions d'ancienne génération... Les passagers ne savent pas mesurer tous ces bienfaits, mais nous voyons, à travers les réservations, qu'ils apprécient cet appareil. Dès que nous positionnons un A350 sur une ligne, l'effet clientèle est quasi-immédiat. Entre Paris et les Antilles par exemple, il y a eu des déplacements de clientèle des A330 vers les A350.

Quelle est la suite du plan de flotte pour Air Caraïbes et French Bee?

Air Caraïbes recevra un deuxième A350-1000 dans un an. L'idée est d'avoir les deux premiers exemplaires pour assurer un vol quotidien à la fois entre Paris et Fort-de-France et entre Paris et Pointe-à-Pitre. Trois A350-900 épauleront ce programme sur le cœur de notre réseau, à savoir Fort-de-France, Pointe-à-Pitre et Cayenne. Nous avons par ailleurs quatre A330-300 qui sont plutôt positionnés sur les grandes îles situées au nord des Antilles, comme la République dominicaine Saint Domingue, Cuba, Port-au-Prince, et deux A330-200. Le premier A330-200 nous permet d'assurer des vols sans escale entre Paris et Saint-Martin, dans la mesure où, contrairement à l'A330-300 ou à l'A350, l'avion est certifié pour décoller à pleine charge de Saint-Martin. Le second appartenait à Aigle Azur. Après sa disparition fin septembre, nous l'avons acheté pour remplacer les vols d'XL Airways [qui a disparu quasiment en même temps, Ndlr] sur les Antilles qui avait 7 à 8 % de parts de marché. Avec cette flotte, Air Caraïbes va augmenter ses capacités en sièges d'environ 20% en 2020. Enfin, French Bee exploite aujourd'hui trois A350-900 et un quatrième va être livré l'an prochain pour permettre de lancer en juin la ligne Orly-New York. À l'horizon 2021, deux autres A350-1000 seront livrés. Nous les positionnerons sur la Réunion. Au total, dans les deux ans qui viennent, le groupe Dubreuil va encore recevoir trois A350-1000 et un A350-900.

Comment cette croissance se traduit-elle en termes d'emplois?

Elle nous permet d'investir dans l'humain. Il y a 15 ans, Air Caraïbes comptait 400 salariés. Aujourd'hui, nous avons plus de 1.100 personnels. Notre croissance crée de l'emploi. Un avion, c'est du personnel en plus, des navigants, des agents au sol, à la maintenance... L'arrivée d'un A350-1000 va permettre 120 recrutements. Nous allons franchir un cap en 2020, puisque nous allons probablement nous engager au début de l'année prochaine dans la création d'un centre de formation aéronautique en Guadeloupe aux côtés de la Région. Nous avons le projet de lancer un centre de formation PNC et un simulateur ATR.

Quel sera votre plan de croissance après 2021?

Nous travaillons sur notre plan de flotte en 2022 et 2023. Nous prendrons probablement des décisions en 2020. Nous ne voulons pas grossir pour grossir. Nous voulons grossir pour être plus efficace. Si la croissance nous le permet de l'être, de manière rentable, nous la ferons.

Ce plan sera aussi ambitieux que celui annoncé en 2013 lors de la commande des A350?

Nous nous inscrivons plutôt dans la continuité. Nous avons deux options : soit nous accompagnons la croissance de manière progressive, soit nous remplaçons plus d'A330 par des A350. Outre la desserte de Saint-Martin, les A330, dont la plupart nous appartiennent, ont l'avantage d'être quasiment amortis. Par conséquent, s'ils ne volent que 4.000 à 4.500 heures par an, cela n'est pas un problème. Cela nous permet de les utiliser sur des routes sur lesquelles le trafic ne permet pas de voler à l'année. En revanche, pour gagner de l'argent de manière substantielle, un A350 neuf doit voler 5.500 heures par an.

Au cours des prochaines années, la distribution des rôles entre Air Caraïbes et French Bee peut-elle évoluer?

Quand nous avons créé French Bee en 2016, nous nous sommes engagés auprès des personnels à ce qu'Air Caraïbes desserve l'arc antillais et French Bee des destinations en dehors de cette zone. Air Caraïbes est déjà puissante et très profitable. À la question de savoir si Air Caraïbes doit continuer à croître, la réponse est oui. Nous continuerons de faire de la croissance parce qu'elle est nécessaire et parce que les clients la demandent. Sur la Martinique, la Guadeloupe, et la Guyane, nous avons la possibilité de croître. Quand un A350-1000 permet de faire voler 40 passagers et six tonnes de fret de plus qu'un un A350-900, c'est une façon de faire de la croissance. L'autre façon, c'est d'augmenter le réseau. S'il y a l'opportunité d'ouvrir une route dans l'arc antillais, nous le ferons. Il y a des points dans cette zone qui sont sous surveillance permanente.

Le groupe Dubreuil a été l'un des grands bénéficiaires de la ré-attribution des créneaux horaires de décollage et d'atterrissage d'Aigle Azur à Orly. Quelle croissance ces créneaux permettent-ils d'absorber?

Aujourd'hui, notre portefeuille de créneaux nous permet de couvrir l'arrivée de tous les A350-1000 commandés, celui d'Air Caraïbes qui arrivera dans un an, et les deux de French Bee. L'horizon est stabilisé pour 2020 et 2021. Pour 2022 et 2023, nous sommes assez confiants pour trouver des solutions. Si des pools de créneaux disponibles aussi conséquents que celui d'Aigle Azur n'arrivent que tous les 15-20 ans, nous constatons qu'il y a, historiquement, des petites distributions tous les deux ou trois ans. Soit parce que les lignes d'aménagement du territoire ne sont pas assez robustes et arrêtent d'être desservies, soit parce qu'une compagnie préfère aller à Roissy...

Lire aussi : Fin d'Aigle Azur : ce que vont devenir les précieux créneaux de décollage à Orly

Que vous inspire cette redistribution?

Elle a été faite dans le respect du règlement européen. Je trouve que Cohor, le gestionnaire des créneaux horaires en France, a fait un excellent travail. Je le dis d'autant plus que nos concurrents ont également obtenu des créneaux, comme Corsair ou Air France. Ce qui me satisfait également, c'est qu'en étant respectueux du règlement européen qui est très technique et très pointu, les créneaux ont été en grande partie attribués aux compagnies qui exploitent des gros avions et/ou qui ont des bases d'exploitation à Orly. C'est bien pour l'aéroport d'Orly car c'est ce qui permet le développement économique. C'est par ailleurs cohérent avec tous les travaux en cours pour développer Orly comme la construction de la ligne de métro 18, le prolongement de la ligne 14 de métro, ou la construction d'une gare TGV sur le site de l'aéroport. Tout ça n'aurait aucun sens si l'on ne pouvait faire voyager plus de passagers au départ d'Orly.

Que pensez-vous du plafonnement d'Orly à 250.000 mouvements par an?

Ma position sur le plafonnement d'Orly est connue. Orly est l'une des plus belles plateformes aéroportuaires d'Europe mais est complètement sous-utilisée pour des raisons politiques pour le moins contestables.

Quels sont les impacts de la faillite de XL Airways fin septembre et de la grève contre la réforme des retraites sur l'activité d'Air Caraïbes?

Certes, nous vendons moins de billets en ce moment, mais 2019 sera une bonne année à la fois pour Air Caraïbes et French Bee. Ces bons résultats sont à mettre au crédit de notre performance et je salue les efforts du personnel. Mais, il est clair que l'arrêt de XL Airways a permis à French Bee d'être un peu plus fort sur La Réunion et à Air Caraïbes de l'être un peu plus également sur les Antilles. Quand XL Airways a disparu, nous avons très rapidement acheté un avion supplémentaire pour occuper l'espace. D'autres compagnies n'ont pas eu cette réactivité.

D'autres compagnies françaises sont-elles menacées?

Il n'en reste pas beaucoup. Chacun sa destinée. Je ne souhaite pas que des compagnies soient menacées. Il en va de la responsabilité de leurs dirigeants, y compris ceux de la plus grande, et de leurs personnels, d'être capables de montrer que leurs compagnies sont là pour survivre et se développer. Après, il adviendra ce qu'il adviendra. Je suis un libéral et convaincu des bienfaits de la concurrence. Elle donne le choix aux clients et est une source de motivation et d'obligation de réussite en interne.

Ces deux dernières années, les bénéfices d'Air Caraïbes sont restés élevés mais étaient néanmoins en baisse. Est-ce inquiétant?

C'est un peu comme dans le vin. Il y a des bons et des moins bons millésimes. Les variations des cours du pétrole et de la parité euro-dollar expliquent qu'un millésime peut être bon ou un peu moins. Les années 2015 et 2016 étaient de très grandes années. Les résultats des deux années suivantes, qui ont été marqués par de lourds investissements, étaient profitables pais un un peu moins élevés. Les comptes 2019 ne sont pas arrêtés et seront publiés en mars, mais je peux d'ores et déjà dire que les résultats 2019 seront supérieurs à ceux de 2018.

Des acquisitions ou des grandes alliances sont-elles envisagées ?

Nous n'excluons aucune hypothèse. Nous avons essayé de faire de la croissance externe avec Corsair en 2015. Cela n'a pas pu se faire, et nous avons créé French Bee. Nous allons faire de la croissance interne. Si une opportunité de croissance externe se présente, nous la regarderons, mais nous le ferons avec beaucoup de prudence. Il ne reste plus beaucoup de compagnies à acheter en France. Et je ne pense pas que nous ayons la culture et les moyens de faire une acquisition ailleurs en Europe. En revanche, nous allons développer des accords techniques et commerciaux avec d'autres compagnies comme French Bee est en train de le faire sur le marché américain avec Alaska Airlines.

Votre accord avec Air Belgium entre-t-il dans cette catégorie?

Non, la portée de cet accord est trop restreinte. Air Belgium dessert les Antilles au départ de l'aéroport de Charleroi et transporte une clientèle belge que l'on touche difficilement depuis Orly. Les voyageurs belges ou les gens du Nord vont plutôt prendre l'avion en Belgique ou à Roissy. Air Belgium nous a demandé des accords entre Fort-de-France et Pointe-à-Pitre. Nous avons accepté car nous avons intérêt à voir le trafic global augmenter sur les Antilles.

French Bee, qui dessert San Francisco et ouvrira New York en juin, a-t-elle vocation à se développer en Amérique du Nord?

La grande ambition du groupe est de réussir sur New York et nous allons nous en donner les moyens. Après? Nous avons une quinzaine de routes que nous surveillons en permanence, en Amérique du Nord, en Amérique du Sud... et nous rebattons souvent les cartes parce que la desserte de ces routes peut évoluer très rapidement. Aigle Azur a par exemple créé un flux de trafic sur le Brésil. Nous regardons.

Air Caraïbes et French Bee peuvent-elles être vendues?

Je ne peux pas parler patrimonialement au nom de Jean-Paul Dubreuil et de ses enfants, mais ce n'est pas dans les cartons. Le groupe préfère financer sa croissance lui-même et être maître de son destin.

Que pensez-vous de l'évolution d'Air France depuis le changement de direction?

Nous suivons de près ce que fait Air France. Il y a des endroits où ils font du bon travail. Nous considérons aujourd'hui que nous avons les moyens d'être concurrents d'Air France. Notre produit est bon. Sur les Antilles par exemple, nous avons les avions les plus efficaces et le wifi le plus moderne. En face, Air France propose des B 777-300 ER, des avions qui ont déjà 10 ans, avec des cabines qui vont être réaménagées. Que le meilleur gagne!

Avec la sensibilisation accrue de l'urgence climatique, constatez-vous une réticence des clients à prendre l'avion?

Non, nous ne ressentons pas d'impact négatif. Les Antilles restent des marchés qui affichent des croissances de 4 à 5% par an. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut rien faire. Bien au contraire. Notre responsabilité face au problème environnemental est énorme. Nous y répondons en partie en engageant des avions de plus en plus en plus performants.

Lire aussi : Aviation : la vérité sur les calculateurs de CO2 (Air France, GoodPlanet, DGAC...)

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 3
à écrit le 22/12/2019 à 7:49
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ENTENTE ILLEGALE DES TROIS, SUR LES PRIX : PAS DE CONCURRENCE !!! BRUXELLES LES PROTEGE POUR LEUR " GRAS "

à écrit le 21/12/2019 à 13:25
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On peut qd même se poser la question de la pérennité du modèle économique de cette cie, de même de son concurrent Corsair, avec des flottes de 10 - 20 avions pour 1200 - 1400 emplois, soit des coûts fixes énormes et une rentabilité sur le fil ( bénéf...

à écrit le 21/12/2019 à 3:08
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A350, quel merveilleux avion, je privilégie plus lors de mes réservations l' avion que la compagnie.

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