Contrat de performance entre l’État et la SNCF : il n’y a « aucune ambition industrielle » fustige le régulateur (ART)

Chargée d'étudier le projet de contrat de performance avec l'État qui doit régir la destinée de SNCF Réseau dans les dix prochaines années, l'ART est loin d'être satisfaite. Elle dénonce autant un manque de vision qu'un risque financier qui pourrait conduire à une dégradation de l'infrastructure ferroviaire, loin des objectifs ambitieux fixés par le gouvernement en 2018.
Léo Barnier
L'ART n'est pas satisfaite des ambitions affichées par l'Etat et SNCF Réseau.
L'ART n'est pas satisfaite des ambitions affichées par l'Etat et SNCF Réseau. (Crédits : GONZALO FUENTES)

L'autorité de régulation des transports (ART) n'a pas été tendre dans son avis sur le projet de contrat de performance 2021‑2030 entre l'État et SNCF Réseau : absence de vision-cible, effort de renouvellement et de modernisation insuffisant, incertitude sur les ressources financières, ou encore, manque d'incitation à la performance industrielle... Le régulateur a multiplié les avertissements dans son texte, sous peine "d'entraîner SNCF Réseau dans une spirale de paupérisation industrielle".

L'enjeu est de taille : c'est par ce contrat de performance que l'État définit les lignes directrices de SNCF Réseau pour les 10 ans à venir. Elles doivent notamment permettre d'atteindre les grands objectifs fixés en 2018 dans le cadre du nouveau pacte ferroviaire. Outre la réorganisation des activités du groupe - avec la SNCF en société de tête et SNCF réseau comme filiale -, celui-ci a établi la remise à niveau du réseau comme objectif prioritaire, avec d'importantes promesses d'investissement.

Pourtant, en dépit de ces objectifs ambitieux, le compte n'y est pas pour l'ART. Son président, Bernard Roman, a dénoncé "une occasion manquée", regrettant le fait qu'il n'y ait "aucune ambition industrielle" devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat le 9 février, comme le rapporte l'AFP.

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Une copie à revoir

Alors que le texte final doit être signé au printemps, l'avis formulé par l'ART fait état de plusieurs points de vigilance et de recommandations afin d'améliorer la copie d'ici la prochaine actualisation du contrat prévue en 2024. Le texte pointe ainsi la fragilité du modèle de financement de SNCF Réseau tel que défini dans le contrat, reposant largement sur la hausse des recettes issues des péages, évaluée à plus de 50% sur 10 ans. Si cette hausse tient en partie à la croissance du trafic, l'Autorité craint que la structure tarifaire proposée ne soit pas soutenable pour les opérateurs ferroviaires. Elle demande donc une révision de cette structure pour le prochain cycle tarifaire (2024-2026).

De même, le régulateur souhaite la mise en place de "mécanismes réellement incitatifs à la performance industrielle". Il regrette ainsi que le contrat de performance ne fixe que "des cibles de productivité en valeur uniquement" sans prise en compte des coûts, et qu'il ne comprenne aucun mécanisme incitatif quant à la tenue des objectifs.

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Absence d'une vision-cible

Plus largement, l'ART appelle à une évolution du contrat à moyen terme. Il souhaite la définition d'une "vision-cible" avec les acteurs du secteur, afin de déterminer ce que doit être le réseau d'ici à 2030. Celle-ci doit ensuite permettre de déterminer les trajectoires financières et industrielles nécessaires pour SNCF Réseau.

Le régulateur demande enfin l'ouverture d'une réflexion "sur les moyens mis à disposition de [SNCF Réseau] pour assurer la pérennité de son outil industriel". Si elle juge l'assainissement de la situation financière de SNCF Réseau essentiel (pour rappel, l'Etat a repris à son compte 35 milliards d'euros de dettes), l'ART craint que la recherche à tout prix de l'équilibre financier n'entrave l'objectif de renouvellement et de modernisation de l'infrastructure, pourtant jugé prioritaire, du pacte de 2018.

Le manque d'investissement est ainsi estimé à hauteur de 4 milliards d'euros sur la durée du contrat. De même, cela pourrait limiter la modernisation du réseau, dont la mise en place du système de signalisation ERTMS (Système européen de gestion du trafic ferroviaire), pourtant indispensable pour accroître la capacité sur les lignes les plus denses - dont le Paris-Lyon à partir de 2025 - et donc l'accroissement de la part modale du train.

Pour rappel, le pacte ferroviaire fixait un objectif de 10 millions d'euros investis par jour pendant 10 ans afin de procéder à "une opération sans précédent de remise à niveau du réseau".

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Risque de spirale de paupérisation industrielle

Si ces recommandations ne sont pas suivies, l'Autorité estime que cela pourrait conduire à une "spirale de paupérisation industrielle où le sous-investissement conduirait à une dégradation du réseau, qui entraînerait à son tour une attrition du trafic et des ressources du gestionnaire d'infrastructure."

Léo Barnier

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Commentaires 2
à écrit le 10/02/2022 à 15:51
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Tant qu’il y a le contribuable pour boucher les trous, à quoi cela sert-il d’être ambitieux ?? Et en plus à moins de deux heures d’avion de Paris, on met, pour l’instant, tout le monde dans le train !! Mais les deux heures peuvent passer à trois voir...

à écrit le 10/02/2022 à 8:16
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Bah le but est toujours de casser le modèle de transport préféré des français, trop pratique, trop agréable, ça va quand on les laisse sous terre comme des rats comme avec le métro mais les trains, pouah !

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