En grande difficulté, SAS va avoir du mal à attirer les convoitises

SAS veut accélérer sa restructuration et dégaine ni plus ni moins que le "Chapter 11", le fameux dispositif qui a permis aux compagnies américaines de sortir assainies financièrement de plus d'une crise. De quoi se rendre séduisante pour attirer les nouveaux investisseurs nécessaires au redressement de la compagnie scandinave. Pourtant les prétendants ne devraient pas être nombreux parmi les cadors du transport aérien européens, et même Lufthansa semble réticent à l'idée de passer la bague au doigt de SAS.
Léo Barnier
Face à des pertes importantes, SAS veut accélérer sa restructuration en passant par le chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites.
Face à des pertes importantes, SAS veut accélérer sa restructuration en passant par le chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites. (Crédits : Charles Platiau)

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SAS ne s'en sort décidément pas. Structurellement déficitaire depuis des années, concurrencée par les low cost, frappée par la crise sanitaire puis la fermeture de l'espace aérien russe, et désormais confrontée à la grève illimitée de son principal syndicat de pilotes, la compagnie scandinave vient de se placer sous la protection du fameux chapitre 11 de la loi sur les faillites aux Etats-Unis. Fortement fragilisée, elle a besoin de nouveaux investisseurs avec de l'argent frais. Malgré une restructuration qui s'annonce lourde et un ciel européen en mal de consolidation, elle devrait avoir du mal à susciter les convoitises.

Après avoir été freinée en début d'année par le variant Omicron, SAS est remontée en puissance à partir de février jusqu'à atteindre près de 4 millions de passagers tout au long de son deuxième trimestre 2022 (février-avril) avec de bonnes perspectives pour l'été. Les revenus sont aussi repartis à la hausse à plus de 650 millions d'euros, avec une croissance près de deux fois plus rapide que celles des coûts opérationnels par rapport à la même période en 2021. De quoi mettre en lumière les premiers effets du plan stratégique "Forward", lancé en début d'année pour restaurer la compétitivité de la compagnie. Pourtant, malgré ces améliorations, SAS est loin d'être repassée dans le vert : les indicateurs restent éloignés du niveau d'avant crise, la marge opérationnelle est négative (-11 %) et les pertes financières sont importantes. D'où un déficit net de l'ordre 140 millions d'euros.

Restructuration profonde

Anko van der Werff, directeur général de SAS, a donc justifié ce recours au droit américain comme un accélérateur pour le plan stratégique qui doit conduire à des économies annuelles de près de 700 millions d'euros par an (dont une partie a déjà été initiée en 2020, avec des suppressions massives d'effectifs). Même si la réduction de la masse salariale doit peser moins de 20 % de l'objectif de réduction de coûts, le passage sous le chapitre 11 devrait permettre de remettre à plat les différents accords salariaux - l'échec des négociations à l'amiable avec les pilotes ayant débouché sur le déclenchement d'une grève illimitée lundi et très suivie jusqu'ici. Selon les dires de la compagnie, ce mouvement social lui coûterait une dizaine de millions d'euros par jour.

De même, SAS va pouvoir renégocier ses contrats d'achats et ses locations d'avions, ce qu'elle n'a réussi à faire que de façon limitée jusque-là, tout en poursuivant ses opérations. Elle pourra également restructurer sa dette. Evaluée à 2,7 milliards d'euros fin avril, cette dernière pèse fortement sur la santé financière de la compagnie. Dans le cadre de Forward, elle a donc posé comme objectif de réduire cette dette à hauteur de 1,9 milliard d'euros, notamment grâce à des conversions en capital. Déjà détentrice de 21,8 % du capital, la Suède pourrait accéder à cette demande selon l'AFP, tout comme la Norvège qui redeviendrait alors actionnaire, mais sans injecter d'argent frais.

Lire aussi : Au moment où la compagnie scandinave SAS cherche un second souffle, l'État suédois stoppe toute injection de cash

Besoin de cash

D'ici 9 à 12 mois, c'est donc une SAS épurée qui doit émerger de cette séquence, avec une base de coûts fortement réduite et donc plus compétitive, à l'image des majors américaines qui sont toujours sorties renforcées du chapitre 11. Cela ne suffira pas pour se redresser : la compagnie scandinave va avoir besoin d'argent frais. Toujours dans le cadre de Forward, elle a indiqué vouloir lever au moins 880 millions d'euros de nouveaux capitaux pour renforcer ses fonds propres le temps que les effets du plan se fassent pleinement sentir. Une somme pourrait s'avérer compliquée à trouver, alors qu'il semble s'agir vraiment du minimum nécessaire à en croire un analyste.

La réussite de cette levée de fonds ne dépendra pas des seuls États, la Suède et la Norvège ayant même refusé de mettre du cash. Seul le Danemark, également actionnaire à hauteur de 21, 8 %, semble y être favorable mais à la condition que SAS attire de nouveaux investisseurs. Ce qui fait partie des objectifs de Forward. Mais pour l'instant, les candidats ne se bousculent pas.

Lufthansa n'est pas emballée

Du côté des compagnies aériennes, Lufthansa, son partenaire dans l'alliance commerciale Star Alliance, pourrait apparaître comme le candidat tout désigné mais il fait plutôt figure de seul candidat potentiel... et encore. A nouveau en capacité d'investir et toujours sensible aux opportunités, le groupe allemand s'est déjà montré intéressé à plusieurs reprises par le passé par la compagnie scandinave. Mais à l'heure actuelle, cela ne semble pas être le cas. Si un investissement en extrême recours n'est pas à écarter, Lufthansa préfère largement s'appuyer sur les différents accords commerciaux qu'il détient avec SAS pour attirer une partie du marché sans avoir à gérer le redressement de la compagnie.

Un analyste juge ainsi que le ticket nécessaire est sans doute trop gros par rapport à la zone de chalandise offerte par les pays scandinaves et au potentiel de développement de SAS, qui subit de plein fouet la concurrence des compagnies à bas coûts sur l'intra-européen et le bassin méditerranéen. Sur le long-courrier, sa flotte est limitée à une quinzaine d'appareils et, bien que moins tournée vers l'Asie que sa voisine Finnair, elle subit la fermeture de l'espace aérien russe.

L'option d'un investisseur financier semble plus réalisable, avec des acteurs tels que les fonds de retournement avides de ce genre d'opportunités. Quitte à ce que celui-ci s'adjoigne les services d'un acteur opérationnel qui rejoindrait le projet via une prise de participation minoritaire. A l'image de ce que pourrait faire le fonds d'investissement américain Certares avec l'appui d'Air France-KLM et de Delta Air Lines - ou un peu différemment MSC avec Lufthansa - pour la reprise d'ITA Airways. Mais le marché italien offre des perspectives tout autres que le marché scandinave.

Léo Barnier

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