En plein débat sur les superprofits, CMA CGM annonce des bénéfices stratosphériques : 7,6 milliards de dollars en trois mois !

CMA CGM a dégagé un bénéfice net de 7,6 milliards de dollars au deuxième trimestre, plus que doublé sur un an dans un contexte de tensions persistantes des circuits de marchandises, a annoncé vendredi le groupe français.
(Crédits : MOHAMED ABD EL GHANY)

De quoi remettre un jeton dans le jukebox. Alors que le débat sur les superprofits des entreprises fait rage, l'armateur français CMA CGM, a annoncé ce vendredi avoir dégagé un bénéfice net de 7,6 milliards de dollars au deuxième trimestre, plus de fois plus que l'an dernier, alors que le chiffre d'affaires a bondi de 57% sur un an, à 19,48 milliards de dollars. La performance est stratosphérique. En moyenne chaque jour, l'armateur dirigé par Rodolphe Saadé, dégage un bénéfice net de 84,4 millions de dollars. Depuis le début de l'année, les bénéfices flirtent avec les 15 milliards de dollars, soit quasiment autant qu'au cours de l'ensemble de l'année dernière (17,9 milliards). Pour autant, le groupe fait état d'une dégradation des perspectives du commerce mondial en raison de l'inflation et particulièrement la hausse des prix de l'énergie. CMA CGM profite de l'envolée des prix du fret maritime du fait de la désorganisation des chaînes logistiques depuis la sortie de la crise sanitaire.

En six mois, le groupe basé à Marseille aura engrangé 14,8 milliards de dollars, après un record de 17,9 milliards sur toute l'année 2021. Cela lui a valu de figurer, aux côtés d'énergéticiens, parmi les cibles d'une éventuelle taxe sur les « superprofits », réclamée par l'opposition de gauche en France.

Débat sur les superprofits

La Première ministre Élisabeth Borne avait indiqué la semaine dernière qu'elle ne fermait pas la porte à une telle taxation, mais qu'elle préférait que chaque entreprise qui le peut « baisse les prix pour le consommateur et donne du pouvoir d'achat à ses salariés ».

CMA CGM a consenti plusieurs gestes ces derniers mois, dont une nouvelle baisse de ses tarifs au 1er août avec une réduction de ses taux de fret de 750 euros par conteneur 40 pieds vers la métropole et les Outre-mer, soit jusqu'à 25% de ses prix, au lieu de 500 euros prévus précédemment. La compagnie avait également annoncé une baisse de 100 euros par conteneur 40 pieds pour toutes les exportations françaises. Elle n'a pas dévoilé de nouvelle mesure vendredi.

Subissant déjà « la congestion affectant les terminaux portuaires et les chaînes logistiques terrestres, qui se traduisent par un rallongement des temps de transit des navires », le groupe a vu ses volumes transportés (mesurés en EVP, "équivalent vingt pieds », unité de référence du secteur) chuter de 1,3% sur un an au deuxième trimestre, à 5,6 millions, a-t-il souligné dans un communiqué.

Cette annonce intervient alors le débat sur la taxation des « superprofits » a pris une tournure inattendue ces derniers jours, l'exécutif se retrouvant accusé d'être lui-même un « superprofiteur » par le biais de rentrées fiscales supérieures à ses attentes.

Invité vendredi sur BFM TV/RMC, le ministre des Comptes publics Gabriel Attal a une nouvelle fois dû démentir l'existence d'une « cagnotte » au sein de l'Etat, alors que les accusations d'enrichissement excessif pesaient jusqu'ici plutôt sur de grandes entreprises comme TotalEnergies ou CMA-CGM.

« Il y a des recettes (fiscales) supplémentaires mais on dépense beaucoup plus pour protéger, accompagner les Français », a-t-il ainsi martelé.

L'Etat, un superprofiteur ?

Avec la forte inflation ces derniers mois - accélérée par le conflit entre la Russie et l'Ukraine - et la bonne résistance de l'emploi et de la croissance en France, les rentrées fiscales sont de fait très dynamiques. Dans un communiqué sur la situation budgétaire de l'Etat, le ministère des Finances a d'ailleurs indiqué vendredi qu'à fin juillet 2022, "les recettes fiscales nettes s'(établissaient) à 172,5 milliards d'euros contre 144,1 milliards à fin juillet 2021".

Les rentrées liées à l'impôt sur les sociétés progressent de près de 16 milliards d'euros sur un an, et celles issues de la TVA de 7,7 milliards. De quoi accréditer la thèse du patron du Medef Geoffroy Roux de Bézieux, qui avait estimé lundi que « le plus grand superprofiteur, c'est l'Etat » ? Pas pour Gabriel Attal, qui prend l'exemple de la TVA sur l'essence.

« Avec l'augmentation des prix sur l'essence", l'Etat a perçu un supplément de TVA de "3 à 4 milliards d'euros ».  Or « on a dépensé 7 milliards d'euros pour la ristourne carburant », a soutenu le ministre des Comptes publics.

« L'Etat ne s'enrichit pas dans la situation, au contraire », a-t-il poursuivi, dans la droite ligne de propos déjà tenus par Elisabeth Borne. Lundi, la Première ministre avait répliqué au président du Medef que « non, il n'y (avait) pas de surprofits du côté de l'Etat ».

Malgré ces démentis, au cours de la semaine qui vient de s'écouler le gouvernement a dû faire face à un périlleux retour de bâton sur un dossier qui l'empoisonne depuis cet été. A l'origine, ce sont en effet quelques grandes entreprises aux résultats financiers exceptionnels qui étaient dans le viseur de l'opposition de gauche. Mais plutôt que de les taxer comme réclamé par les oppositions, le gouvernement les a incitées à baisser leurs tarifs, un appel entendu par TotalEnergies et CMA CGM.

« Une taxe n'a jamais amélioré la vie de nos compatriotes. Nos compatriotes ont besoin d'argent dans leur poche, pas dans les poches de l'Etat », insistait le ministre de l'Economie Bruno Le Maire devant le Parlement en juillet. Au retour de la pause estivale, sa ligne n'a pas changé et le numéro 2 du gouvernement fait désormais des appels du pied aux secteurs bancaire et assurantiel pour qu'ils réduisent les frais bancaires ou les primes d'assurance. Mais les partisans d'une taxe n'ont pas pour autant  abandonné.

« On n'a pas l'impression que le code de la taxation soit à même de répartir justement (les profits), surtout depuis le Covid », a jugé Esther Duflo vendredi sur France Inter. Donc « la taxe sur les superprofits, c'est une vraie bonne idée », a poursuivi la colauréate du prix Nobel d'économie 2019.

A Matignon, le ton est devenu légèrement plus conciliant au sujet d'une telle taxation.

« Je pense que les entreprises vont faire preuve de responsabilité » en agissant pour le pouvoir d'achat des Français, a estimé jeudi Elisabeth Borne. Mais « si certaines ne le faisaient pas, nous ne fermons pas la porte » à une taxation exceptionnelle des superprofits, a-t-elle dit.

La question promet de revenir dans les débats sur le projet de budget 2023, que le gouvernement doit présenter à la fin du mois. Des députés du camp présidentiel plaident déjà pour un compromis, sous la forme d'un fonds de financement de la transition énergétique alimenté par les « superprofits » des entreprises. Une idée « intéressante » pour Bruno Le Maire. Reste à la vendre aux oppositions, décidées à négocier chèrement leurs voix alors que le gouvernement ne dispose que d'une majorité relative à l'Assemblée nationale.

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Commentaires 9
à écrit le 04/09/2022 à 14:57
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Les journalistes de La Tribune devrait consulter les dictionnaires et prendre conscience du sens des mots ...ils parlent quelquefois de pertes "abyssales" ... d'autres fois de profits stratosphériques ! Arrêtons les excès et revenons au bon sens mêm...

à écrit le 03/09/2022 à 20:49
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Notre Président a annoncé que nous sommes en guerre, contre le Covid, contre l'inflation, etc. Durant la guerre les entreprises ayant bénéficié des marchés publics, qui se sont enrichis et ont réalisé des bénéfices importants sont surtaxées. C'est c...

à écrit le 03/09/2022 à 19:00
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Les superprofits n'existent pas. Les socialistes réinventent toujours des nouvelles expressions pour voler encore plus. Subtiliser les profits d'une entreprise, c'est voler ses actionnaires. Ça n'a jamais marché et ne marchera jamais. Détruire l'inve...

à écrit le 03/09/2022 à 10:39
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Pour une fois si on a un champion national et base en France … a trop taxer on fait fuir les entreprises . Le discours de gauche bébête simpliste «  y a qu à faut qu on » n est pas à la hauteur de l enjeu , de la population et du pays … que ces bobo...

à écrit le 03/09/2022 à 10:33
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Pour une fois si on a un champion national et base e. France … a trop taxé on fait fuir les entreprises . Le discours de gauche bébête simpliste «  y a qu à faut qu on » n est pas à la hauteur de l enjeu , de la population et del enjeu … que ces bobo...

à écrit le 03/09/2022 à 8:58
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Y a aucun débat, sauf dans la fachosphere d'extrême gauche, qui bizarrement ne manifeste pas contre les surprofits du Qatar, de l'Algérie ou du Venezuela melenchoniste... he, faut pas stigmatiser le bon pognon juste, tant que c'est laïque et de ga...

à écrit le 03/09/2022 à 0:12
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Des l'instant où il respectent la législation, assument leurs charges et paient leurs impôts en France. Je ne vois pas où est le problème.

le 03/09/2022 à 9:43
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Que vous êtes naïf puisque pour "habiller Paul, il faut bien déshabiller Pierre par tous artifices fiscaux et multiples taxes visant la plèbe; c'est à dire que ce que vous concédez comme avantages fiscaux sur les revenus du grand Capital et sur les ...

le 03/09/2022 à 9:53
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A noter aussi que TOTAL ne paie pas d’impôts avec ses sociétés basées en France, ce qui est assez cool avec ce genre de bénéfices. TotalEnergies justifie de ne pas payer d’impôts en France par le fait de domicilier ses profits hors de France. Avec la...

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