Pas facile d'être Ministre des Transports alors que la crise sanitaire mondiale ferme les frontières et cloue les avions au sol. Pour Jean-Baptiste Djebarri, le secteur de l'aérien fait face à deux défis majeurs : la reprise du trafic et la transition énergétique. « Il va falloir redonner confiance aux passagers et établir des règles de passage des frontières harmonisées » estime le ministre. L'arrivée annoncée d'un vaccin début 2021 devrait rassurer les voyageurs, mais il ne pourra être efficace qu'avec une couverture vaccinale minimum de 40 à 50 % de la population, ce qui pourrait prendre plusieurs mois. Quant au tourisme d'affaires, l'incertitude demeure suite à la forte augmentation du télétravail, un modèle qui devrait perdurer. En attendant un redémarrage substantiel de l'activité aérienne prévu par le ministre en 2022, il s'agit de s'accorder avec les autres nations européennes sur des corridors sanitaires pour éviter la mise en quarantaine. Des tests antigéniques à l'arrivée sont déjà disponibles dans certains aéroports comme Roissy, Orly, Marseille et Nice.
En France, la restructuration du réseau intérieur d'Air France est centrale. Quelles routes aériennes seront préservées ? Quelle place pour Transavia (filiale low cost du groupe) et les autres acteurs régionaux français ? Comment le ferroviaire peut-il se substituer à l'aérien ? Pour Jean-Baptiste Djebbari, la priorité est d'abord de résoudre l'équation des low cost : « nous devons en finir avec la concurrence déloyale de certaines compagnies low cost, les faux travailleurs indépendants (salariés obligés de se déclarer en auto-entrepreneurs) et le pay-to-fly (des pilotes sans expérience payent pour piloter sur des vols commerciaux). L'Europe sociale a failli au niveau de la régulation. La crise peut être une opportunité pour retrouver un cadre social plus juste ». Une volonté partagée par la députée écologiste européenne Karima Delli, très remontée contre Ryan Air et easyJet lors d'une autre table ronde.
L'écotaxe de la Convention Citoyenne retoquée
Le groupe Air France KLM a bénéficié de prêts et de garanties bancaires à hauteur de 7 Md€, et pourrait recevoir entre 4 et 6 Md€ supplémentaires, des chiffres qui circulent mais que ne confirme pas le Ministre des Transports. Il rappelle que ces aides massives sont approuvées par la Commission Européenne et que l'Etat épaule toutes les compagnies aériennes qui en font la demande. Comme Corsair, par exemple, que le Ministère soutient avec les services de Bercy pour que la société présidée par Pascal de Izaguirre sorte renforcée de la crise « car c'est un acteur important, surtout sur l'Outre Mer ».
Autre chantier en cours : la transition environnementale. La Convention Citoyenne sur le Climat a proposé d'alourdir l'écotaxe pour le transport aérien, actuellement de 1,50 à 18 € par billet. La Convention réclame un tarif de 30 euros pour les vols de moins de 2 000 kilomètres et 60 euros pour ceux de plus de 2 000 kilomètres en classe éco (180 et 400 euros en classe affaires). Soit un coût pour le secteur aéronautique estimé à 4,2 Md€, un projet « irresponsable et catastrophique » selon Ben Smith, pdg d'Air France KLM. « Il est normal de demander des contreparties environnementales au soutien massif de l'Etat. Par exemple, en favorisant la rotation ferroviaire pour les trajets de moins de 2H30. Comme beaucoup de Français, je prends moi-même le TGV pour aller à Bordeaux. Il y aura un débat démocratique, mais cette écotaxe mettrait en danger entre 120 et 150 000 emplois dans un secteur déjà très affaibli par la crise » conclut le Ministre des Transports.
--
Sujets les + commentés