Livraisons, chantiers : le plan de la mairie de Paris pour réduire les "nuisances" et "mieux réguler les flux"

La Ville de Paris vient de dévoiler, ce 16 juin, sa stratégie 2022-2026 pour assurer une logistique urbaine la plus décarbonée et la plus silencieuse possible et surtout accélérer la transition écologique du transport de marchandises. Après le "lieu de repos" voulu par la candidate Marlène Schiappa aux dernières élections régionales, l'adjoint d'Anne Hidalgo, David Belliard, développe une "Maison des coursiers". Mais la question du partage de l'espace public de la capitale fait déjà débat. Explications.
César Armand
(Crédits : DR)

Quel Parisien n'a jamais passé une commande sur Internet ? Qui n'a jamais demandé à ce que le produit soit livré dans la journée voire dans l'heure ? Qui n'a jamais râlé devant une camionnette de livraison garée sur le trottoir et/ou sur la piste cyclable et dont le pot d'échappement fait tousser ?

Avec 500.000 colis livrés chaque jour dans la capitale pour un peu plus de 2 millions habitants (soit 1 colis pour 4 habitants par jour), et l'ensemble des flux logistiques, un quart des émissions de CO2 à Paris proviendraient du transport de marchandises, selon les données de la Ville. Une collectivité où la population est la plus dense de France voire d'Europe avec 20.641 résidents au kilomètre carré, d'après une étude de l'Insee publiée en 2022 sur la base de l'année 2018.

 
Aussi, dans la continuité des Etats généraux du stationnement qui avaient confirmé le retrait, à terme, de 60.000 places de stationnement sur les 133.000 que compte la voirie parisienne, la municipalité vient de terminer un an et demi de concertation avec les acteurs privés et publics en matière de logistique urbaine. En France, l'industrie (chantiers, déchets, cantines) représente 50% des flux, contre 5 à 7,5% pour le e-commerce et 40 à 42,5% pour le reste du commerce, au regard des données de France Logistique, l'association qui fédère les acteurs privés de la chaîne.

Assurer une logistique la plus décarbonée et la plus silencieuse possible

Au cœur de la stratégie 2022-2026: le foncier - les terrains - et l'immobilier - les bâtiments. La capitale déclare vouloir renforcer le maillage d'espaces de logistique urbaine à Paris afin d'assurer une logistique du dernier kilomètre la plus décarbonée et silencieuse possible, et ce au plus près du besoin des consommateurs.

Pour les fonciers, le maire-adjoint (EELV) chargé de la transformation de l'espace public, des transports, des mobilités, du code de la rue et de la voirie affirme à La Tribune y travailler avec la Sogaris, groupe spécialisé dans la conception, la réalisation et la gestion de bâtiments et de sites logistiques, dont la Ville est actionnaire à 49,5% aux côtés de la Caisse des Dépôts (17,7%) et des départements 92, 93 et 94.

David Belliard évoque ainsi "des moyens financiers pour permettre des opérations, acquérir des fonciers et être en capacité d'accueil". "C'est pour baisser les nuisances et mieux réguler les flux", ajoute l'élu auprès d'Anne Hidalgo.

Autre piste : les parkings souterrains, David Belliard citant le parking de l'île de la Cité qui accueille la base logistique de l'enseigne Grand Frais. En réalité, il s'agit du groupe Indigo, autoproclamé leader mondial du stationnement, qui y a libéré 1.000 m² pour Mon-marché.fr, sa plateforme de produits frais livrés à domicile en tricycle électrique.

Un partage de l'espace qui fait déjà débat

L'adjoint écologiste cite aussi les deux petites structures en bois qui viennent d'être inaugurées boulevard Beaumarchais et rue Réaumur, dont l'expérimentation va durer un an. Ces micro-hubs visent à fluidifier la livraison destinée aux commerçants, restaurateurs et particuliers du quartier.

"Tous les jours de la semaine, un petit camion de 20 ou 30 m3 ou un véhicule utilitaire décarboné, arrive dans la matinée et approvisionne les caissons pour organiser la livraison des produits à vélo cargo. Il récupère en même temps les consignes réutilisables des restaurateurs stockées la veille ;

Les livreurs à vélos cargos ou triporteurs électriques chargent les marchandises stockées dans la structure et partent en tournée de livraison dans le quartier ;

En début d'après-midi, ils reviennent à la structure pour déposer les consignes confiées par les professionnels et se réapprovisionner pour une seconde tournée", écrit la Ville sur son site."

De la privatisation de l'espace public, estiment les adversaires à leur installation sur des places de stationnement. "En aucun cas ! Olvo et Ecolotrans qui exploitent les micro-hubs payent une redevance" à la municipalité, rétorque David Belliard.

C'est justement le deuxième volet de la stratégie: le partage de l'espace public. Paris promet 1.000 zones de livraisons supplémentaires et un contrôle accru pour en assurer le meilleur respect et 1.000 places de stationnement vélo-cargo pour faciliter le développement de la "cyclologistique".

Ou encore la mise en place de livraisons silencieuses en horaires décalés. Une solution déjà expérimentée dans le 13ème arrondissement d'avril à juillet 2021 visant à évaluer les atouts et les limites des livraisons de commerces entre 21 heures et 7 heures, et dont les personnels concernés - chauffeurs et manutentionnaires - ont été formés par aux bonnes pratiques de réduction de bruit.

Après le "lieu de repos" de Schiappa, la "Maison des coursiers" de Belliard

Les travailleurs de la première ligne figurent en effet en bonne place pour établir le volet "condition de travail des livreurs". La Ville développe déjà une "Maison des coursiers" 70 boulevard Barbès dans le 18ème arrondissement. Soit un "lieu de repos", tel que l'avait proposé l'ex-ministre Marlène Schiappa, tête de liste d'En Marche à Paris lors des dernières élections régionales ?

"Non, nous leur permettons d'accéder à des sanitaires, à des fontaines à eau, à de l'électricité et à des endroits pour se changer", rétorque David Belliard. "La loi est insuffisamment protectrice pour ces esclaves modernes payés au lance-pierre. Nous combattons ce modèle prédateur qui génère des externalités négatives et qui exploite la précarité. Cela me rend fou !", s'exclame l'adjoint (EELV) d'Anne Hidalgo.

La municipalité travaille plutôt à l'invention de nouveaux modèles pour favoriser l'offre de proximité. Elle compte informer et sensibiliser les commerces de proximité à une logistique moins émettrice de gaz à effet de serre avec des aides de la Ville pour l'achat de vélos-cargos, vélos électriques et camionnettes électriques. A la question du montant de ces dernières, l'élu parisien renvoie au Conseil de Paris... de septembre.

La capitale veut par ailleurs améliorer la logistique des chantiers en massifiant les flux par le recours à la voie fluviale pour désengorger l'espace public. 30% des tonnages de matériaux et de déchets transitent déjà par la Seine, assure-t-on à l'Hôtel de Ville. Pour généraliser cette pratique, Paris veut continuer à "inciter" les acteurs privés à recourir à ce mode. Parallèlement, elle prévoit la création d'une charte "chantier durable à faibles nuisances", "finalisée prochainement", certifie-t-on à la mairie.

Accélérer la transition écologique du transport de marchandises

Dans le même esprit; la Ville veut accélérer la transition écologique du transport des marchandises. A cet égard, il est question de refondre les aides en faveur des professionnels moins polluante et plus silencieuse, et de développer de la cyclologistique avec la création d'infrastructures cyclables et d'aides à l'achat pour vélo-cargo. Deux arbitrages économiques et politiques là encore renvoyés à septembre.

Paris veut enfin créer, ou du moins continuer, son maillage de bornes électriques, déjà portée par TotalEnergies, et de stations hydrogène, opérées pour l'heure par Hype. Pour cette énergie, la mairie dit "travailler sur des plus gros porteurs, type camions, en fonction des technologies qui se développent".

En son nom, enfin, l'Hôtel de Ville s'engage à favoriser les achats locaux dans sa commande publique, à mettre en place des dispositifs de lutte contre les angles morts sur ses poids lourds, à réduire les flux routiers engendrés par les chantiers qu'elle commande et à faire évoluer sa flotte vers des véhicules électriques et hydrogène. Reste que pour cette énergie, outre la station pour les taxis Hype pont de l'Alma et bientôt celle porte de Saint-Cloud, le foncier risque d'être difficile à trouver...

Lire aussi 2 mnBornes de recharge électrique à Paris: « Au-delà de la rapidité, la priorité consiste à en trouver »

César Armand

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Commentaires 2
à écrit le 01/08/2022 à 15:17
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Blablabla ! Gros chantier autorisé par la Mairie avec un groupe électrogène au gas oil qui tourne sans interruptions dans une petite rue, corruptions à tous les étages ! Pour les plaintes, voir chez Plumeau ! Les riches peuvent partir dans leur maiso...

à écrit le 18/06/2022 à 16:37
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afin de reduire les nuisances, les socialistes vont voter un impot, qui sauvera le silence et les ours blancs ( oui, bon, a defaut ca sauvera le budget de la mairie, mais c'est un bon debut)

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