Il y a deux ans et demi, TGV Lyria annonçait une offensive d'ampleur sur la desserte ferroviaire entre Paris et les principales villes suisses. Mais la crise sanitaire est passée par là et en guise d'augmentation de capacité de 30%, la société franco-suisse (coentreprise entre la SNCF et son homologue helvète CFF) a connu une chute de plus de 50% de son activité en 2020 et guère mieux en 2021. Mais TGV Lyria souhaite désormais repartir de l'avant et ressort ses plans d'avant crise. Son PDG Fabien Soulet annonce un "choc d'offre" à partir de la fin du mois.
"Nous allons reprendre résolument l'offensive sur le marché", promet le dirigeant. Il annonce une hausse de capacité de 30% cette année par rapport au niveau d'avant la crise et escompte ainsi réaliser, avec deux ans de décalage, l'objectif affiché fin 2019. Cela représente 4.000 à 5.000 places en plus par jour, soit l'équivalent de 30 Airbus A220.
Une offre agressive
Pour y arriver, l'opérateur ferroviaire va jouer sur plusieurs leviers. Dès le 28 mars, TGV Lyria va remettre l'intégralité de ses trains en service, soit 15 rames Euroduplex de 510 places. Intégrées progressivement à partir de 2011, elles ont définitivement remplacé les rames précédentes à un étage (TGV POS) fin 2019, offrant ainsi un gain de capacité de 30%. L'opérateur ferroviaire va également jouer sur les fréquences, avec 17 allers-retours par jour sur les jours de semaine, soit environ 3 de plus qu'en 2019. Ils se répartissent entre Paris et Genève (8 allers-retours), Bâle et Zurich (6) et Lausanne (6 dont 3 via Genève).
Selon un principe répandu en Suisse, ils partiront selon des horaires cadencés : les Paris-Genève partiront toutes les deux heures à la "minute 18" : 6h18, 8h18, etc. Fabien Soulet veut ainsi simplifier l'offre et améliorer sa lisibilité pour les voyageurs.
Toujours conformément au plan de 2019, ce choc d'offres s'accompagne d'une politique agressive sur les prix avec un aller-retour à partir de 49 euros. Fabien Soulet affirme que ce tarif sera très largement disponible et ce jusqu'à 15 jours avant le départ. Cette échéance tardive ne concernera néanmoins qu'une partie des trains.
L'avion dans la ligne de mire
"Nous avons la conviction qu'il va y avoir un retour massif et rapide des voyageurs franco-suisses vers le train", affirme Fabien Soulet. Et, comme il est de coutume désormais, la cible toute désignée est l'avion : "Nous avons vraiment l'occasion de faire basculer des parts de marché importantes vers le train, et en particulier depuis l'avion. Celui-ci est très présent sur nos liaisons, que ce soit vers Genève, Bâle-Mulhouse ou Zurich." Avant crise, TGV Lyria revendiquait 50% de parts de marché face à Air France, Easyjet et Swiss, voire 60% sur le Paris-Genève. Elle veut désormais aller au-delà et s'arroger au moins 5 à 10 points supplémentaires dans un marché en croissance.
Malgré deux ans très difficiles, le patron de l'opérateur franco-suisse estime que les atouts compétitifs du train vont sortir renforcés de la crise. Celle-ci agirait ainsi comme un "coefficient multiplicateur" pour l'émergence des préoccupations environnementales et leur intégration en profondeur dans les politiques de déplacements des entreprises.
Selon une étude détaillée faite par le cabinet suisse Infras, qui intègre les opérations mais aussi l'ensemble des infrastructures, de la production et de la maintenance du matériel, un aller-retour Paris-Genève émettrait ainsi 20 fois moins de C02 par passager en train qu'en avion. L'autre avantage serait le temps disponible bien plus important en train que pour les autres modes de transport.
La clientèle affaires au centre des attentions
TGV Lyria mise donc tout particulièrement sur la clientèle affaires, qui représentait un tiers de son trafic avant crise. Au contraire de l'analyse largement partagée dans l'aérien et le ferroviaire d'une disparition durable de 20 à 30% de la clientèle affaires, Fabien Soulet estime que celle-ci va se maintenir avec des voyageurs moins fréquents, mais une base de clientèle plus large récupérée notamment sur l'avion.
Le retour des voyageurs loisirs s'est fait dès l'été l'an dernier, mais le nombre de professionnels est lui aussi remonté très fortement à partir de septembre. L'arrivée d'Omicron et de nouvelles restrictions a cassé cette dynamique, mais ces tendances confortent Fabien Soulet dans sa stratégie, bien qu'il annonce que cette augmentation brutale de l'offre en sortie de crise constitue un pari. D'ailleurs cette combinaison de capacité étendue et de faible prix va obliger TGV Lyria à un haut niveau de remplissage si elle veut rentabiliser son activité.
Mettre fin à plusieurs années de recul
Il faut donc une croissance du trafic à deux chiffres pour l'opérateur ferroviaire, et peut-être même trois au vu des résultats de ces dernières années. Avant crise, TGV Lyria connaissait un glissement de son activité qui l'a vu passer de 6 millions de passagers environ en 2013 à 5 millions en 2019, pour un chiffre d'affaires tombé à 320 millions d'euros. Avec la crise du Covid, ce recul s'est transformé en dégringolade avec des chiffres divisés par deux. Pour 2021, le chiffre d'affaires (en cours de consolidation) devrait avoisiner les 170 millions d'euros.
Lors de la première présentation du plan, fin 2019, Fabien Soulet misait donc sur une croissance du nombre de passagers de l'ordre de 15% dès la première année et davantage les suivantes. Cela aurait permis de retrouver les niveaux du début de la décennie. Pour arriver au même résultat, il faut désormais plus que doubler le trafic par rapport à 2021. Le patron de TGV Lyria reconnaît que la tâche sera difficile, d'autant qu'Omicron a encore fait glisser un peu le calendrier. Il espère tout de même pouvoir s'approcher de l'équilibre économique sur l'année, voire basculer dans le vert comme cela était prévu initialement.
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