
Après la route, la plante à fleur jaune creuse son sillon sur le rail. A compter du 6 avril, tous les trains de la ligne qui relie Paris Montparnasse à Granville dans la Manche carbureront au colza, en lieu et place du diesel. Lancée par la SNCF et la Région Normandie, l'expérimentation qui durera trois mois est inédite en Europe. C'est en effet la première fois que l'utilisation d'un carburant 100% d'origine végétale sera testée à cette échelle dans le domaine ferroviaire.
Objectif : évaluer en vraie grandeur les performances, le niveau de consommation et le bilan énergétique d'un tel carburant qui présente un avantage majeur pour la compagnie ferroviaire. Bien qu'un peu plus onéreux, le recours au colza exige, en effet, un minimum d'investissement.
« Il a été démontré sur des bancs moteurs que le système de propulsion diesel de nos trains supportait très bien l'usage de ce biocarburant. Aucune modification n'est nécessaire sinon celle qui porte sur la station-service » confirme Jean-Philippe Dupont, directeur régional de la SNCF Normandie.
Sur le plan environnemental, l'opérateur revendique, grâce au colza, « une réduction de près de 60% des émissions de CO2 du champ au rail » à condition toutefois que l'approvisionnement soit réalisé en proximité. La SNCF, qui s'est engagée à bannir les énergies fossiles à horizon 2035 et à baisser d'un tiers l'empreinte carbone de ses passagers, pourrait donc trouver dans cette solution le moyen de verdir sa flotte de 2.500 rames TER dont un quart est encore propulsé au diesel. Voire, pourquoi pas, de proposer une alternative à la très coûteuse électrification de certaines « petites lignes » (jusqu'à trois millions d'euros du kilomètre).
Une option parmi d'autres
Reste que cette option serait moins vertueuse que la conversion à l'hydrogène ou au train hybride à batterie, comme le soulignait fin 2018 un rapport parlementaire sur le verdissement du matériel ferroviaire.
« Le bilan énergétique et économique n'est pas convaincant. Les biocarburants apportent une réponse insuffisante aux enjeux d'émissions de CO2» écrivait à l'époque son rapporteur, le député de la Gironde Benoît Simian.
De son côté, la SNCF se défend de vouloir généraliser l'usage de ce carburant végétal.
« C'est une option parmi le bouquet de solutions que nous proposons aux Régions, aucune n'excluant l'autre, explique t-on chez SNCF Voyageurs. Notre philosophie : c'est la bonne énergie, au bon endroit au bon moment ».
La motorisation des trains n'est d'ailleurs pas le seul levier sur lequel l'opérateur entend appuyer pour alléger son bilan carbone, déjà très faible en proportion (0,5% du total du secteur des transports). Lancé en septembre, son programme PlaneTER se fait fort de convaincre les français de préférer le wagon à la voiture particulière au moyen de nouvelles mesures incitatives. «Un voyageur en plus dans chacun des 8.200 TER quotidien, ce sont plus de 20.000 tonnes de CO2 évitées chaque jour » rappelle la compagnie. Bien plus que ce que promet n'importe lequel des biocarburants. CQFD.
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