Message reçu : en septembre dernier, le ministre des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, avait rappelé à la SNCF la nécessité pour le groupe de tenir ses objectifs d'équilibre financier, fixés par la loi de réforme ferroviaire de 2018. En contrepartie de la reprise par l'Etat de 35 milliards d'euros de dettes (25 milliards d'euros en 2020, le solde en 2022), la SNCF devait prendre les mesures nécessaires pour atteindre un "cash flow libre" à l'équilibre dans un premier temps pour le groupe en 2022, puis en 2024 pour SNCF Réseau. Autrement dit, la SNCF s'était engagée à cesser de brûler du cash à ces deux échéances.
Le groupe ferroviaire s'était également engagé à revenir "à une structure financière relativement plus équilibrée", avec "un ratio dette nette sur marge opérationnelle inférieur à 6 en 2023 pour le groupe", a rappelé ce mercredi Laurent Trévisani, le directeur financier de la SNCF, lors de la présentation des résultats 2020 marqués par une perte nette de "seulement" 3 milliards d'euros.
Enorme écart entre les prévisions de décembre et le résultat final
Un montant surprenant, puisque le 2 décembre dernier, à quatre semaines donc de la fin de l'exercice 2020, Jean-Pierre Farandou, le PDG, avait indiqué, lors d'une audition au Sénat, que le groupe allait essuyer au deuxième semestre une perte du même ordre que celle enregistrée au premier semestre (2,4 milliards d'euros), soit une perte annuelle pouvant aller jusqu'à 5 milliards d'euros. Il n'en fut rien. La perte du deuxième semestre n'a pas été d'environ 2,4 milliards d'euros mais...de 500 millions d'euros.
En attendant, malgré la crise sanitaire, les objectifs d'équilibre financiers fixés par la réforme ferroviaire seront tenus, a assuré la société ferroviaire.
"A date et compte tenu des résultats 2020, nous confirmons que nous respecterons ces engagements", a en effet déclaré Laurent Trévisani. La mise en place d'un plan d'économies de 2,5 milliards d'euros a permis à la SNCF de compenser 40% de l'impact du Covid (6,8 milliards d'euros), de limiter ainsi la consommation de cash à 2,8 milliards d'euro et de dégager un Ebitda (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) de 3 milliards d'euros, malgré une perte de chiffre d'affaires de 14%, à 30 milliards d'euros.
Pour 2021, la SNCF prévoit de nouvelles économies, "supérieures au milliard d'euros", avec notamment une baisse des effectifs de 2% dans la partie ferroviaire (138.000 salariés en 2020). Outre le volet des coûts, la SNCF mise, pour tenir ses engagements, sur "une reprise progressive de l'activité, notamment TGV, à partir de l'automne, avec un plein effet au cours de l'année 2022", date à laquelle Jean-Pierre Farandou espère bien que "la crise sera derrière" et que tous les TGV seront en circulation.
Nouvelle tarification
Pour compenser la perte prévue de 10 à 15% des voyageurs professionnels à cause du développement du télétravail et des visioconférences, la SNCF veut "booster encore plus la clientèle privée/loisirs". La stratégie est claire : "faire du volume", à la fois dans le transport de voyageurs et de marchandises. Pour y parvenir, Jean-Pierre Farandou compte "grignoter des parts modales supplémentaires sur la route", "2-3 points", qui représenteraient "20 à 30% de volume en plus" pour la SNCF.
Si le groupe ne cesse de brandir l'argument écologique de voyager en train plutôt qu'en voiture, il mise aussi, pour séduire les passagers, sur la refonte de sa grille tarifaire, dont les premiers éléments seront visibles cet été.
Enfin, le respect de la trajectoire financière passera par la plus-value de la cession de la filiale de location de wagons Ermewa. Estimée à près de 2,5 milliards d'euros, la somme servira au désendettement du groupe, alors que la dette s'est creusée de 2,8 milliards d'euros, à 38,1 milliards d'euros. En janvier 2022, l'Etat doit reprendre à son compte 10 milliards d'euros de dette. D'autres cessions seront-elles nécessaires ? "Nous sommes sur la cession d'Ermewa. Nous voulons la réussir et essayer d'obtenir le prix maximal. Nous sommes là-dessus, pas sur autre chose", a déclaré Jean-Pierre Farandou.
Aide de l'Etat
Le maintien de la trajectoire financière de la SNCF n'aurait pu être possible sans l'aide de l'Etat, à hauteur de 4,7 milliards d'euros (pour le secteur) pour réaliser les travaux de régénération du réseau ferroviaire français. Interrogé sur le besoin d'une rallonge, Jean-Pierre Farandou estime que si les hypothèses "d'une crise sanitaire maîtrisée à l'automne et d'une reprise des trafics assez rapide et forte" se vérifient, la SNCF "n'aura pas besoin d'aide particulière et pourra se sortir de la difficulté toute seule".
"Notre posture n'est pas de quémander en permanence de l'argent public. Nous sommes une entreprise, une société anonyme (...) c'est à nous de nous en sortir par nous-mêmes. C'est avec cet état d'esprit que nous avons réussi en 2020 à économiser 2,5 milliards d'euros de cash, ce qui n'avait jamais été fait. Nous n'avons pas attendu que l'on nous aide. Nous nous sommes pris en main au maximum pour assurer nous-mêmes notre destin économique".
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