Énergie solaire : la baisse des subventions publiques inquiète la filière photovoltaïque

Les députés ont adopté, en première lecture, l'amendement publié par le gouvernement visant à réviser à la baisse des contrats passés il y a plus de dix ans entre l'État et des producteurs d'énergie photovoltaïque. Une réforme qui provoque la colère des acteurs de la filière, qui craignent un risque systémique sur toutes les énergies renouvelables.
Juliette Raynal
L'engagement de l'État dans la durée sur des prix fixes a notamment permis aux producteurs d'énergie photovoltaïques d'obtenir un financement auprès des banques dans de bonnes conditions, ces dernières disposant alors d'éléments de garantie quant à leur modèle économique et leur capacité de remboursement dans les années à venir.
L'engagement de l'État dans la durée sur des prix fixes a notamment permis aux producteurs d'énergie photovoltaïques d'obtenir un financement auprès des banques dans de bonnes conditions, ces dernières disposant alors d'éléments de garantie quant à leur modèle économique et leur capacité de remboursement dans les années à venir. (Crédits : Pixabay com)

Quelques jours après sa publication, l'Assemblée nationale vient de voter l'amendement au projet de loi de finance 2021, déposé par le gouvernement, visant à réviser à la baisse son soutien à différents parcs photovoltaïques, qui bénéficieraient aujourd'hui d'une rentabilité excessive.

Cette révision, qui provoque la colère de la filière photovoltaïque, vise à modifier certains contrats passés entre 2006 et 2010, assurant aux producteurs un prix de rachat de l'électricité fixe pendant 20 ans. Entre 2006 et 2010, ce tarif était de l'ordre de 600 euros le mégawattheure, soit dix fois les prix de marché actuels. Ce vendredi 13 novembre, elle a été adoptée, en première lecture, à 91 voix contre 32.

Absence de concertation et d'étude d'impact

À droite, Éric Woerth (LR) a dénoncé une "rupture unilatérale de contrat, sans aucune concertation avec la filière. Vous allez vers un grand nombre de contentieux", a-t-il lancé au gouvernement, en lui reprochant "beaucoup d'insouciance dans ce dossier". L'État perd de la "crédibilité" vis-à-vis des "investisseurs et des banquiers", a complété Charles de Courson (Libertés et Territoires).

À gauche, la socialiste Christine Pires Beaune s'est abstenue, favorable à "l'objectif de l'amendement", mais déplorant qu'il soit présenté "au dernier moment" et "sans étude d'impact".

"L'État joue son rôle de régulateur, il y a eu une anomalie" avec ces contrats, a répondu le rapporteur général du budget, Laurent Saint-Martin (LREM).

Comment ces contrats fonctionnent-ils ? Afin de permettre aux énergies renouvelables de se développer dans le pays et de favoriser la création d'une filière, le législateur a mis en place dans les années 2000 un système d'obligations d'achat pour les énergies solaire et éolienne.

Concrètement, l'État achetait, via EDF, l'énergie solaire produite par les producteurs à un tarif fixé pour une durée de 20 ans. Objectif : proposer un prix suffisamment élevé pour qu'il suscite le développement des projets photovoltaïques. Cet engagement de l'État dans la durée sur des prix fixes a notamment permis aux producteurs d'énergie photovoltaïques d'obtenir un financement auprès des banques dans de bonnes conditions, ces dernières disposant alors d'éléments de garantie quant à leur modèle économique et leur capacité de remboursement dans les années à venir.

Une rentabilité "hors de proportion"

Aujourd'hui, l'État estime que ces tarifs d'achat garantis offrent à certains producteurs une rentabilité "hors de proportion avec une rémunération normale des capitaux investis", le coût de production de l'énergie solaire ayant sensiblement baissé grâce aux économies d'échelle. Cette rentabilité excessive s'effectue au détriment du contribuable, mais nuit également au soutien d'autres énergies renouvelables, explique le gouvernement.

Selon l'État, les 235.000 contrats passés entre 2006 et 2010, représentent moins de 1% de la production d'électricité nationale et 5% de la production d'électricité renouvelable. Toutefois, ils concentrent le tiers du soutien public aux énergies renouvelables pour environ 2 milliards d'euros par an, et ce, pour encore une dizaine d'années, souligne le gouvernement en quête d'économies.

Jusqu'à 4 milliards d'économies au long cours

L'amendement ne vise que les installations photovoltaïques dont la puissance de crête est supérieure à 250 kilowatts. Selon le gouvernement, environ 800 contrats seraient donc concernés. Le texte, qui doit être précisé par arrêtés, prévoit également des dérogations dans le cas où la viabilité économique du producteur serait compromise.

Par cette réforme, il espère réaliser une économie d'environ "350 ou 400 millions par an", soit une économie totale de "4 milliards" d'euros pour ces contrats au long cours. Ces montants seront "réinjectés dans les aides pour les énergies renouvelables", a affirmé Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique.

De son côté, le collectif Solidarité Renouvelables, qui rassemble 300 entreprises des énergies renouvelables, estime que "ce projet fera perdre de l'argent au contribuable", sans toutefois chiffrer cette perte. Le collectif pointe notamment un "lourd et invraisemblable mécanisme de décrets, arrêtés, discussions opérateur par opérateur, qui mobilisera un temps considérable de l'administration comme des entreprises".

Lire aussi : Énergie solaire : pourquoi la colère gronde dans la filière

Plus globalement, la filière s'inquiète des effets directs et indirects de cette réforme. Les professionnels du secteur redoutent les faillites et suppressions d'emplois, mais aussi le durcissement des financements et la frilosité des investisseurs sur les projets futurs, pénalisant toutes les filières des énergies renouvelables.

EDF a indiqué, ce vendredi, son intention de se défendre, estimant ne pas avoir bénéficié d'une "rémunération excessive". Selon son directeur financier, Xavier Girre, 150 MW de ses actifs seraient potentiellement exposés à cette révision.

Un risque systémique pour la filière ?

De son côté, le gouvernement balaie l'argument du risque systémique sur l'avenir des énergies renouvelables en s'appuyant sur un précédent concernant la révision, en 2018, des tarifs de l'éolien offshore. Ce risque avait également été avancé par la filière, mais le gouvernement était allé au bout de sa démarche. Selon lui, cela n'avait pas engendré des difficultés de financement des nouveaux projets d'énergies renouvelables.

"Contrairement à ce que la ministre Barbara Pompili a déclaré aux parlementaires, la renégociation des projets éoliens offshore qui s'était tenue en 2018 concernait des installations non encore construites et les contrats pas encore signés. Rien à voir avec la baisse des prix du solaire qui touchera des centrales et des emplois bien réels", a réagi dans un communiqué le collectif Solidarité Renouvelables.

Pour sa défense, le gouvernement rappelle aussi qu'il ne prévoit pas de baisser ses autres soutiens aux énergies renouvelables, qui représentent plus de 110 milliards d'euros au cours des 20 prochaines années. Entre 2020 et 2021, ce soutien devrait ainsi grossir de près de 25%.

(Avec AFP)

Juliette Raynal

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Commentaires 7
à écrit le 15/11/2020 à 9:13
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Enfin l’Etat met fin à la subvention scandaleuse du photovoltaïque. Non seulement ça ne sert à rien chez nous sur le plan environnemental (émissions de CO2 supérieures au nucléaire sur le cycle total de vie!), mais on importe les panneaux de Chin...

à écrit le 15/11/2020 à 9:09
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Et les néonicotinoïdes sont en cours d'être définitivement légalisés. Bienvenu en UERSS, empire prévu pour durer mille ans.

à écrit le 15/11/2020 à 9:00
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C’est incroyable dans notre pays, on ne sait rien faire sans subventions. La subvention est un poison anti économique.

à écrit le 14/11/2020 à 16:23
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Quand on prend des mesures artificielles, et non en phase avec les lois du marché, il est normal de les réviser quelques années plus tard. Ca a été la même chose avec le gazole pour les voitures diesel, ça sera la même chose avec la subvention sur le...

à écrit le 14/11/2020 à 14:19
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L'Etat fait de nouveau n'importe quoi. Oui il y a eu des sur-rémunérations dantesques... mais cela il fallait le traiter AVANT pas 10 ANS après ! L'argent est déjà parti loin... intéressez vous de près aux fortunes personnelles qui se sont créées ...

le 15/11/2020 à 7:43
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Je confirme qu ils se marrent vraiment, même confinés (à la française)

à écrit le 14/11/2020 à 8:50
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Si les subventions ne servent qu'a nourrir des actionnaires, on n'en voit pas l'utilité!

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