"Les perspectives restent très bonnes pour les énergies renouvelables"

LE MONDE D'APRÈS. Pour Xavier Barbaro, PDG du producteur d'énergies renouvelables Neoen, la crise du coronavirus va pousser les pays à produire de l'énergie de manière décentralisée et sans dépendre des importations.
(Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Lors de la publication de vos résultats annuels, vous avez prévenu que votre rythme de construction et de mises en service allait ralentir. Quels sont les défis que vous rencontrez ?

Xavier Barbaro - Nous anticipons des perturbations qui s'étalent sur douze mois. Nous faisons partie de la minorité des entreprises qui n'ont pas interrompu leurs activités. Nos salariés sont habitués à se déplacer et à travailler depuis un site distant. En France, la construction de nos centrales a été interrompue mais nos fournisseurs sont en train de s'organiser pour reprendre les chantiers. A l'étranger, la situation dépend des pays. En Australie, par exemple, la construction se poursuit. Sur ces chantiers, les panneaux solaires, les cables électriques, les structures métalliques sont déjà là. Ce qui est train de manquer c'est la main d'oeuvre pour les assembler. Dans les prochains mois, le problème sera différent: il faudra rassembler à nouveau tous ces éléments. Nous risquons d'être confrontés à un effet cumulatif: en raison des vagues successives de confinement, il manquera soit un composant, soit un expert. En outre, nous dépendons aussi d'autorisations administratives, pour lesquelles nous pourrions subir un effet rattrapage où nous serions pris dans le lot de toutes les procédures à relancer.

Pour autant, vous restez confiant sur les perspectives à long terme

Nous sommes intiment persuadés que les perspectives sont très bonnes, car les énergies renouvelables résonnent sur des thèmes actuels extrêmement forts. Notre activité se développait déjà très vite, non seulement parce qu'elle est verte mais aussi parce qu'elle désormais très compétitive sur le plan économique, alors qu'elle était très subventionnée il y a dix ans. S'y ajoute désormais un autre thème dont la valeur n'était jusqu'à présent pas forcément perçue: la capacité de produire de l'énergie de manière décentralisée, à l'échelle d'un pays, sans dépendre des importations. Nous le voyons aujourd'hui, chacun garde ses masques ou ses ventilateurs. Le jour où il y aura une crise dans l'énergie, nous serons bien contents d'avoir une production locale forte. Cette crise va aussi renforcer notre volonté d'avoir des sociétés plus propres, moins polluées. En outre, les changements économiques qui s'amorcent pour le monde d'après seront bénéfiques pour les énergies renouvelables. Que ce soit les voitures électriques, qui sont à un tournant alors que les gens prennent goût à l'absence de pollution et de bruit, ou les datas centers avec le télétravail, la migration vers le cloud et la hausse de consommation de bande passante à la maison. Les renouvelables vont être un thème d'avenir, surtout dans le cadre d'un plan de relance.

Ne faudrait-il pas aussi produire localement les panneaux solaires par exemple ? Est-ce encore possible ?

Bien sûr. Les discussions s'accélèrent pour savoir comment on peut avoir en France des usines de batteries ou de panneaux solaires. Fabriquer un panneau solaire ce n'est pas très compliqué: pour 90% des panneaux dans le monde, c'est du silicium et un peu d'électronique. C'est a dire des choses qui peuvent parfaitement se produire sans que l'on soit dépendant de matériaux étrangers. Les usines chinoises sont de superbes objets industriels, de très grandes tailles, avec d'importantes économies d'échelles. On pourrait avoir les mêmes en France ou en Europe. Il n'est pas encore trop tard: il est encre possible d'avoir une industrie européenne du module photovoltaïque ou de la batterie. Un panneau européen est 10% et 15% plus cher qu'un panneau chinois. Il faut une volonté politique, par exemple en valorisant le bilan carbone dans les appels d'offres et les retombées économiques.

La chute des cours du baril de pétrole est-elle un défi pour les énergies renouvelables, même si certains projets pétroliers vont s'arrêter ?

En tant que citoyen, je ne vais pas pleurer sur la perte d'équilibre économique des sables bitumeux de l'Alberta ou d'autres projets qui sont des aberrations écologiques. Cela peut faire un peu le tri entre les bons projets pétroliers et les mauvais. J'espère cependant que les cours du pétrole remonteront un peu - et d'ailleurs leur niveau n'est pas soutenable pour les pays producteurs qui ont des budgets à équilibrer. Nous avons envie d'être comparés à des prix du pétrole qui sont réalistes. En ce moment, nous ne sommes pas vraiment compétitifs, mais dans six mois nous le serons redevenus. Si on regarde sur les dernières années, en moyenne, nous le sommes. Nos clients restent, en outre, intéressés par notre électricité parce que cela reste une bonne manière de se protéger en s'engageant sur des prix fixes sur plusieurs années.

Le prix du baril va-t-il encore pousser les grands groupes pétroliers à encore accélérer dans le renouvelable ? Et devenir de nouveaux rivaux pour Neoen ?

Leur intérêt pour les renouvelables n'est pas nouveau. BP et Shell s'étaient intéressés au solaire il y a une dizaine d'années. Mais ces grands groupes pétroliers sont en train d'accélérer. Ils sont principalement intéressés par l'éolien en mer, parce que cela ressemble à leurs plates-formes pétrolières, et par le solaire parce que cela se déploie rapidement sans grande barrière à l'entrée. On voit par exemple Total être un acteur très dynamique. Cela ne nous fait pas peur. Nous avons des concurrents de grandes tailles depuis toujours, plutôt des énergéticiens classiques comme Engie ou Enel. Nous sommes suffisamment agiles pour garder notre croissance. En outre, nous sommes sur un secteur très large: environ 200 milliards de dollars par an d'investissements dans le monde. Il y a donc de la place pour des acteurs comme nous.

La COP 26 a été repoussée en raison du virus. Restez-vous confiants sur la capacité des Etats à s'entendre ? Cela était déjà difficile avant, cela risque de l'être encore plus dans un contexte de relance économique et de déficits publics croissants.

Je ne pense pas que ces grands-messes vont donner grand chose. Mais en même temps, ce n'est pas grave. Aujourd'hui, le besoin d'une transition énergétique est suffisamment ancré dans l'esprit de chaque pays, de chaque entreprise, de chaque consommateur pour que nous n'ayons plus besoin de grands accords internationaux, trouvés dans la douleur au cours de la dernière nuit de négociations, qui ne sont de toute façon pas complètement engageants et qui peuvent être remis en cause par le gouvernement suivant. Ce qui important, c'est ce qui est en train de se passer en ce moment. Cela va accélérer la volonté des consommateurs finaux de participer à la transition énergétique, la volonté des grandes entreprises de montrer qu'elles jouent le jeu, la volonté des Etats réinternaliser la production énergétique avec du renouvelable. Je serai ravi que la COP 26 débouche sur quelque chose, mais nous n'aurons pas de cela pour avancer.

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Commentaires 13
à écrit le 20/04/2020 à 12:52
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Pourquoi des énergies dites renouvelable, alors que 95%de notre énergie électrique en France est verte (nucléaire + hydroélectrique ) Occupons nous plutôt de la mobilité avec l’hydrogène et moteurs électriques sans batteries qui polluent. Denigaray

à écrit le 19/04/2020 à 10:22
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Répétons le: la production électrique en France, 75% nucléaire, les barrages 13%, l'éolien 5% (pour plus de 7000 moulins)..

à écrit le 19/04/2020 à 1:42
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Ce clown parle de produire des panneaux solaires en France. Mais alors, il va sans doute nous expliquer pourquoi il a construit la centrale de Cestas ("plus grande d'Europe") en faisant appel aux fournisseurs chinois Yingli et Trina Solar? Encore un...

à écrit le 18/04/2020 à 16:27
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Ca sent la levée de fond... moi, je dis ça, je dis rien ...

à écrit le 18/04/2020 à 10:15
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Ces gens vont achever la destruction de la stabilité énergétique en France. Les ENR ne sont pas capables de répondre à nos besoins, l'expérience allemande est catastrophique. La nuit pas de soleil, et en Allemagne une cinquantaine de jours sans ven...

le 20/04/2020 à 16:32
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SVP, pourquoi interviewer quelqu'un content de lui qui n'imagine pas un seul instant que les EnR telles qu'elles sont promues en haut lieu (avec l'argent des contribuables pour subventionner de façon honteuse le lobby éolien) suscitent rejet social ...

à écrit le 18/04/2020 à 9:03
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Energies renouvelables ! Vous avez dit « énergies renouvelables ». A qui profite ce mouvement sinon à de très grosses sociétés ? Encore faudrait il que le consommateur lambda puisse y accéder, ce qui n'est pas vraiment le cas. Qui se graisse sur cet...

à écrit le 17/04/2020 à 21:38
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Encore un publi-article ne servant qu'à la propagande de ces sociétés soit disant "ipp", (independent power producer)... qui ne sont que des pompes à subvention payées par vous et moi... la débâcle économique qui nous guette doit nous obliger à fai...

à écrit le 17/04/2020 à 16:17
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Posons nous effectivement la question de ts ces biens ou matière 1ere essentiels plus ou moins stratégiques produits ailleurs ou importés dt nous dépendons non-seulement pour nous soigner, mais aussi pour produire l'énergie que nous consommons, fabri...

à écrit le 17/04/2020 à 15:47
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Les éoliennes sont subventionnées, ces entreprises devraient être soumises à la loi du marché, juste histoire de connaitre le taux de survie.

à écrit le 17/04/2020 à 14:29
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" il est encre possible d'avoir une industrie européenne" encore Les panneaux chinois moins chers sont produits avec du charbon ou du nucléaire ? 10% moins cher mais avec quel résultat écolo/CO2 émis en notre nom mais absent de notre bilan carbone ...

à écrit le 17/04/2020 à 13:43
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Les énergies renouvelables, le bio et les caprices des bobos semblent tellement loin de la nouvelle donne du corona virus qu'il faudrait en rire si la situation de survie de l'humanité n'était pas remise en cause par un simple virus dont on ne sait m...

à écrit le 17/04/2020 à 12:52
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après la bataille et ses morts abandonnés sur le terrain , ceux sont toujours les charognards qui investissent en premier les lieux .

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