Les erreurs de 2008 ne doivent pas être répétées. C'est l'objectif poursuivi par l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE), qui publie aujourd'hui une "note politique" insistant sur les "options pour une sortie de crise favorable au climat".
"Après la crise financière de 2008, les Etats ont soutenu les secteurs les plus carbonés, et les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté", déplore en effet l'Institut.
Mais depuis que la France s'est fixé un objectif de neutralité carbone en 2050, "perdre une décennie de plus pour l'action climatique ne peut être une option", souligne le think tank. D'autant plus que, comme le montrent de récentes études sur les effets sanitaires de la pollution de l'air, lutter contre le réchauffement permet aussi de mieux préserver la santé de la population, et que divers travaux révèlent aussi un lien entre précarité énergétique et santé dégradée.
Or, "l'action climat, au-delà de la phase d'urgence sanitaire, peut concourir efficacement aux exigences de dynamique économique et de résilience pour notre société", estime l'Institut.
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Sept secteurs qui concentrent les investissements bas-carbone
I4CE insiste alors tout d'abord sur la nécessité d'"éviter à tout prix les mesures de relance économique néfastes pour l'environnement et la santé": par exemple, tout allègement de la fiscalité sur les combustibles fossiles. Il identifie ensuite une trentaine de mesures permettant d'atteindre les objectifs d'investissement exprimés dans la Stratégie nationale bas-carbone, dans "sept secteurs particulièrement importants car regroupant les deux tiers des investissements bas-carbone du pays": la rénovation des bâtiments tertiaires (publics et privés), le déploiement des véhicules électriques, les infrastructures de transport en commun, les infrastructures ferroviaires, les aménagements cyclables, et la production d'électricité renouvelable - pour laquelle I4CE appelle notamment à ne pas supprimer les appels d'offres annoncés.
Ces mesures "sont susceptibles de maintenir le pays sur une trajectoire ambitieuse en matière de climat, tout en développant des activités économiques essentielles et en renforçant notre capacité collective à affronter de futurs chocs", est convaincu le think tank.
7 milliards déclenchant 18 milliards d'euros d'investissements
Une politique climatique ambitieuse permettrait en effet à la France d'accroître sa crédibilité face à l'Union européenne, qui est en train d'élaborer son Pacte vert, détaille IC4E. Elle réduirait en outre la sensibilité du pays face à une nouvelle hausse des prix du pétrole: une possibilité qui, malgré la baisse actuelle, ne peut pas être exclue selon le think tank.
"Pour la France, sur le long terme, un bon baril de pétrole n'est pas un baril à 20 plutôt qu'à 100 euros. C'est un baril non importé", souligne Patrice Geoffron, professeur d'économie à l'Université Paris-Dauphine.
Selon I4CE, qui assortit chacune de ces mesures "d'un plan de financement évaluant les contributions des pouvoirs publics, des entreprises, des ménages et des institutions financières", elles impliqueraient dans leur ensemble un plan de financement public de 7 milliards d'euros par an, jusqu'à 2023, permettant de de déclencher 18 milliards d'euros d'investissements publics et privés annuels. Ils viendraient s'ajouter aux 46 milliards d'euros d'investissements en faveur du climat déjà recensés en 2018 par I4CE, et porteraient les investissements des pouvoirs publics à 19 milliards annuels.
"Pour les investisseurs institutionnels, associés au dispositif, un tel plan représenterait l'occasion de monter au créneau et de trouver des projets sur lesquels investir", souligne Hadrien Hainaut, chef de projet du Panorama des financements climat d'I4CE issu en 2019.
L'enjeu du financement toujours en suspens
L'effet d'impulsion de l'ensemble des mesures serait notamment le résultat de cinq axes d'action combinés, explique l'institut. Les investissements publics se concentreraient sur la rénovation des bâtiments de l'Etat et des collectivités, mais aussi sur l'électrification des flottes de véhicules publics et sur les infrastructures de transport en commun. Ils seraient complétés par des subventions publiques visant à encourager, malgré la baisse du prix des énergies fossiles, la rénovation des logements privés, l'achat de véhicules électriques par les ménages et les entreprises, ainsi que les travaux de rénovation des bâtiments tertiaires.
Ces subventions s'accompagneraient d'ailleurs d'obligations de résultat en matière de consommation d'énergie et d'émission de gaz à effet de serre, "ciblées et séquencées dans le temps", "s'appliquant notamment aux propriétaires de logements énergivores, aux acquéreurs de logements anciens ou aux entreprises détenant les locaux tertiaires". "Des outils financiers, comme des prêts à taux faible ou nul et de longue durée, distribués par les banques publiques et le réseau des banques commerciales", permettraient en outre aux ménages modestes et aux PME de lancer des projets ambitieux même sans trésorerie. Ils devraient intégrer un accompagnement technique répondant au besoin d'expertise, selon I4CE.
"La question de comment financer cette relance publique reste en revanche ouverte", précise toutefois Hadrien Hainaut. "Que la relance soit brune ou verte, sa nécessité semble acquise et le problème de son financement va en tous cas se poser", explique Patrice Geoffron. Mais en retenant la leçon du mouvement des gilets jaunes, engendré par une hausse de la fiscalité carbone, les propositions de I4CE tentent d'offrir des alternatives par rapport au recours à cet outil, souligne Hadrien Hainaut.
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