Transition énergétique : Argentan, ville modèle

NORMANDIE. Méthanisation, éolien, solaire, réseau de chaleur, sobriété… L’intercommunalité d’Argentan, dans l’Orne, fait feu de tout bois pour atteindre l’autonomie énergétique grâce aux renouvelables. Elle a parcouru presque un tiers du chemin et file droit vers le 100% ENR. Son tiercé gagnant : une volonté politique inoxydable, une équipe technique aguerrie et une stratégie claire en faveur d’une énergie « verte » et locale.
Les bus roulent au biogaz produits par les 4 méthaniseurs qu'abritent l'intercommunalité qui pourrait être autonome en gaz à horizon 2028, selon GRDF.
Les bus roulent au biogaz produits par les 4 méthaniseurs qu'abritent l'intercommunalité qui pourrait être autonome en gaz à horizon 2028, selon GRDF. (Crédits : Argentan Intercom)

L'histoire débute en 2016 avec un chiffre en bas d'une colonne. Cette année-là, un diagnostic demandé par l'exécutif de la communauté de communes calcule le montant global des achats d'énergie que réalisent les 49 communes, les entreprises et les habitants d'Argentan Intercom pour s'éclairer, se chauffer, se nourrir ou se déplacer. Toutes énergies confondues, la facture se monte alors à 93 millions d'euros par an. Une montagne pour cette petite agglo « rurbaine » d'à peine 35.000 âmes, à cheval entre ville et campagne.

« L'ampleur de la dépense a fait l'effet d'un électrochoc sur les élus. A partir de là, on les embarqué dans plusieurs programmes », se souvient Karine Bosser, coordinatrice du pôle territoires durables au sein de l'Ademe Normandie.

Sobriété bien ordonnée commence par soi-même

Avec un programme d'action en guise de boussole, l'intercommunalité prend le taureau par les cornes. Sa première mesure consiste à éteindre l'éclairage nocturne : une démarche quasi-généralisée aujourd'hui mais inusitée à l'époque. « Cela a été décidé en 2017 sous mon prédécesseur à un moment où la sobriété était un gros mot », se félicite Frédéric Leveillé, président de l'interco et maire PS d'Argentan. Grâce aux économies réalisées, des LEDs remplacent les lampes au néon des candélabres publics. Bilan total, une baisse de la facture de 175.000 euros. Mais ce n'est qu'un début.

C'est à son patrimoine bâti que la collectivité s'attaque ensuite, avec un schéma dit de sobriété foncière qui ne laisse rien au hasard. Les passoires thermiques sont traquées et les systèmes de chauffage modernisés, ajustés en temps réel. Deux écoles sont regroupées et plusieurs associations invitées à migrer dans des locaux moins énergivores. Les bâtiments délaissés sont remis sur le marché : 5.000 mètres carrés sortent des actifs de l'interco à la faveur de ce meccano immobilier. Soit près de 20% de la surface du parc. A la clef là encore, une baisse des coûts de l'énergie, des charges d'entretien... et des marges de manœuvre pour investir.

Le mix, c'est chic

Symptôme de l'ambition, le service aménagement voit ses effectifs multipliés par cinq et est rebaptisé tout simplement « urgence climatique ». Tout un symbole. « La couleur est clairement affichée », résume en souriant son responsable, Didier Bouvet. Le casting est soigné, débutants s'abstenir. « Les élus peuvent compter sur des techniciens très affûtés qui sont force de proposition », salue Karine Bosser en connaisseuse. Entre autres missions, l'équipe a notamment celle de décliner l'objectif « 100% d'énergies renouvelables » que s'est fixé l'interco à horizon 2038. Et prière de ne pas y voir une promesse en l'air. « Il est probable que nous y arrivions un peu avant », pronostique son président sans fanfaronner.

Aujourd'hui, Argentan Intercom couvre déjà le quart de ses besoins énergétiques -plus de deux fois la moyenne régionale- et devrait tutoyer les 30% début 2023. Le mix, Graal de la transition, n'y est déjà plus une vue de l'esprit. Depuis 2018, un réseau de chaleur raccordé à une chaudière au bois déchiqueté alimente les radiateurs de 20.000 habitants de la ville centre. Il voisine avec 16 éoliennes qui, en plus de trois petits méthaniseurs en cogénération, fournissent un peu plus du tiers de la consommation électrique. Une singularité dans un département, terra incognita des moulins à vent. « La communauté de communes comptera en janvier 4 nouvelles éoliennes, soit 20 sur les 22 raccordées dans l'Orne », rapporte Didier Bouvet.

Du biogaz oui, mais en circuit court

Le territoire a aussi su tirer parti de son ADN paysan. Quatre méthaniseurs agricoles, installés sur des exploitations, complètent son écosystème. Ils alimentent le réseau et une flotte de bus au bioGNV avant peut-être l'installation d'une station de recharge publique pour décarboner plus largement le secteur des transports. « Argentan est déjà exportatrice de biogaz en été et pourrait atteindre l'autonomie en 2028 », indique t-on chez GRDF. GRT Gaz a d'ailleurs construit un « rebours », le premier en Normandie, pour pouvoir distribuer l'excédent sur le réseau régional.

Pas question pour autant d'ouvrir les bras à n'importe quel projet gazier au prétexte de la souveraineté énergétique. « Le réseau permet d'accueillir quelques autres unités dans un rayon de quarante kilomètres mais il faut qu'elles intègrent la notion de circuit court », précise Didier Bouvet avec insistance. Frédéric Léveillé ne dit pas autre chose.

« Il faut avoir une vision locale de la méthanisation. Si la matière première à gazéifier vient de trop loin, c'est une absurdité en terme de bilan carbone », prévient t-il.

Avec les compliments de l'Ademe

Pour l'heure, c'est plus sur la chaleur fatale industrielle et l'économie circulaire que table l'intercommunalité pour honorer ses engagements. Un projet de coopération entre 16 entreprises vient d'être lancé avec la complicité de l'Agence de l'environnement. Dans les tuyaux également, la construction d'une centrale photovoltaïque sur une ancienne friche et la montée en puissance de l'autoconsommation collective. 600.000 euros sont inscrits au budget 2023. Le but : déployer des panneaux solaires sur une trentaine de bâtiments publics dès l'an prochain.

« Argentan fait partie de la quinzaine de villes moyennes françaises que nous citons en exemple parce qu'elle tire les fils de la transition dans tous les domaines et n'arrête pas de progresser », salue Karine Bosser à l'Ademe. Un modèle en somme.

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Commentaires 2
à écrit le 14/12/2022 à 13:13
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en 6 ans, ils ont reussi a redresser les finances. Bravo. Un exemple pour nos technocrates

à écrit le 14/12/2022 à 7:23
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Tiens, on entend pas les bien-pensants crier au complotisme? Panier de crabes un jour, panier de crabes toujours, ainsi navigue le monde des politiques et technocrates

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