Vrac : Franprix veut s'adapter au marché et au projet de loi climat

L'enseigne de distribution est déterminée à se positionner sur le marché du vrac, qui affiche des taux de croissance rares dans l'alimentaire. Elle lance une expérimentation avec une dizaine de grandes marques.
Giulietta Gamberini
Le projet de loi Climat et résilience prévoit d'ailleurs qu'avant 2030, 20% de la surface de vente des commerces de plus de 400 mètres carrés soit consacrée à la vente en vrac.
Le projet de loi "Climat et résilience" prévoit d'ailleurs qu'avant 2030, 20% de la surface de vente des commerces de plus de 400 mètres carrés soit consacrée à la vente en vrac. (Crédits : DR)

Pratique consistant à acheter des produits non conditionnés au poids, qui constituait la règle du commerce avant l'invention de l'emballage, le vrac fait déjà son grand retour en France depuis quelques années. Entre 2013 et 2019, le chiffre d'affaires du secteur est passé de 100 millions d'euros à 1,2 milliard d'euros, et a crû de 41% sur la seule année 2019, selon le dernier bilan de l'organisation professionnelle Réseau Vrac, qui espère réaliser 3,2 milliards d'euros de ventes en 2022. Et même la crise sanitaire n'a pas ébranlé cette tendance, portée d'une part par la volonté des consommateurs de réduire leurs déchets, d'autre part par l'envie de mieux maîtriser leur budget: malgré l'inaccessibilité de certains magasins ou rayons de produits en vrac pendant le premier confinement, pour 84% des adhérents de l'organisation professionnelle, "le chiffre d'affaires au 16 juin 2020 était déjà plus élevé qu'un an plus tôt", a déclaré en septembre sa directrice générale, Célia Rennesson, à l'AFP.

Le projet de loi "Climat et résilience", présenté par le gouvernement le 10 février, vient consacrer et renforcer cette tendance. Il prévoit en effet qu'avant 2030, 20% de la surface de vente des commerces de plus de 400 mètres carrés soit consacrée à la vente en vrac. Une ambition certes bien inférieure à celle de la Convention citoyenne pour le climat, qui proposait d'imposer, à la même date, le vrac dans la moitié de la surface des magasins de taille grande ou moyenne, mais sans doute susceptible de pousser la grande distribution - qui tout en représentant déjà 50% du marché du vrac, y consacre encore souvent juste quelques rayons d'oléagineux et de fruits secs - à anticiper une transformation qui s'annonce inéluctable.

L'objectif de "démocratiser" le vrac

C'est justement ce que tente de faire Franprix, pour qui l'obligation du projet de loi "Climat et résilience", telle que rédigée par le gouvernement, pourrait s'appliquer à un tiers des 900 magasins. L'enseigne, qui aujourd'hui propose déjà un rayon vrac dans quelque 200 points de vente,  s'est notamment fixé l'objectif de proposer du vrac dans l'ensemble de son parc avant la fin de 2022, en y vendant, "sur quatre à quinze mètres carrés, plusieurs dizaines de produits d'épicerie classique", détaille son directeur de la stratégie et de l'innovation, François Alarcon.

Lire aussi: Franprix lance une offre de "repas zéro déchet"

Franprix est en effet déterminé à ne pas rater l'opportunité de taux de croissance rares dans un marché alimentaire plutôt stable, et même bien supérieurs à ceux du bio (+13,5% en 2019). Sa stratégie consiste notamment à "démocratiser" le vrac, en le rendant accessible au-delà des clients déjà "convaincus" et souvent adeptes des magasins bio ou des produits en circuits courts.

"Contrairement à l'idée reçue d'un vrac apanage des bobos parisiens, cette pratique concerne surtout des Français de plus de 50 ans vivant en milieu rural", observe François Alarcon, en citant une étude récente du Réseau Vrac.

Plus de transparence sur les quantités et les prix

Franprix oeuvre donc au dépassement des difficultés qui aujourd'hui freinent le développement du vrac dans la grande distribution, dont une grande partie tiennent justement à la nécessité de rassurer les clients encore réfractaires. Pour vaincre une première résistance des consommateurs, découlant de leur envie de connaître le prix exact des produits achetés avant leur passage en caisse, l'enseigne expérimente ainsi l'installation d'un système montrant pendant l'acte d'achat, comme pour les pompes à essence, la quantité choisie et son coût, enregistrés ensuite sur un ticket à présenter en caisse. Un équipement qui devrait également permettre aux clients d'utiliser leurs propres emballages, la tare étant précalculée.

Mais surtout, pour vaincre la méfiance de certains consommateurs vis-à-vis de la qualité des produits, souvent anonymes, proposés en vrac, l'enseigne a lancé fin 2020, dans quatre magasins de Paris et d'Île-de-France, un projet pilote de six mois en partenariat avec douze marques nationales telles que Panzani, Carambar et Kellog's, portant sur plus de 24 produits.

Une chaîne encore à organiser à grande échelle

"L'objectif n'est pas de tester la demande, que l'on sait exister, mais le modèle économique et logistique: l'assortiment, le prix etc. A grande échelle, la chaîne du vrac est encore à organiser", explique François Alarcon.

Convaincues par le potentiel du marché du vrac, l'enseigne et les marques se sont en effet engagées "à ce que ces produits soient vendus au même prix ou un peu moins chers (5% environ) que leurs équivalents emballés". Mais cela correspond à un effort des producteurs et du distributeur sur les marges, plutôt qu'à une véritable économie d'échelle, qui ne sera éventuellement possible qu'à plus long terme, lorsque la logistique sera perfectionnée, note François Alarcon.

Les producteurs sont en outre confrontés au défi de revoir en profondeur leurs modes de conditionnement, souligne le directeur de la stratégie et de l'innovation de Franprix. Et une étude doit encore être menée visant à assurer que le vrac de ces grandes marques est véritablement vertueux sur le plan environnemental, précise-t-il.

Des tâches simplifiées dans les magasins

Franprix se penche aussi sur les résistances au vrac internes à ses magasins, découlant essentiellement de la nécessité de multiplier les opérations d'entretien, notamment le nettoyage et le remplissage des bacs contenant les produits. L'enseigne expérimente donc avec un fabricant d'équipements spécialisés, Bulk and Co, et avec un logisticien, FM Logistic, une solution fondée sur l'utilisation de trémies pré-remplies dans un site de Saine-et-Marne, où les produits sont directement livrés par les fournisseurs en gros conditionnements.

"Cela permet de simplifier les tâches et de gagner du temps dans les points de vente", résume Francois Alarcon.

Une fois les trémies vides, elles sont jetées, mais le carton est recyclé. L'empreinte carbone de ces trémies à usage unique est ainsi égal à celle des trémies en plastique réemployables sur l'ensemble de leur durée de vie, assure Franprix.

Grâce à ces améliorations, la vente des produits solides "est susceptible d'être amenée à l'échelle des produits emballés du même rayon", parie l'enseigne. Les obstacles semblent en revanche plus difficiles à dépasser pour les produits liquides. Le "marché n'est encore pas mûr pour une démocratisation", juge Franprix, qui travaille pourtant avec Jean Bouteille, l'un des acteurs les plus anciens acteurs du secteur.

Giulietta Gamberini

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Commentaire 1
à écrit le 16/03/2021 à 10:04
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c'est adapte a certains produits, pas a d'autres apres y aura des effets pervers de gens ecolos qui viendront acheter 10 fois 3 noix de cajoux qu'ils mettront dans des sacs en papier pour avoir bonne conscience

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