La privatisation des sols cultivables soulève les passions en Ukraine

La population rurale s'oppose à la vente prochaine des terres. Elle redoute que l'opération ne profite qu'à une poignée d'affairistes proches du pouvoir.
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Le gouvernement ukrainien est-il en train de préparer l'arnaque du siècle ? C'est ce que clame l'opposition pro-occidentale et une bonne partie des experts. Le « grenier à blé » de l'Europe (ainsi surnomme-t-on l'Ukraine) sera en vente à la découpe à partir du 1er janvier 2012. Les 60 millions d'hectares arables du pays sont la dernière grande ressource de l'État, car selon l'économiste Leo Krasnojon, « tous les morceaux juteux de l'économie ukrainienne (métallurgie, énergie, charbon, construction de machines...) ont été bradés aux oligarques pendant les années 1990. Seule l'agriculture n'est pas encore tombée entre leurs pattes ».

Kiev reste l'un des principaux acteurs du marché céréalier mondial. Ses exportations de grain représentent 15 % du PIB ukrainien et 7,5 milliards de dollars par an. Selon le président ukrainien, Viktor Ianoukovitch, l'État pourrait « récolter » plus de 50 milliards de dollars avec la privatisation des terres agricoles.

Reste que l'agriculture est un secteur socialement très sensible dans un des pays les plus ruraux d'Europe avec 7 millions de propriétaires de lopins. Mais le secteur souffre d'une productivité deux fois inférieure à celle de l'Europe occidentale, en raison des déficits d'investissement et d'un manque de savoir-faire.

Prix artificiels

« Ceux qui vont récupérer les terres ne sont ni les agriculteurs ni ceux qui ont l'argent, comme les investisseurs étrangers », estime Vladimir Zastava, expert de l'Institut Gorchenine. « La ressource qui fait la différence, ce sont les relations avec le pouvoir. » De fait, des mécanismes destinés à maintenir artificiellement bas le prix de la terre ont été introduits pour permettre à des proches du pouvoir de rafler le plus de lopins possible. Il s'agit de l'interdiction d'exporter des céréales, qui vient d'être levée mais qui a durement frappé les producteurs, ainsi que l'interdiction faite aux étrangers d'acheter la terre ukrainienne. Alex Lissitsia, président du Club des affaires agricoles, estime que, « si on autorise la vente aux étrangers, le prix de la terre sera entre ceux pratiqués par la Pologne et par la Russie, soit autour de 1.500 dollars l'hectare. Sans les étrangers, le prix tournerait autour de 400 dollars ».

Selon un banquier occidental, « un tiers des terres arables déjà privatisées sont déjà entre les mains d'agro-holdings contrôlés par des gens proches du pouvoir. Ils utilisent toutes leurs ressources administratives et la corruption pour racheter à vil prix dans l'objectif de vendre plus tard aux prix du marché ».

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