Ces Russes convertis aux recettes chinoises

Anatoli Artamonov, le gouverneur de Kalouga, à 200 km au sud de Moscou, est parvenu en quelques années à revitaliser l'économie régionale grâce à une recette simple : accessibilité des décideurs, zones indus-trielles clés en main et rabais fiscaux.
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Hormis la proximité avec Moscou, rien ne prédestinait la région de Kalouga à connaître un tel succès auprès des investisseurs étrangers, ni à attirer les technologies de pointe. Concentrée autour des industries du complexe militaro-industriel et de l'agriculture, l'économie régionale a sombré dans la dépression à la fin de l'URSS. Le premier rayon de lumière est apparu en 1998, quand le brasseur britannique SAB Miller s'y installe. Mais le vrai déclic, c'est en 2007, quand Volkswagen y implante son usine d'assemblage. En fait, Anatoli Artamonov avoue s'être inspiré de l'exemple de zones industrielles en Chine et aux États-Unis. « Ce que j'ai retenu, c'est que les Chinois développaient des tas de zones industrielles "clés en main", avec une infrastructure toute prête. » L'arrivée de Volkswagen a été un « tournant ».

Première région pour la croissance industrielle

Très vite, d'autres constructeurs comme PSA, Mitsubishi et Volvo Trucks se sont engouffrés, formant l'un des principaux clusters automobiles du pays. Des dizaines d'équipementiers ont suivi (Faurecia, l'espagnol Gestamp ou le canadien Magna). La région a entre-temps créé huit parcs industriels divisés en trois clusters sectoriels : automobile, logistique et pharmaceutique. Des géants comme AstraZeneca, Samsung, L'Oréal, Lafarge, General Electrics ont construit ou construisent des usines ; 12.000 emplois ont déjà été créés et 10.000 doivent l'être d'ici à 2015. Depuis 2006, la région a attiré 5 milliards de dollars d'investissements étrangers directs. « Le rythme annuel d'un milliard de dollars par an devrait se poursuivre et pourrait même augmenter », affirme Anatoli Artamonov. Résultat, Kalouga est en tête des régions russes en termes de croissance industrielle et en troisième position en volume d'investissements directs avec 8 % du total, devancée uniquement par Moscou et Saint-Pétersbourg. Un exploit pour une région qui ne compte qu'un million d'habitants...Le secret de Kalouga ? L'accessibilité de l'administration et ses efforts - uniques en Russie - pour mettre les investisseurs à l'aise. Anatoli Artamonov distribue son numéro de téléphone portable à tous les investisseurs potentiels et... même aux journalistes de passage. Une pratique singulière dans un pays où les hauts (et moyens) fonctionnaires sont par principe injoignables. Les dirigeants étrangers des usines locales ont confirmé avoir en poche le téléphone du gouverneur et, à l'occasion, s'en sont servi. « Ce qui est véritablement exceptionnel, explique Josep Rodo, directeur général de Gestamp, fournisseur de pièces automobiles pour Volkswagen et PSA à Kalouga, c'est que nous avons pu construire des rapports personnels à tous les niveaux de l'administration. » Et pourtant, Anatoli Artamonov, 62 ans, n'a guère le profil d'un libéral. Membre de Russie Unie, le parti soutenant Vladimir Poutine, il explique sa transformation par du simple bon sens : « Je me suis trouvé au début des années 2000 face à un problème de chômage important. 50 % de l'économie locale était liée à la fabrication d'armes. Nous avons compris que si nous ne développions pas notre industrie via des investissements directs, nous ne pourrions pas faire face aux besoins sociaux. »

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