« Pari perdu »

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Arturo Mas a raté dArtur Mas, le leader de Convergencia i Unio (CiU), dimanche soir. Son parti est passé de 62 à 50 sièges au parlement catalan.Copyright Reuters

Arturo Mas a raté dimanche son pari. Le leader de Convergencia i Unio (CiU), la première formation de la coalition qui dirige la Catalogne, et avait réuni des millions de personnes en septembre dans les rues de Barcelone en faveur de l'indépendance, n'obtiendra pas la majorité absolue des 135 sièges que compte le parlement catalan , l'objectif qu'il s'était fixé. Pire, selon des résultats provisoires, il perdrait 12 sièges sur les 62 qu'il détenait, et c'est ERC (Esquerra Republicana de Catalunya), le parti « catalaniste » de gauche radical qui va doubler ses sièges (21 au total) et devenir le grand gagnant de la soirée...

Si le référendum sur l'autonomie, c'est-à-dire l'indépendance de la Catalogne, se tiendra bien dans les prochaines années, il est moins assuré que les Catalans veuillent dans leur majorité rompre leurs liens avec Madrid. La grave crise que traverse l'Espagne affecte aussi leur région, une des plus riches du pays avec un PIB représentant quelque 20% du PIB espagnol: par habitant, il est compris entre 25.100 euros et 28.000 euros par an (en 2011) tandis qu'il est inférieur à 19.000 euros en Andalousie. Arturo Mas veut obtenir la maîtrise du budget catalan et décider des investissements, d'autant que les indépendantistes rappellent que la Catalogne est une contributrice nette au budget de l'Etat espagnol à hauteur de 15 milliards d'euros.

En récupérant cette manne, la région, qui est aussi la plus endettée du pays, pourrait assurer une réduction de ses déficits publics plus rapidement. Mais cet endettement est d'abord le résultat d'une gestion publique et locale assez laxiste, les exemples les plus connus étant des aéroports sans avions, des centres culturels sans activité culturelle, ou encore plusieurs centaines de milliers d'appartements neufs sans habitants... En en ces temps difficiles, pour la majorité des Catalans, l'heure est donc plutôt à la méfiance et à la circonspection quand aux retombées positives de l'indépendance de la région.

A Paris, Alain Juppé, qui avait accepté de jouer les médiateurs pour résoudre la crise qui menace de faire éclater le premier parti de l'opposition, l'UMP, a jeté l'éponge dimanche soir, car « les conditions ne sont pas réunies. » Jean-François Copé, le président proclamé vainqueur, avait en effet refusé certaines exigences du maire de Bordeaux. François Fillon a donc décidé de son côté de saisir la justice pour, selon ses dires, « rétablir la vérité ». Une démarche qui devrait conduire à un risque de division au sein des assemblées avec la constitution vraisemblable de groupes « fillionistes ». Le pari des primaires à l'UMP aura donc été perdu. Car, et cela n'a pas assez été souligné, c'est l'incapacité de l'UMP elle-même à savoir organiser des élections transparentes qui est en cause. Déficit de culture démocratique des militants? Culte du chef trop développé? Des défauts de fabrication apparus au grand jour... Le Parti socialiste en avait lui aussi pâti au début. C'est peut-être cette faute collective que l'UMP doit d'abord analyser.

Jean-Marc Ayrault, le Premier ministre et ancien maire de Nantes, n'est pas prêt de renoncer à la construction de l'aéroport du Grand-Ouest , un projet d'un montant de 550 millions d'euros qu'il défend depuis toujours. Les heurts violents entre opposants et forces de l'ordre sur le site de Notre-Dame-des-Landes, à 30 km au nord de Nantes, et la politisation de cette opposition ne devraient pas pour autant remettre en cause le projet . L'appel d'offres de la construction et la concession pour 55 ans du futur aéroport a d'ores et déjà été remporté par le groupe français de BTP Vinci. Les travaux devaient commencer début 2013, mais ils pourraient être retardés afin que certaines enquêtes environnementales puissent être menées. L'objectif est d'accueillir 4,5 millions de passagers par an et tous types d'avions. Les infrastructures sont une condition nécessaire mais pas suffisante pour développer l'économie d'une région. En ces temps de crise, et de perspectives négatives, comme le disent les agences de notation, pour la France, le Premier ministre sait que nombre de projets sont impopulaires, notamment en raison des nuisances qu'ils peuvent engendrer à court terme. Mais à long terme, à condition qu'ils soient bien pensés, ils se révèlent précieux dans la compétition économique. C'est le pari qu'il fait.
 

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