Les six maux de l'économie chinoise

Déséquilibres macroéconomiques, endettement public, crainte d'un credit crunch, système bancaire opaque, rééquilbrage à la peine et perte de compétitivité... revue des six maux à l'origine du ralentissement de l'économie chinoise qui affiche pour le premier semestre un taux de croissance de "seulement" 7,6%.
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Une économie ne peut croître à des taux élevés pour l'éternité. Conscients de cette réalité, les dirigeants chinois avaient prévenu, la croissance va ralentir. Confirmation ce lundi, alors que le bureau national des statistiques (BNS) a annoncé une croissance de 7,6% en rythme annuel au premier semestre 2013. Un plus bas depuis 13 ans toutefois conforme aux attentes des économistes. En croissance de plus en plus faible, la production industrielle, comme l'a à nouveau annoncé le BNS, vient elle aussi souligner les failles d'une économie chinoise qui progresse toujours, mais qui se trouve à un moment charnière de son évolution, alors qu'elle est encore très dépendante de la conjoncture mondiale. Tour d'horizon des points de tension de l'économie chinoise.

? Le soutien à l'investissement ne masque plus les déséquilibres

Pour faire face à la faiblesse de la demande extérieure liée à la crise que traversent les économies matures, les autorités chinoises avaient assoupli l'année dernière leur politique monétaire et les conditions de crédit. Objectif: favoriser l'investissement, l'autre moteur de l'économie chinoise, qui montrait lui aussi quelques signes de faiblesse. Cela a fonctionné un temps. Mais désormais, "les signes de reprise du dernier trimestre de l'année 2012 s'estompent," constatait Bei Xu, économiste chez Natixis, il y a quelques semaines.

La raison est simple. Elle tient dans une répartition inégale des crédits. En effet, l'afflux massif de crédits bancaires a surtout bénéficié aux grandes entreprises d'État et aux collectivités locales qui ont principalement dopé la construction et les grands projets. Alors que les entreprises du secteur privé ont connu plus de difficultés pour se financer. Ce qui a eu pour effet de déséquilibrer la structure de l'investissement au détriment de l'investissement productif. En clair, l'industrie n'a pas profité de l'élan donné par Pékin.

? L'endettement des gouvernement locaux croît à vitesse exponentielle

L'autre problème d'une politique de soutien à l'investissement par le crédit est le risque d'endettement excessif. Ce sont surtout les gouvernements locaux qui posent question. En Chine, ils n'ont pas le droit de se financer eux-mêmes. Pourtant, la responsabilité de la relance locale leur a été en grande partie confiée depuis la crise financière de 2008.

Pour palier le manque de liquidités pour financer leurs projets, ils ont eu recours à des sociétés spéciales chargée d'emprunter pour elles qui ont capté une partie des liquidités injectées par la banque centrale. En raison du manque de transparence, il est très difficile de mesurer l'endettement de ces sociétés, dont les emprunts sont souvent garantis par les gouvernements locaux. Différentes études ont toutefois tenté de le chiffrer. Le pire des scénarios estime que leur niveau d'endettement s'élèverait à 40% du produit intérieur brut de la Chine. Récemment, l'agence de notation Fitch a abaissé la note du pays en raison de la rapide expansion de l'endettement de l'économie chinoise, et plus particulièrement des gouvernements locaux.

? Après la relance, la crainte d'un credit crunch

Le 21 juin dernier, la panique s'était emparée du marché interbancaire chinois. Le taux de référence au jour-le-jour, l'équivalent de l'Eonia européen, avait atteint un record de 13,91% avant de reculer nettement en dessous de 8% grâce à l'injection de 50 milliards de yuans par la banque centrale. Ce vent de panique avait été causé par la volonté affichée par les autorités monétaires et politiques de ne pas venir en aide au système bancaire du pays qui fait face à des difficultés.

Pékin est en fait prise en étau entre la nécessité de maintenir une bonne activité de crédit pour ne pas amplifier le ralentissement de l'économie, et "assainir" un système bancaire qui a trop profité de la politique de relance pour s'endetter à bon compte en vue de spéculer. Dans son viseur, les petites banques régionales qui ont trop prêté et dont l'endettement serait devenu insoutenable. Problème : le rééquilibrage de la croissance chinoise repose sur un renforcement de la demande intérieure, et donc en partie sur les investissements. Une stratégie difficile à assumer lorsque l'on cherche par ailleurs à limiter l'expansion du crédit en lâchant ses banques les plus fragiles.

? Le shadow banking, la grande inconnue

L'autre épée de Damoclès qui pèse sur les têtes chinoises, c'est le "shadow banking". Très peu lisible, ce système de financement alternatif par lequel les grandes entreprises, fortes de leurs taux d'emprunts bas et de leur facilité à emprunter, se sont mises à jouer le rôle de banques de l'ombre. En clair, elles se sont mises à emprunter à taux bas pour ensuite prêter aux entreprises en mal de liquidité à des taux bien plus élevés. Avantage pour leurs clients, les "shadow bankers" sont bien moins regardants que les banquiers traditionnels.

Cette activité présente deux problèmes. D'une part, il est très difficile de connaître le montant total de ces crédits de l'ombre. Certaines sources évoquent un montant équivalent à 200% du PIB. Et, comme il s'agit d'une activité exercée sans aucun contrôle, il est impossible de connaître la qualité des créances détenues par les "shadow bankers". D'autre part, ces sommes sont autant d'argent qui aura été utilisé pour faire de l'argent facile, grâce aux taux prohibitifs pratiqués, au lieu d'être investi pour gagner en compétitivité.

Par ailleurs, un resserrement du crédit aurait pour effet de limiter l'intérêt du shadow banking pour les grands groupes, et priverait les entreprises qui en bénéficient, parce qu'elle n'y ont pas accès dans le système classique, de leur seule source de financement. Étant donnés les montants en jeu, l'effet sur la croissance serait indéniable.

? La consommation des ménages progresse mais pas assez

Quoiqu'il en soit, la politique de soutien à l'investissement menée par Pékin n'avait pas vocation à s'étendre dans la durée. Elle était censée permettre à l'économie chinoise de continuer à croître afin de créer un nombre d'emplois nécessaires au maintien de la paix sociale dans le pays. La demande intérieure devait prendre le relais. Choquée par la forte baisse de ses exportations et des investissements en provenance de l'étranger à la suite de la crise de 2008, les autorités ont en effet décidé d'opérer un rééquilibrage de la croissance chinoise, moins basée sur les exportations et un peu plus portée sur la demande intérieure.

Pour ce faire, elles ont mis en place un programme de réformes destinées à soutenir la consommation. Or la consommation des ménages marque le pas. "Ce ralentissement est durable, car les réformes structurelles en cours, correction des inégalités et mise en place d'une meilleure couverture sociale, ne peuvent pas avoir d'effet immédiat," selon Bei Xu. En attendant, l'épargne a toujours la cote en Chine. En raison justement de la faiblesse de la couverture sociale, mais aussi parce que les prix de l'immobilier ont fortement augmenté et que les Chinois sont forcés d'économiser toujours plus pour acheter un logement. La mauvaise conjoncture contribue par ailleurs à freiner la hausse des salaires malgré la forte hausse du salaire minimum. Si bien que la consommation, comme l'indique le BNS, progresse, voire même accélère, mais pas suffisamment pour soutenir la croissance chinoise.

? Hausse des salaires et appréciation du yuan rognent la compétitivité

L'autre problème vient de la perte de compétitivité chinoise. En favorisant la hausse des salaires pour soutenir la consommation et en laissant s'apprécier le yuan par rapport au dollar et au yen, Pékin a accepté que le coût du travail augmente. Le coût salarial unitaire a progressé de 25 points par rapport aux Etats-Unis depuis 2006 selon Natixis. Ce qui a conduit à des délocalisations de l'industrie manufacturière au profit des pays d'Asie du Sud-est et à un recul de l'investissement en biens d'équipements.

Cette perte de compétitivité a par ailleurs pour effet d'amplifier le ralentissement des exportations, conséquence de la perte de vitesse des principaux partenaires commerciaux de la Chine. Les bons chiffres des exportations chinoises masquent en effet la mauvaise dynamique du pays à l'export. En effet, une fois exclues les exportations vers Hong-Kong, elles se sont globalement contractées de 4,8% en avril.

 

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