Le tour du monde à l'huile de friture

Un couple britannique vient de finir le tour du monde dans un bus fonctionnant à l'huile de friture. Ca marche, mais ça sent le barbecue. Et visiblement, les Français n'aiment pas donner leur huile usagée...
Copyright Reuters

Il aura mis un an de plus que prévu, aura été arrêté pour suspicion de terrorisme, et aura dû réchauffer son moteur en y mettant le feu, mais il a réussi. Andy Pag, un aventurier britannique, a terminé ce vendredi son tour du monde dans un vieux bus retapé, qui fonctionnait à l'huile de friture. C'est juste : pour le faire fonctionner, il suffit d'y verser des restes d'huile de cuisson, directement dans le réservoir, sans traitement particulier.
A en croire ce passionné de moteurs, la technologie n'a rien d'exceptionnelle. « Le moteur diesel avait à l'origine été inventé pour fonctionner à l'huile. Il avait seulement dans un deuxième temps été transformé pour utiliser du diesel. C'est donc une technologie vieille de 100 ans. »
L'aventure commence en 2009 avec un vieux bus scolaire à bout de souffle. Le vendeur lance à Andy qu'il n'arrivera sans doute pas à faire les cent kilomètres jusqu'à chez lui. Non seulement il a réussi, mais il a ensuite pratiquement tout démonté pour en faire l'équivalent d'une caravane dans laquelle vivre, en utilisant exclusivement des matériaux recyclés. Quant au moteur, il l'a entièrement transformé. « Le problème, c'est que l'huile est plus épaisse que le diesel », explique-t-il. Il lui a donc fallu utiliser des tuyaux plus larges, changer les filtres, et installer un réservoir de 1200 litres !
Puis, de pays en pays (d'ouest en est, de l'Europe jusqu'aux Etats-Unis), Andy - rejoint à mi-chemin par Christina Ammon, une journaliste devenue sa compagne- est frapper à la porte des cantines et des restaurants du monde entier, pour leur demander d'utiliser leur huile usagée.

Le pire pays où il est passé ? « J'ai eu beaucoup de problèmes en France, explique-t-il. Les gens à qui je demandais de l'huile se demandaient si ce n'était pas une ruse des autorités sanitaires pour voir ce qu'ils faisaient de leur huile de cuisson. » Et c'est sans compter le problème des taxes : « en France, il est interdit de rouler avec autre chose qu'un carburant officiel, parce que ceux-ci sont taxés. Cela revient donc à contourner les impôts, contrairement au Royaume-Uni, où une exception permet d'utiliser un maximum de 2.000 litres de carburant alternatif par an. » Résultat, les douaniers à la frontière suisse ont regardé d'un drôle d'?il Andy, Christina et leur « Biotruck » quand ils ont voulu rentrer en France. « Ils m'ont dit que c'était illégal, mais comme j'étais un étranger, ils acceptaient de fermer les yeux. »
L'administration française n'a cependant pas été son principal problème. Andy a également eu de sérieuses difficultés dans les pays froids, notamment en Iran pendant l'hiver. « L'huile a tendance à se solidifier, particulièrement quand elle a été utilisée pour cuire du b?uf. » La solution ? « J'allumais un feu sous le moteur pendant 20-30 minutes, pour réchauffer le carburant. J'avais très peur que tout le camion ne prenne feu, mais ça n'a pas été le cas. »
Enfin, l'aventure a failli mal tourner quand les autorités indiennes l'ont arrêté début 2010, le soupçonnant de terrorisme. Il a finalement été relâché, après tout de même une amende de 20 euros pour utilisation interdite d'un téléphone satellite dans le pays, ce qui est visiblement contraire à la loi sur la télégraphie... Cela lui a quand même fait perdre six mois, ce qui explique que le périple ait pris deux ans.
Et la leçon de cette histoire ? De son aveu même, Andy estime que l'huile de friture n'est guère une solution au réchauffement climatique et à la crise du pétrole. « Il n'y a tout simplement pas assez d'huile de friture par rapport à nos besoins. De plus, c'est une très vieille technologie que j'utilisais. »
Son voyage aurait-il donc été vain ? Andy réplique qu'il en revient avec une philosophie de la vie très différente. « Je suis parti avec des idées sur les énergies renouvelables. J'en reviens avec l'idée que notre principale erreur, dans les sociétés occidentales, est l'excès de consommation. C'est un peu un cliché, mais je reviens en comprenant ce qui compte vraiment dans la vie. » La preuve ? Il repart dans dix jours dans son camion. Destination : l'Afrique. « On verra jusqu'où on arrive à descendre », précise cet indécrottable aventurier.
Eric Albert, à Londres

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.