Fonds carbone : "la région Aquitaine veut donner l'exemple et amorcer la pompe"

La Région Aquitaine créé un fonds carbone destiné à compenser les émissions liées à la construction de l'autoroute A 65 Pau-Bordeaux. Alain Rousset, président du conseil régional d'Aquitaine, explique sa stratégie.

La Tribune - Comment est né ce projet de fonds carbone destiné à compenser la construction de l'A65, l'autoroute Bordeaux-Pau ?

Alain Rousset - L'idée a vu le jour au sein du Conseil Régional suite à la tempête Klaus de janvier dernier qui a dévasté la forêt des Landes. Avant Klaus, cette forêt absorbait autant de dioxyde de carbone que la région Aquitaine en émet. En France, notamment en Aquitaine, nous disposons d'un formidable piège à carbone, ce sont les arbres. De plus, lorsque le bois n'est pas réservé à la pâte à papier et au bois énergie, mais qu'on l'utilise aussi pour la construction, c'est la façon la plus durable de séquestrer le CO2.
En outre, la forêt aquitaine n'est pas seulement un puits de carbone, c'est une véritable entreprise avec toute une filière derrière. La replanter, c'est donc tout à la fois un projet écologique, économique et social. Par ailleurs, des réflexions sont en cours sur la meilleure façon de procéder à ce reboisement.

- Comment ce fonds carbone va-t-il fonctionner ?
 

- Selon les estimations faites par les associations environnementales, qui seront affinées d'ici la fin de l'année par un cabinet spécialisé indépendant, la construction de l'A65 a entraîné l'émission d'un million de tonnes de CO2. Au cours actuel de la tonne de carbone, cela représente un montant de 14 millions d'euros, même si cela va coûter nettement plus cher de reboiser. La Région a fait le choix budgétaire d'abonder le fonds à hauteur de 5 millions sur la période 2010-2014, soit 1.25 millions d'euros par an. C'est pour nous un investissement. Nous avons décidé de donner l'exemple, avant d'inviter l'ensemble des parties prenantes du projet, privées ou publiques, à nous rejoindre dans cette démarche. Nous allons bien entendu le proposer au concessionnaire (A'lienor, société détenue à 65% par Eiffage et 35% par Sanef, ndlr) ; mais également aux collectivités locales bénéficiaires du projet. Au-delà, tous les acteurs de la région, entreprises ou collectivités, seront incités à effectuer des bilans carbone de leurs divers projets et à abonder le fonds. Un comité de pilotage où siégeront les contributeurs, des universitaires, l'INRA (institut national de la recherche agronomique), des associations environnementales et l'Ademe, sera constitué dès janvier pour valider les projets proposés. La Caisse des Dépôts sera chargée de mutualiser ces fonds.

- Pour quels motifs pensez-vous que les acteurs régionaux accepteront d'abonder ce fonds carbone ?
 

- Certes, il s'agit d'une démarche entièrement volontaire, mais qui peut devenir un avantage comparatif intéressant, pour une collectivité comme pour une entreprise. Ainsi, les lycées « Kyoto », comme ceux que nous venons d'inaugurer en Aquitaine, n'ont rien d'obligatoire sur le plan réglementaire, ils coûtent plus cher à construire, et pourtant ils sont de plus en plus nombreux.
Quoi qu'il en soit, nous avons décidé d'amorcer la pompe, et de passer aux actes. C'est ce que j'appelle l'écologie par la preuve. Il faut bien qu'à un moment donné quelqu'un fasse quelque chose !
Mais on est loin de la taxe carbone, qui va pénaliser ceux qui n'ont les moyens ni de changer de voiture ni de rénover leur habitation, et que dans le même temps on diminuer l'impôt sur le revenu qui est le seul impôt à peu près juste et progressiste en France...

- Quelles sont les autres initiatives de la Région en matière environnementale ?
 

- En plus des lycées Kyoto, nous examinons systématiquement toutes les opportunités de pose de panneaux solaires sur les établissements scolaires de la région, dont beaucoup ont vu leurs toitures abîmées par la tempête Klaus. Nous obtenons un potentiel de 30.000 mètres carrés. Globalement, 46% des actions de la Région, que nous faisons évaluer publiquement, sont jugées compatibles avec les objectifs de développement durable.

Que pensez-vous du « plan de mobilisation des filières et des territoires pour les métiers verts » annoncé hier par le gouvernement ?
Le gouvernement sature les medias et il y a peu de relais médiatiques dans les régions, mais celles-ci n'ont pas attendu le gouvernement pour mettre en place des formations aux nouveaux métiers adaptées à leurs besoins. En Aquitaine par exemple, cela fait dix ans que nous développons une filière de construction bois. De toutes façons, quel argent va financer ce plan alors que l'Etat est en faillite ? Ce sont encore une fois les collectivités locales qui vont payer, comme pour le plan campus, comme pour la ligne à grande vitesse. En tant que président de l'Association des régions françaises, et comme cela se passe dans les autres pays européens, je demande à l'Etat qu'il dialogue avec nous, qu'il nous considère comme des partenaires et qu'il nous respecte, ce qu'il ne fait pas aujourd'hui.

 

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Bien vu... En effet, nos dirigeants ont comme toujours la fâcheuse mauvaise habitude de raisonner "Parisien", et considère les régions commes des vassales, et non pas comme des partenaires. Pour que cela change, il faudrait que nos instances voyagent...

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