Les ambitions du leader mondial de l'éolien

Ditlev Engel, PDG du groupe danois Vestas, leader mondial de l'éolien, confie à La Tribune ses projets. Il s'intéresse de près au marché français.

La Tribune - Vous avez annoncé il y a quelques jours de très bons résultats 2009 mais aussi des prévisions en baisse pour 2010. A quoi est due cette évolution ?

Ditlev Engel - En effet, à 6.6 milliards d'euros, notre chiffre d'affaires 2009 est le meilleur de notre histoire. et à 856 millions d'euros, notre résultat d'exploitation ebit a augmenté de 28% et notre marge ebit ressort à 12.9%. En revanche, les commandes enregistrées ont été plus faibles que prévu, c'est pourquoi nous sommes prudents pour nos prévisions 2010 (chiffre d'affaires de 7 milliards d'euros). Cette baisse des commandes, évidemment liée à la crise financière, est principalement le fait du marché américain. Alors que les Etats-Unis représentaient notre principal marché en 2007 et 2008, nous n'y avons pas vendu une seule machine en 2009. Mais nous venons d'y remporter un contrat pour 33 machines. Et si nos prévisions de marge pour 2010 sont également légèrement inférieures à celle de 2009 (10 à 11%), c'est surtout en raison des investissements importants (800 millions d'euros) que nous avons réalisés en 2009 dans de nouvelles capacités de production qui ne seront pas utilisées à plein en 2010. Mais nous conservons nos salariés en prévision d'une reprise, car il est nettement plus coûteux de se séparer de personnes compétentes lors des périodes creuses pour les réembaucher ensuite.

- La Chine est le marché qui a le plus progressé en 2009. Que représente ce pays pour Vestas ? Craignez-vous la concurrence des fabricants chinois ?

- En effet le marché chinois a plus que doublé sa capacité en passant de 12.1 à 25.1 GW. Et Vestas y est le premier fabricant de turbines étranger. De 65 personnes en 2005, nous sommes passés à 3 000 salariés aujourd'hui. Nous avons bien l'intention de profiter de la progression de ce marché. Et nous en avons les moyens. Nos fournisseurs, notre production, nos coûts de main d'?uvre sont chinois. Nous nous battons donc à armes égales avec les Chinois.

Ce qui est en question, ce ne sont pas les coûts chinois mais l'efficacité et la compétitivité des usines européennes. L'Europe reste en effet notre premier marché. Pour 2010, nous prévoyons des commandes de 8 à 9.000 MW, dont 50% en Europe, 30% aux Etats-Unis et 20% en Asie. Personnellement je pense que nous sommes tout à fait capables d'être compétitifs face aux Chinois, à condition de s'y mettre sérieusement, en poursuivant les actions déjà entreprises pour améliorer notre compétitivité. Je rappelle que les éoliennes sont des machines de plus de 250 tonnes, qui ne se transportent pas facilement. Il s'agit donc d'être compétitif sur nos principaux marchés.

- Quels sont vos atouts et vos perspectives à moyen terme ?

- Nos objectifs tiennent en une formule : le triple 15. En 2015, nous visons 15 milliards d'euros de chiffre d'affaires et une marge de 15%. Et pour y parvenir, nous comptons sur l'amélioration technologique, de nouveaux produits et des progrès supplémentaires en matière de compétitivité et d'efficacité de notre organisation. Sur le plan technologique, les 9.000 composants d'une turbine (contre 3.000 pour une automobile) offrent de nombreuses possibilités de gains d'efficacité. Nous collaborons par exemple avec Boeing, car notre industrie présente de nombreux points communs avec l'aéronautique. L'envergure de notre toute nouvelle machine de 3 MW, la V112, est supérieure à celle des ailes d'un 747. Par ailleurs, elle commence à produire de l'énergie dès une vitesse de vent de 3 mètres par seconde, alors que la plupart fonctionnent à partir de 5 mètres/seconde. Elle existera ensuite en version offshore. Ce marché ne représente que 4 à 5% du total mais présente un potentiel important, pour lequel nous développons aussi une machine de 6 MW.

- Le fait de ne pas proposer de financement de projets, contrairement à vos concurrents GE et Siemens par exemple, n'est-il pas un handicap ?

- Non, sincèrement je pense qu'en dehors des périodes de crise du crédit comme celle que nous venons de traverser, ce qui compte, c'est d'abord la qualité des produits et des projets.

- Comment envisagez-vous le développement de l'éolien à long terme ?

- Un peu comme dans l'industrie pétrolière où il faut de la visibilité sur les gisements avant de forer, nous avons besoin de visibilité sur les projets éoliens avant d'adapter nos capacités de production. L'éolien est l'énergie qui a progressé le plus en Europe en 2009 mais nous en saurons plus l'été prochain lorsque tous les Etats membres auront présenté leurs plans pour atteindre les 20% d'énergies renouvelables en 2020 (comme la France, qui prévoit 25.000 MW d'éolien dont 6.000 offshore). En comparaison du solaire, l'éolien est beaucoup moins cher et nécessite nettement moins d'emprise au sol. Je souhaite également insister sur le caractère renouvelable à 80% de nos éoliennes, qui me semble un atout de taille dans ce contexte. Mais nous aurons besoin de toutes les énergies renouvelables pour faire face aux défis du changement climatique et surtout à l'indépendance aux énergies fossiles. 450 millions d'indiens n'ont toujours pas accès à l'électricité et je peux vous dire qu'ils sont bien décidés à remédier à cette situation. Et nous, à les y aider.

Enquête : Vestas s'intéresse de près au marché français

Au 31 décembre 2009, Vestas avait fourni en France 480 machines et 892,95 MW, sur un total de près de 4.500 MW installés, dont plus de 1.000 MW pour la seule année 2009. Ses principaux clients sont les grands électriciens EDF Énergies Nouvelles, GDF Suez, Poweo, Enel mais aussi des acteurs plus récents et plus spécialisés comme Valorem ou RES. « Le marché français représente l'un des potentiels les plus importants en Europe », affirme Nicolas Wolff, directeur général de Vestas en France.

Le Grenelle prévoit 25.000 MW à l'horizon 2020, dont 19.000 sur le continent et 6.000 offshore. Cela équivaut à un total de 8.000 machines de 2 ou 3 MW. Le groupe emploie 190 personnes en France, dans ses sites de Paris et Montpellier, et son réseau de centres techniques régionaux surtout chargés de la maintenance. Les éoliennes implantées dans l'Hexagone proviennent de sites de production danois, espagnols, allemands et italiens. Mais c'est Guerton, dans l'Eure-et-Loir, qui fabrique les embases (socles) et Céole, à Dijon, les tours (mâts).

Le potentiel de développement du marché incite le danois à travailler sur les conditions d'acceptabilité des éoliennes par la population, en collaboration avec le gouvernement. Vestas reconnaît « l'engagement politique très fort » de ce dernier, mais déplore qu'il ne soit pas toujours décliné dans les règles administratives. La complexité de ces règles et le manque de visibilité à moyen terme qui en découle ne facilitent pas les choses. Les contraintes pesant sur les parcs éoliens évoluent régulièrement. Il est ainsi question, dans le projet de loi Grenelle 2, que ces parcs soient désormais soumis à la réglementation ICPE (installations classées pour l'environnement) alors que l'obtention des permis de construire est déjà complexe. « En France, il faut compter un minimum de quatre ans entre les premières études et l'obtention du permis, contre deux seulement dans la plupart des autres pays européens », témoigne Nicolas Wolff.

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Commentaires 2
à écrit le 17/02/2010 à 9:29
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intesresting

à écrit le 17/02/2010 à 9:21
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Il est temps d'arrêter le développement fou des éoliennes. Le coût de production en est extravagant, cela nous conduit à prix du KW à un tel niveau (0,80 ? du kw), qu'un grand nombre de personnes aura des difficultés à payer la facture. En plus de m...

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