Idée reçue #5 : "Les agrocarburants remplaceront les carburants fossiles"

La ponction qu'exercent les biocarburants de première génération sur les denrées alimentaires et le foncier va devenir de plus en plus impopulaire car les besoins vont augmenter avec la croissance démographique.
Reuters

Economiser le pétrole et limiter les émissions de CO2. Les objectifs sont louables. Produits à partir de ressources issues de l'agriculture ou de la sylviculture, les biocarburants ont vocation à se substituer progressivement aux carburants conventionnels d'origine fossile, essence et diesel pour les automobiles, et kérosène pour les avions. L'éthanol, qui peut remplacer l'essence, est fabriqué à partir de blé, de maïs, de betterave, ou (surtout) de canne à sucre ; le biodiesel provient de colza, tournesol, palme, soja, mais aussi d'huiles alimentaires usagées et de graisses animales. Majoritairement fabriqués à partir de denrées alimentaires, ces agrocarburants de première génération sont accusés d'en faire flamber les cours et de les mettre hors de portée des populations les plus pauvres. En octobre 2010, le rapporteur spécial de l'ONU sur le droit à l'alimentation Olivier de Schutter pointait leur rôle dans la récente vague d'acquisitions de terres à grande échelle (plus de 40 millions d'hectares par an), l'une des causes de la faim dont souffrent 500 millions de petits agriculteurs. En Afrique, l'ONG Les Amis de la Terre a révélé qu'en 2010 4,5 millions d'hectares étaient aux mains d'étrangers prévoyant d'y cultiver des matières premières destinées à la production de biocarburants.
Un an après les émeutes de la faim qui ont éclaté dans plusieurs pays, la flambée des cours des denrées agricoles a joué un rôle significatif dans les printemps arabes de 2011, les pays concernés important une part importante de leur consommation.

Ajoutée aux effets du changement climatique, des épisodes répétés de sécheresse et d'inondations, et surtout à la spéculation sur les prix agricoles, selon une étude publiée par l'ONG Oxfam en mai 2011, cette pression des agrocarburants contribuerait à augmenter les prix des cultures de base de 120 à 180 % d'ici à 2030. En avril 2011, ils étaient déjà de 36 % supérieurs à ceux d'avril 2010.
De nouvelles générations d'agrocarburants, encore en phase d'expérimentation, n'utilisent que des parties non comestibles de plantes alimentaires (la bagasse de canne à sucre), des sources ligno- cellulosique (bois, feuilles, paille, etc.) ou des plantes cultivées uniquement dans cette perspective. Mais elles ne sont pas pour autant exemptes de critiques. Ainsi, le jatropha, notamment cultivé pour fabriquer du carburant aérien, pousse sur des terrains semi-arides dévolus à l'élevage extensif où l'agriculture traditionnelle dédiée à l'alimentation est réduite à son strict minimum. Mais selon l'ONG les Amis de la Terre, les investissements à grande échelle (qui se sont multipliés ces dernières années) seraient des échecs, car les rendements attendus ne sont pas au rendez-vous. Et la plante est accusée d'appauvrir les sols.

L'intérêt des chercheurs et des investisseurs se porte d'ores et déjà sur les biocarburants de troisième génération, les algocarburants. Ils n'en sont encore qu'au stade du laboratoire, mais les expériences se multiplient. On distingue les techniques de photosynthèse, dans lesquelles les algues se développent à la lumière, et celles de fermentation, où elles sont transformées en huiles sous l'action de levures spéciales. Cette opération, qui peut se faire dans des cuves enterrées, fournit une première réponse au problème d'espace qui pourrait bien porter un coup d'arrêt au développement des agrocarburants de génération précédente. Car sans même parler des conflits d'usage avec les cultures alimentaires, les rendements actuels nécessiteraient des millions d'hectares !

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